«La Chute de Sparte»: un roman-choc signé Biz – Bible urbaine

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«La Chute de Sparte»: un roman-choc signé Biz

«La Chute de Sparte»: un roman-choc signé Biz

Une fiction-choc autour du suicide chez les jeunes

Publié le 26 août 2011 par Éric Dumais

Crédit photo : Leméac Éditeur

En 2010, Biz a fait paraître aux éditions Leméac son premier roman, Dérives, un récit noir traitant des nombreuses difficultés d’être un père. Cet automne, le célèbre chanteur du groupe rap québécois Loco Locass récidive avec La Chute de Sparte, une fiction-choc où l’action principale évolue autour d’une polyvalente de banlieue et du suicide chez les jeunes.

«J’habite à Saint-Lambert et ça me fait profondément chier. Saint-Lambert est une banlieue prétentieuse et hypocrite. Une vieille dame qui courtise le fleuve avec le petit doigt en l’air, tout en se faisant enculer par le boulevard Taschereau, ce chef-d’œuvre de laideur pochemoderne. Ma rue est banale (l’avenue Maple) et ma maison est sans intérêt. En fait, le seul endroit que j’habite vraiment, c’est ma chambre. J’adore ma chambre. C’est l’unique territoire où j’exerce ma propre souveraineté.»

Steeve Simard est un adolescent brillant qui fréquente la polyvalente Gaston-Miron, cet «improbable amalgame de bunker gouvernemental est-allemand, de pénitencier à sécurité maximale et de caisse populaire.» C’est d’ailleurs l’un des rares qui ne crachent pas sur la littérature, l’érudition et les exercices de style. Il possède, en effet, un équipement de spéléologie, s’intéresse aux articles de La Presse, qu’il critique de façon éhontée, et a déjà lu les œuvres marquantes de grands penseurs et écrivains, dont Gaston Miron, Nietzche, Marcel Proust (trop compliqué par contre), Christian Mistral ou Louis Hamelin, contrairement à la horde de (jeunes) zombies qui l’entourent. Steeve est un passionné, un libre-penseur, un joyeux luron aussi, mais avant tout un œil critique de la société moderne dans laquelle il évolue.

Les pensées de Steeve sont transposées dans un carnet personnel qu’il s’occupe d’alimenter quotidiennement. C’est donc sous la forme d’un journal ouvert qu’il nous raconte sa vie scolaire, sa relation avec ses amis, ses ennemis, ses professeurs, ses coups de fourdre, mais aussi le récit des petites péripéties qui donnent du piquant à sa jeune existence.

Un jour, Steeve et sa coéquipière Véronique Plourde, de laquelle il est éperdument amoureux, remportent une victoire bien méritée à la crosse, un sport exercé dans le cadre d’un cours en éducation physique. Le gros Giroux, un membre de l’équipe adverse et footballeur pour les Spartiates, exprime sa colère et son mécontentement en plaquant lâchement Sam, l’ami de Steeve, directement sous les omoplates. Un des élèves de la classe a filmé la scène et a publié la vidéo sur YouTube, laquelle a été vue par plus de 2000 personnes en l’espace de deux jours. La tension monte à la vitesse grand V et Steeve commence à craindre pour sa sécurité. Cependant, personne n’auraient cru que Mathieu Saint-Amour, quart-arrière des Spartiates, se soit passé la corde au cou près de la polyvalente. Tout le monde est sous le choc, y compris les professeurs et l’entraîneur. Et personne n’aurait pensé, surtout, qu’un décès aussi tragique pouvait autant changer le cours normal des choses.

La qualité première d’un roman comme celui-ci relève essentiellement de la qualité d’écriture employée par l’auteur. Ici, les phrases sont d’une fluidité étonnante, les pensées, incisives, crues et vraies, et les calembours ainsi que les autres exercices de style, tout simplement délectables pour l’intellect. Il est dur de passer à côté d’un mot comme «pochemoderne», qui rappelle la vivacité d’esprit de Boris Vian dans L’écume des jours. La force de Biz est sans contredit sa critique âcre mais véridique de notre société capitaliste, qu’il s’amuse à décapiter à coup de propos cinglants et provocateurs.

On sent, à travers l’âme (adulte) de Steeve Simard, un Biz fort instruit, un homme qui connaît bien son Histoire avec un grand «H», et qui profite du changement de peau pour parler un peu plus de ce qui l’énerve personnement. Sa pensée ne dérange en aucun cas l’intérêt du lecteur, puisqu’elle est constamment alimentée, renseignée et réfléchie.

La Chute de Sparte est un court roman que vous dévorerez en une seule bouchée, signet compris. C’est un véritable délice pour les yeux, un amuse-gueule pour l’intellect, mais avant tout un ouvrage réfléchi et d’une lucidité stupéfiante.

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