«I(ma)ges & réflexions»

Mais comme Ariane ne fait rien comme les autres, elle a imaginé un journal de bord ludique d’une année mouvementée. Elle s’est alliée au duo de photographes Simon-Pierre Gingras et Jerry Pigeon qui avaient signé les images de la pochette de MA pour «documenter» I(ma)ges & réflexions.

Pendant un an et demi, les photographes ont suivi la chanteuse entre Montréal, Paris, Vancouver, Austin et New York avec en mains des appareils jetables ou analogiques. Pas d’appareils photo sophistiqués ou de photos léchées pour le duo, mais un désir de capter l’instant, l’insaisissable, de raconter la petite histoire d’une grande chanteuse. «Un livre de photos, c’est beau, écrit-elle, mais en cours de route m’est apparue la possibilité d’en faire un véritable album-souvenir, presque un bilan de carrière.»

Le résultat est un ouvrage sans pudeur, autant dans les photos que dans les textes d’Ariane qui s’est adjoint comme «parrain d’écriture» l’éditeur et auteur Tristan Malavoy-Racine, qui agit aussi à titre de directeur littéraire. Sans compter que d’autres artistes, à commencer par son ancien complice Daniel Bélanger, qui signe un sublime hommage à son amie, Albin de la Simone ou Franck Deweare, font aller leur plume pour parler d’Ariane.

I(ma)ges et réflexions se dévoile comme une incursion instantanée dans le quotidien de la chanteuse. Ses textes, poèmes, réflexions, et paroles forment un ensemble bigarré et coloré, à l’image de l’artiste qu’elle est devenue: vivante, éclatée, inspirante, mais aussi mouvante et caméléon. Elle ne se gêne pas pour parler des affres de la course à la célébrité et de sa posture créatrice dans Prix de consolation, un texte grinçant mais révélateur d’une industrie musicale où talent rime avec argent; de ses échecs pour percer le marché français ou de ses excès, mais c’est dans l’intime et la simplicité que la chanteuse se dévoile le plus:

«C’est la solitude qui m’accompagne dans une ville nouvelle. Une ville dans laquelle je ne ferai que passer. Le temps d’un show, de quelques repas et d’une (trop) courte nuit. Explorer les lieux à la marche, en me parlant, souvent d’une voix rauque, un nuage gris au-dessus de la tête. Il s’agit de l’errance des jours ou des lendemains de concert, l’une des faces cachées de mon métier que je préfère.»

Ariane dédie l’ouvrage à ses jumeaux, Paul et Henri, «Pour que vous en sachiez un peu plus à propos de votre mère et sa passion», mais aussi à sa conjointe, Florence, à laquelle elle écrit aussi un magnifique poème, «Florence-Pensée». D’ailleurs, l’un des textes les plus surprenants, «Nina», découle d’une réflexion de la douce moitié d’Ariane sur sa fascination pour Nina Simone. Il y a également un texte-hommage à sa grande soeur, Stéphanie, gérante et locomotive de la chanteuse. Le petit monde d’Ariane comme le grand s’intègre parfaitement dans l’ouvrage.

Une exposition à l’ARTV Studio

L’ambiance créée par les photographes a quelque chose de surnaturel et d’onirique. Ils fouillent, regardent, tournent autour de la chanteuse, de son public, des lieux qu’elle visite, pour mieux former un écrin tout dédié à son art. Leur facture visuelle rappelle les albums de famille, sourire épanoui et joues rouges en prime. Ici pas question de magnifier, mais de raconter l’histoire et l’ambiance de la tournée MA, avec ce petit décalage et cette grande liberté que fait la différence entre promotion et création. Ma curiosité n’a cependant pas toujours été assouvie. Sans chronologie où indication des lieux, les photographies perdent parfois le lecteur à force de le laisser dans le flou.

Une exposition est présentée parallèlement à l’ARTV Studio de la Place des Arts, du 22 octobre au 30 novembre. Si elle constituée de quelques photographies du livre, trop peu selon moi, on peut aussi y visionner un montage d’images sur fond musical d’Ariane, y voir les planches complètes de l’ouvrage et s’immerger dans la dernière tournée de l’artiste.

«I(ma)ges et réflexions»
Ariane Moffat et SPG &Le Pigeon
En librairie le 17 octobre
Éditions Somme toute, 152 pages couleur