LittératureRomans québécois
Crédit photo : Éditions Somme Toute
Sur un ton délicat, l’auteure nous partage ces multiples facettes qui font notre identité. Ces moments de la vie sans doute banals a priori, mais qui restent gravés dans la peau. De l’enfant à la femme d’aujourd’hui, on suit celle «qui voulait devenir une danseuse espagnole pour aller lire dans un château en Espagne». Justement, on s’émeut de cette fragilité enfantine qui ploie sous le joug sociétal et de l’éducation d’époque. La narratrice a ce sentiment de ne pas être à sa place et apprend très tôt à se faire invisible et à «habiter dans les livres».
Et les livres habitent ce roman, photographiés dans des lieux ordinaires et gardés par des soldats en plastique. Au recoin de chaque page, la littérature se fait salvatrice: «C’est là, dans les livres, que j’ai appris que je n’étais pas seule: j’étais avec moi». Et aussi accompagnatrice, puisqu’il est si difficile d’avoir des relations avec les autres. Ces autres qui semblent vouloir la modeler. C’est une enfant à qui l’on ne demande pas quel métier elle veut faire plus tard et qui «apprenait toutes sortes de choses avec des noms de messieurs».
Puis vinrent l’adolescence, l’amour et tout ce temps où on ne cesse de courir après soi-même. On se reconnaît dans ces passages courts, frappants et poétiques. On s’arrête un instant et on prend le temps d’y penser à ces petites vérités qui agissent comme des miroirs. Ce roman est le tracé d’une vie avec beaucoup d’hier, beaux ou malheureux. Et beaucoup de jours à venir. Des jours qui deviennent bancals lorsque l’auteur nous parle de son père qui est dans «un mouroir». L’écriture devient encore plus sensible et lumineuse, même alors qu’on parle de la mort, de la vieillesse.
Les mots de Sylvie Laliberté résonnent de justesse et ne s’oublient pas si vite. Au contraire, on se surprend à réciter aux amis des passages entiers. C’est ce genre de livre qui accompagne le temps froid et les nuits trop longues. Des réflexions y naissent et du réconfort qu’on oublie trop souvent de chercher.
«À chaque jour suffit sa peine. Mais il arrive qu’un seul jour ne suffise pas à ma peine. Alors je ne me gêne pas, je prends deux ou trois jours de plus».
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de la rédaction