«La cité oblique» d'Ariane Gélinas et Christian Quesnel: un pur bijou lovecraftien – Bible urbaine

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«La cité oblique» d’Ariane Gélinas et Christian Quesnel: un pur bijou lovecraftien

«La cité oblique» d’Ariane Gélinas et Christian Quesnel: un pur bijou lovecraftien

Un récit halluciné sous forme de bande dessinée qu'on a adoré

Publié le 23 novembre 2022 par Lucie Laumonier

Crédit photo : Dids (image en arrière-plan) et Éditions Alto (couverture de la BD)

Saviez-vous que H. P. Lovecraft, père de la littérature fantastique, a séjourné dans la Ville de Québec au courant des années 1930? Il en a tiré un récit savant, loin de la fiction horrifique. Ce dernier a été revisité par deux artistes d'ici, Ariane Gélinas et Christian Quesnel, qui en ont tiré un récit halluciné sous forme de bande dessinée qu'on a adoré.

Howard P. Lovecraft a tiré de ces visites au Québec un récit de voyage intitulé A Description of the Town of Quebec. Cet essai de 130 pages a été publié à titre posthume dans From Quebec to the Stars. L’auteur américain y célébrait le «parfum de douce antiquité, de quiétude et d’éternité» de la capitale provinciale.

Mais cet essai n’a rien de fantastique. Lovecraft proposait en effet une histoire de la Nouvelle-France qui, bien que ponctuée d’erreurs historiques, se voulait savante. Il s’y évertuait à décrire la capitale dans ses moindres détails.

De ce récit de voyage somme toute un peu plate, deux Québécois ont créé La cité oblique, une bande dessinée fantastique et inquiétante, un pur bijou lovecraftien.

Lovecraft à la sauce Lovecraft

L’illustrateur Christian Quesnel et l’autrice et spécialiste de Lovecraft Ariane Gélinas ont fait équipe pour un projet BD de plus de trois ans dont le résultat est époustouflant. En entrevue à Radio-Canada, Quesnel explique avoir voulu créer «une présentation hallucinée du Québec, […] un Québec parallèle, une Nouvelle-France parallèle».

Et c’est bien ça. L’ouvrage est halluciné, voire hallucinatoire.

D’une part, il y a les textes. Christian Quesnel, au sein de la même entrevue, soulignait qu’Ariane Gélinas «a réécrit le texte comme si Lovecraft avait écrit un récit fantastique». Ainsi, sous sa plume inspirée, Québec devient Québeck, la Nouvelle-France est la Nouvelle-Fr’lyeh, et Maisonneuve devient Mez’Ôn-oev.

L’histoire du Québec se retrouve ainsi peuplée de personnages étranges aux noms inquiétants.

La remise en récit crée une histoire fantasmée de la Nouvelle-France aux allures de prophétie.

Les auteurs ont tenu à ajouter au texte original l’histoire des peuples autochtones, ignorés ou mis de côté par Lovecraft, et de rendre à Jeanne Mance son rôle dans l’histoire – deux choix que l’on ne peut que saluer.

Un Québeck hanté de monstres

Et puis, il y a la mise en images.

Christian Quesnel travaille à l’aquarelle et choisit avec soin les palettes de couleurs qui habillent les récits. On l’avait vu à l’œuvre pour Mégantic, un train dans la nuit (2021), où le bleu dominait.

On le retrouve ici avec une palette sombre de noir, de rouge sang, de bleu, encore, et de vert froid. L’aquarelle coule sur les pages, elle est projetée sur les décors et les personnages.

Des prêtres aux yeux rouges armés de tentacules hantent les pages, tandis que Frontenac est dissimulé derrière un masque de hockey de tueur en série. Les personnages peuplant ce Québeck lovecraftien ont tout de créatures cauchemardesques, quand elles ne le sont pas carrément. Le Saint-Laurent est peuplé de monstres aquatiques, Québeck est survolée de créatures ailées, et les forêts regorgent d’hybrides effrayants.

Cet ouvrage illustré – car il ne s’agit pas tant d’une bande dessinée – est un tour de force artistique, tant au niveau de l’écriture que de la mise en image.

Une très belle découverte au croisement de l’histoire et de l’horreur qui met à l’honneur des artistes de talent dont on devine le plaisir à avoir créé ce bijou digne d’un trip solide sous champignons. 

Un ouvrage à lire absolument!

La cité oblique d’Ariane Gélinas et Christian Quesnel, Éditions Alto, 2022, 168 pages, 36,95 $.

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