«Griffintown» de Marie Hélène Poitras – Bible urbaine

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«Griffintown» de Marie Hélène Poitras

«Griffintown» de Marie Hélène Poitras

Un Far Ouest dans le Vieux-Montréal

Publié le 19 juin 2012 par Éric Dumais

Crédit photo : Éditions Alto

Après Soudain le Minotaure, un premier roman corsé dans lequel étaient opposées les voix d’un violeur et de sa victime, Marie Hélène Poitras récidive, sept ans plus tard, avec Griffintown, un western spaghetti urbain où il est question de Far Ouest, de cow-boys, de meurtres et de chevaux.

«Hors des frontières de Griffintown, le temps semble s’être arrêté».

Campé dans un Far Ouest crasseux et poussiéreux, qui n’est pas sans rappeler le film Il était une fois dans l’Ouest de Sergio Leone, Griffintown met en scène d’énigmatiques personnages à la Clint Eastwood, dont plusieurs d’entre eux verront leur vie bouleversée suite au décès du cocher Paul Despatie, poignardé froidement aux petites heures de la nuit.

«On a liquidé le patron. L’ordre des choses, jusque-là immuable, vient d’être renversé. Il y aura des questions d’honneur à soupeser, peut-être une vengeance à orchestrer et probablement un message à décoder. Les hommes de chevaux vont devoir rétablir la justice ou s’en fabriquer une et l’imposer. En règle générale, les policiers ne viennent pas au Far Ouest; les autorités laissent les hommes de chevaux régler leurs affaires entre eux, en autant que leurs histoires ne débordent pas les frontières du territoire. Ce qui se passe à Griffintown reste à Griffintown; il en a toujours été ainsi.»

Marie Hélène Poitras renoue ici avec sa plume sobre mais incisive qui a fait battre le cœur des lecteurs en 2005 dans La mort de Mignonne et autres histoires, un recueil de nouvelles chevalines au sein desquelles l’auteure partageait pour la première fois sa passion des chevaux et son expérience en tant que cochère dans le Vieux-Montréal. Si elle semble ici prêter ses traits à la jeune Marie, qui désire plus que tout devenir cochère dans ce Far Ouest cruel et bestial, l’auteure avait sans doute d’autres ambitions en tête lors de son processus d’écriture que la simple invention d’une autobiographie.

Dans Griffintown, Marie n’est qu’une simple prétendante devant des personnages crasseux au lourd passé tels que le palefrenier Billy, les cochers John et Alice (qui ressemble comme deux gouttes d’eau à Alice Cooper), Georges (le cocher étoile), Léopold (aussi surnommé le Rôdeur), ou encore Laura (dit la Mère). Ces personnages hauts en couleur semblent tous avoir quelque chose à cacher, et c’est justement ces secrets bien cachés qui permettent au suspense de bien distiller ses indices à travers le récit.

Évidemment, Griffintown n’est pas un récit policier et encore moins un polar pénétrant, mais plutôt un récit urbain, sauce western spaghetti, qui rend compte, avec une bonne dose d’assaisonnements bien corsés, de la vie des cochers du Vieux-Montréal.

La force d’un tel récit, c’est d’avoir été campé au sein d’un cadre moderne, alors que le temps semble avoir été arrêté depuis belle lurette dans ce Far Ouest sans âge. La réserve de Marie Hélène Poitras, qui use d’une écriture laconique parfaitement adaptée à la situation, permet au lecteur de savourer Griffintown comme un plat que l’on dégusterait froid.

Gorgé d’un humour noir discret, ce deuxième roman d’une auteure respectée de la relève littéraire québécoise aurait certes gagné à posséder davantage de scènes d’action, mais si vous êtes un amoureux des histoires à progression lente, vous aimerez à coup sûr vous mettre Griffintown sous la dent.

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