Littérature
Crédit photo : Philippe Glorieux
«D’être porte-parole de la Journée mondiale du livre et du droit d’auteur est un honneur, c’est un rôle qui me tient énormément à coeur. J’étais très touchée qu’on pense à moi, parce que c’est important de sensibiliser les gens à cette question qui touche tous les écrivains. C’est là toute la question de la reconnaissance de ce qu’ils apportent à la société qui refait surface.», nous a-t-elle confié, pleine d’une sagesse qui n’exclut pas la fougue et la passion qui habitent cette grande dame. Cette année, le thème de la journée mondiale cible le droit d’auteur plutôt que le livre, un phare braqué sur la seule rémunération directe du travail de l’écrivain avec pour mot d’ordre: «Se tenir droit… ensemble pour le droit d’auteur».
Louise Portal a noirci des centaines de pages de sa plume dès son plus jeune âge. Lors de notre visite, elle nous a montré le 108e de ses journaux intimes. L’un de ses carnets que, dans la plus pure tradition des écrivains classiques, elle salue chaque matin. La pratique de l’écriture lui est davantage qu’un simple passe-temps, il s’agit d’une véritable nécessité, une passion, un art de vivre et de penser. Pendant notre entretien à propos de son rôle de porte-parole pour la Journée mondiale du livre et du droit d’auteur, elle nous a admis que sans une certaine soif de reconnaissance qui l’a poussée vers la scène, elle aurait sûrement été écrivaine dès le départ et qu’elle se sent aujourd’hui parfaitement épanouie sous le signe de la plume.
Pour elle qui se consacre presque entièrement à l’écriture après une carrière artistique très riche et complète, il s’agit d’une forme de retour au bercail, à ce qui devait être. Elle s’exprime avec sérénité sur son parcours et les détours qui l’ont amenée là. «Ma carrière, depuis 45 ans, se conjugue en trois temps. Il y a eu tout d’abord la carrière de l’actrice. Ensuite il y a eu 15 ans de chanson à temps complet, une belle expérience qui m’a permis de faire cinq albums et dont je garde de très beaux souvenirs comme celui d’avoir fait la première partie de Maxime Leforrestier à Bobino.»
C’est en effet plus tard que la vie lui a offert de s’épanouir en tant qu’auteur «L’écrivaine a pris son envol et beaucoup d’ampleur depuis plus de 15 ans. En fait, elle a quasiment pris toute la place. C’était à l’aube de ma cinquantaine, au début de l’an 2000 et ça s’est fait presque par hasard et depuis je sens que je suis à ma place.» La muse des Correspondances d’Eastman est effectivement très à l’aise dans le monde des lettres où elle navigue avec aisance, ouverture et curiosité. La quantité impressionnante de livres qui peuplent son environnement nous en fait la preuve. Tout comme ses propos élogieux pour ses collègues comme Anaïs Barbeau-Lavalette et plusieurs autres pour qui elle ne tarit pas d’éloges. Dans la bibliothèque et sur les tables se côtoient les classiques et les auteurs contemporains en parfaite collégialité. Cet esprit de solidarité se traduit bien lorsqu’elle aborde son quotidien d’écrivain et la réalisation qu’elle faisait partie de ce clan des humbles qui oeuvrent bien souvent dans l’ombre.
«Je pense que je suis véritablement une écrivaine, parce que l’écriture c’est ce que je pratique tous les jours depuis tant d’années. Ce que j’ai compris en faisant une sorte de bilan, c’est que j’avais probablement fait le grand détour par l’actrice, parce que j’avais besoin de reconnaissance. En tant qu’actrice tu en as beaucoup, tu es dans la lumière, à l’écran, tu es la tête d’affiche. Mais la carrière d’écrivaine est beaucoup plus ombragée. Quand un visiteur entre dans un Salon du livre et qu’il y a des milliers de livres partout qui s’offrent à lui, que ce visiteur vienne acheter ton livre, c’est un privilège. Mais il faut toujours être dans l’humilité, parce que ça peut prendre des heures pour vendre un seul livre. Même pour moi qui est connue.»
Interrogée sur la motivation qui manque à certain pour faire l’acquisition d’un livre elle réplique en souriant «Ça m’est arrivé, de dire à des lecteurs hésitant devant le 20 $ que coûte un livre. Vous savez, une pizza, c’est environ le même prix. Ce n’est pas grand-chose et une pizza sera vite mangée alors qu’un livre pourra vous nourrir très longtemps et qu’une fois que vous l’aurez lu, vous pourrez ensuite le prêter.» Elle ajoute que les livres ont effectivement la faculté de voyager et de savoir trouver leur lecteur.
À ce sujet, elle nous raconte alors une histoire qui vient tout juste de trouver sa conclusion en décembre 2015. C’est alors qu’elle a reçu, tout juste avant Noël, un colis de la part d’un homme qui lui retournait des recueils de poésie où se trouvaient des textes du père de Mme Portal. Ces livres, l’homme les avaient trouvés chez des bouquinistes de la Seine à Paris et, les recevant, elle eu la surprise de voir la dédicace à l’intérieur et qui lui était adressée, de la part de son père. Ils avaient donc traversé l’Atlantique deux fois pour finalement revenir vers elle, des dizaines d’années plus tard.
Dans cette histoire comme dans plusieurs de ses propos, Louise Portal respire la sérénité, une paix qui a des racines profondes et qui n’est pas venue sans peine: «Je n’écris plus par désespérance, j’écris par luminosité. Avant, j’écrivais le soir et la nuit avec un verre de vin et une cigarette et, aujourd’hui, mon corps ne veut plus les mêmes choses alors j’écris le matin. Surtout, j’ai envie de témoigner de la vie, de mon regard sur la vie et j’ai un regard de bienveillance. Et de ça, dans le fond, la terre en a bien besoin.»
En lien avec le thème de cette année, elle souligne que la question des droits d’auteurs est de première importance lorsque l’on aborde les problématiques qui entourent le métier d’écrivain. C’est bien légitimement que les organisateurs du pôle canadien de cette journée ont choisi d’en faire le thème de l’édition 2016. Sur ce point, Mme Portal se fait très sérieuse: «C’est capital que les auteurs reçoivent ce qui leur revient et que les utilisateurs des textes soient sensibilisés à la question du droit d’auteur. C’est par là qu’ils reçoivent un signe de la reconnaissance de leurs lecteurs.» Elle termine en nous soulignant que lorsqu’un texte voyage, que ce soit dans un manuel scolaire ou sur scène, c’est le droit d’auteur qui permet à l’écrivain de retracer le chemin que sa création a parcouru.
La Journée mondiale du livre offre de nombreuses activités partout au Québec les 21 et 23 avril 2016, dont la distribution d’un recueil gratuit ce samedi! Consultez le www.jmlda.qc.ca/programme-dactivites.
L'événement en photos
Par Philippe Glorieux