Le recueil de nouvelles «Quand Marie relevait son jupon» – Bible urbaine

LittératureRomans québécois

Le recueil de nouvelles «Quand Marie relevait son jupon»

Le recueil de nouvelles «Quand Marie relevait son jupon»

Érotisme historique et indémodable

Publié le 30 mai 2015 par Marie-Hélène Proulx

Crédit photo : VLB Éditeur

Comment, dans la Nouvelle-France de 1600, de 1800 et du début des années quarante, les femmes de colons, les Amérindiennes, les marins, les premiers médecins et les autres colonisateurs de ce froid continent ont-ils su échauffer leurs ardeurs? Pour évoquer cet «érotisme historique», les nouvelles de Geneviève Lefebvre, Marie Christine Bernard, Philibert Deladurantaye, Aline Apostolska, Jennifer Tremblay et Sébastien Chabot semblent avoir puisé à la source de leur imagination amoureuse plus qu'à celle de la rigueur anthropologique.

Ces auteurs s’attardent rarement à décrire minutieusement les caresses et les corps. L’effet suscité par ces évocations coquines dépend donc grandement de la fantaisie personnelle du lecteur. Mais va-t-il s’en plaindre? Assurément pas: cette écriture poétique, mêlant les paysages sauvages et bucoliques à quelques relents de discours courtois …mais rarement chaste, a tout pour séduire. Et même lorsqu’il est question de romance, on y demeure bien loin du rose bonbon, car les temps sont durs sur cette terre en friche et, en cette époque de guerre, le combat pour sa survie s’y révèle brutal, malgré les moments d’amour impromptus qui viennent parfois y surprendre les êtres.

Le passé n’y est donc pas enjolivé, mais sa violence ne fait pas non plus l’objet de complaisance pornographique. On y découvre simplement des personnages qui souffrent tout en continuant à se sentir vivants et pleins de désirs: des êtres de chair, mais aussi d’âme et d’histoire, pour qui l’orgasme est loin d’être la finalité suprême. L’écriture est beaucoup trop subtile pour ne s’arrêter qu’à cela. Les meilleures nouvelles s’y avèrent d’ailleurs les plus tragiques, en premier lieu celle de Philibert Deladurantaye, d’une beauté candide, suivie d’une chute dramatique parfaite. La cruauté évoquée par le récit de Marie Christine Bernard est même difficilement supportable, par moment. Par contre, l’aspect plus léger de l’œuvre de Jennifer Tremblay crée, par ses enchaînements volontairement redondants, de suaves moments d’attente qui sont également dignes de mention.

Comme c’est parfois le cas en littérature érotique, l’humour et la sensualité s’y succèdent coup sur coup. Cet amalgame, sur fond historique, que l’on retrouve à peu près dans chaque nouvelle, crée un bel effet d’unité entre ces récits s’échelonnant sur plus de trois siècles. On saura gré aux auteurs d’avoir su dépasser le cliché du méchant prêtre castrateur, du bon sauvage et du colon ignorant pour présenter une nature humaine infiniment plus complexe.

Même si plusieurs détails historiques sont mentionnés, on ne saura donc pas vraiment jusqu’où, en réalité, en ces temps si durs, les hommes et les femmes ont su s’aventurer dans la découverte des plaisirs. Mais, une chose est certaine: lorsque Marie relève son jupon, elle dévoile avant tout la richesse du style des auteurs d’aujourd’hui.

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