LittératureL'entrevue éclair avec
Crédit photo : Louise Leblanc
Alain, c’est un plaisir d’échanger avec vous aujourd’hui! Vous détenez un baccalauréat en histoire, une maîtrise en communication publique et un doctorat en science politique (!), et êtes l’auteur de plusieurs essais aux éditions du Septentrion. Qu’est-ce qui, dans votre cheminement ou dans votre personnalité, peut expliquer votre intérêt pour des disciplines aussi variées – mais également complémentaires, à bien y penser?
«En fait, ma première passion a toujours été l’histoire. Je suis cependant rapidement passé à la communication publique dans le but de bonifier mes compétences, notamment en écriture. Ça m’a entre autres mené au journalisme et à la couverture de la politique municipale.»
«En parallèle d’une première expérience comme chargé de cours en journalisme, j’ai ensuite décidé de m’orienter vers un doctorat en science politique, mais avec un sujet en communication politique.»
«Bref, j’ai le sentiment qu’avec mes essais, je fais à la fois de l’histoire, de la communication et de la politique! En plus, je dois vous avouer que j’ai un p’tit côté collectionneur, et mes projets me donnent l’occasion d’exposer mes plus beaux artéfacts électoraux et référendaires!»
Aux éditions du Septentrion, vous avez mis sur pied une série dont le concept est de faire le lien entre les stratégies marketing et les parcours d’hommes politiques québécois qui ont marqué l’histoire de notre province (on compte notamment Robert Bourassa et René Lévesque, Maurice Duplessis et Jean Lesage). D’où vous est venue l’idée de cette thématique?
«L’idée était de traiter de cette thématique qui me fascine sous deux angles peu documentés, dont l’un faisant place aux artéfacts électoraux et référendaires. Que peuvent-ils nous raconter? Quels messages, stratégies et symboles portent-ils? Quant au deuxième angle, je trouvais important de faire ressortir les réactions singulières de premiers ministres qui ont été “façonnés” par ce marketing.»
«En somme, dans chacun de mes essais, cette double lecture me permet de traiter à la fois du marketing d’un parti (programme, promesses, publicités et slogans) et de celui d’un personnage historique (la gestion de son image).»
Le 7 mars, vous avez cette fois dévoilé Parizeau. Oui au marketing d’un pays, afin de revenir sur les moments clés de la carrière de Jacques Parizeau (membre du Parti québécois et premier ministre du Québec de 1994 à 1996). Comment le décririez-vous en tant que dirigeant, et pourquoi avoir choisi une approche chronologique pour revenir sur ses années actives en politique?
«Parizeau est fascinant. Rien ne le destinait à la politique partisane. Formé à la London School of Economics, il mène une brillante carrière de professeur à HEC Montréal. En parallèle, il est conseiller économique des premiers ministres Lesage, Johnson et Bertrand. Sa vie change toutefois quand René Lévesque le convainc d’adhérer aux rangs du Parti québécois (PQ) en 1969. Candidat, il est défait aux deux élections qui suivent.»
«En 1976, il fait son entrée au Parlement. Il sera réélu en 1981, 1989 et 1994. Au sein des deux gouvernements de René Lévesque, il occupera des ministères liés aux finances et à l’économie. À la suite du virage du PQ vers le “beau risque” avec le fédéral, il quitte la vie politique en 1984 pour retourner à l’enseignement.»
«En 1988, il replonge en politique active, cette fois à titre de chef du PQ. En 1989, il devient chef de l’opposition officielle. À titre de premier ministre à compter de 1994, Parizeau mène la “bataille” de sa vie lors du référendum sur l’avenir du Québec de 1995. Chef déterminé et pédagogue, il fait le pari que les Québécois sont prêts à prendre en main leur destinée. Le 30 octobre, par moins de 1% des votes, il perd son pari de faire du Québec un pays.»
«Vous comprenez mieux pourquoi l’approche chronologique est la meilleure pour cerner le marketing du personnage au fil du temps. Dans mon essai, je souligne qu’avec René Lévesque, la marque Jacques Parizeau a été construite autour de sa compétence et de sa clarté. Après Lévesque, s’ajoutent à cette marque le leadership et le caractère.»
Au fil des pages, vous montrez «à l’aide de messages publicitaires, d’objets et de slogans mémorables, comment ont évolué le marketing de la souveraineté et celui de la marque Parizeau entre son arrivée au Parti québécois, en 1969, et le référendum de 1995». Pouvez-vous nous dire quels documents d’archives (communiqués du parti, articles de presse, extraits d’apparitions radio et télé…) vous ont permis de faire votre analyse?
«Ce sont d’abord et avant tout les traces matérielles variées de ces campagnes électorales et référendaires qui constituent la pierre angulaire de l’essai qui compte 122 illustrations. Mes principales sources sont mes trouvailles de collectionneur, jumelées à celles de la Bibliothèque de l’Assemblée nationale, de la BAnQ et du Musée virtuel d’histoire politique du Québec.»
«L’essai puise également dans les entrevues qu’a accordées Jacques Parizeau à son biographe Pierre Duchesne, dans lesquelles il témoigne de son rapport avec le marketing politique.»
Et alors, pensez-vous continuer votre série et, si oui, quel sera le prochain personnage politique à être étudié? À moins que vous ne nous surpreniez avec de nouveaux projets…
«J’y réfléchis. Je me donne généralement une année avant d’entreprendre un nouveau projet. Chose certaine, depuis 1995, il y a eu d’autres premiers ministres intéressants, dont une première femme à occuper la fonction. J’avoue que l’idée de traiter du marketing politique au féminin serait intéressante.»
«L’idée d’un retour aux élections d’avant Duplessis serait aussi une autre voie. À cette époque, on ne parlait toutefois pas de marketing, mais plutôt de propagande.»