Littérature
Crédit photo : Jessica Renaud
Petites annonces: coda, par Nicholas Giguère
le gars bear mature de l’est de Sherbrooke
le gars marié de Rock Forest
le gars à la grosse queue
le gars qui travaille au public
le gars pas loin de chez moi
le gars en couple avec un autre gars
le gars marié de Magog
le gars qui est venu me sucer un mercredi matin avant mon cours de création littéraire
le gars qui est venu chez moi pour un trip un après-midi d’août
le gars qui reste sur la rue Marcil juste en face du lac des Nations
le gars qui s’était endormi chez sa chum de fille et qui est venu me piper en pleine nuit
de vous
j’ai très peu de souvenirs
rien n’est très clair
quelques détails insignifiants
des peccadilles
la queue d’un tel est longue mince et molle
c’est rare
tel autre a une grosse bite dure
il porte une casquette et du vieux linge
je me lève aux aurores pour une fellation minute
tu passes avant ton shift à Waterville
toi tu arrives plutôt chez moi en pleine nuit
après ton quart d’infirmier au CHUS
tout le long tu me traites de grosse cochonne
et me parles de tes maux de dos
tu pars en m’ordonnant de rester discret
faut pas que mon chum le sache
je me rappelle vaguement d’un mec bedonnant
full canon
qui a trompé sa blonde avec une autre fille
«faut que je fasse attention
c’est rendu qu’elle me watche pas mal»
you bet choupinet
David
beau grand barbu
tu reviens parfois me hanter
j’espère te revoir
toi aussi gars d’Ottawa
qui étudie maintenant en gestion de la santé à l’Université de Sherbrooke
ou peut-être pas
je peux rien affirmer
ou certifier
vos corps
vos sexes
s’entremêlent
à qui ce pénis qui me perfore
et me fait atrocement mal?
est-ce au bonhomme qui veut déménager à Sainte-Catherine-de-Hatley?
ou à l’agrès qui me tord les mamelons?
je suis certain de deux choses:
vous ramez tous votre queue
dans ma bouche béante
l’un de vous m’initie aux trips dad/son
beaucoup s’assoient sur mon ventre
pour décharger sur mon visage
c’est plus confortable
et ça évite d’en mettre partout sur les draps
c’est tout
le reste
c’est flou
comme un lendemain de veille au Rohypnol
voilà mon drame
qui est celui de toute slut:
à force de multiplier les hookups
on finit par oublier
les corps
auxquels on a été liés
ne serait-ce qu’un instant
ils nous disent plus grand-chose
nous parlent plus vraiment
on les confond allègrement avec d’autres
(à qui cette main?
cette bouche?
ce sexe?)
pour les sluts
tous les corps
tôt ou tard
deviennent interchangeables
ces corps
qu’on a pourtant adorés
adulés
qui nous ont touchés
palpés
tenus dans leurs bras
traversés
aimés peut-être
aimés