LittératureLa petite anecdote de
Crédit photo : Danila Razykov
C’est arrivé il y a une dizaine d’années. Je suis au Salon du Livre de Montréal, en pleine séance de signatures. Vient le tour d’un couple, un homme et une femme au look gothique, dans la vingtaine ou début trentaine. Comme je m’y attendais, ils veulent que je leur signe leur exemplaire d’Aliss (dans 90% des cas, les Gothiques me font signer Aliss). On discute un peu, ils sont très aimables, très articulés; si ce n’était de leur habillement, on pourrait croire à deux jeunes professionnels qui rencontrent un client.
Alors que je termine ma signature, la jeune femme me dit:
— Vous savez, nous organisons des soirées échangistes et depuis quelque temps, la thématique de nos séances est Aliss. Pour être plus précis, nous nous inspirons de la scène du Palais, dans votre roman.
Je lève les yeux, quelque peu subjugué. Il faut savoir que la scène du Palais dans mon roman décrit une partouze d’environ deux cents personnes, durant laquelle on peut retrouver à peu près tout ce qui existe comme pratique sexuelle, nécrophilie en moins. Je me demande si elle me charrie ou non et je me contente d’un prudent:
— Vraiment?
Son compagnon approuve avec un enthousiasme discret et ajoute:
— Absolument. Les participants apprécient beaucoup. Votre livre est très populaire dans notre gang.
Je jette un oeil vers le reste de la file. Les lecteurs et lectrices les plus proches attendent en discutant entre eux, mais je discerne le sourire d’une lectrice qui, manifestement, écoute notre conversation. Je reviens à mes joyeux gothiques.
— C’est… je suis bien flatté.
Là-dessus, la jeune femme se penche vers moi et, sur le même ton que si elle m’offrait un billet pour aller voir le prochain spectacle de l’Orchestre symphonique de Montréal, elle me dit:
— Nous serions très honorés si vous acceptiez de venir à l’une de ces soirées. Je vous garantis que vous seriez la vedette de la soirée.
Et son compagnon acquiesce en souriant.
En une seconde, une multitude d’images me traversent l’esprit. Après m’être raclé la gorge, je réponds:
— Hé bien, je vais… je vais y penser, merci beaucoup.
— Vous pouvez être accompagné, évidemment.
— Évidemment.
Elle m’écrit un nom et un numéro de téléphone sur un papier, puis tous deux repartent en m’assurant qu’ils espèrent une réponse positive de ma part.
Chez moi, je parle de cette rencontre avec ma blonde et, après une intense réflexion d’environ dix-sept secondes, nous décidons de ne pas donner suite à cette invitation.
Morale de cette histoire: même les romans d’horreur peuvent amener du plaisir dans la vie des lecteurs et lectrices.