Entrevue avec Jonathan Livernois pour son essai «La route du Pays-Brûlé» – Bible urbaine

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Entrevue avec Jonathan Livernois pour son essai «La route du Pays-Brûlé»

Entrevue avec Jonathan Livernois pour son essai «La route du Pays-Brûlé»

Voyage au centre du patriotisme

Publié le 25 mai 2016 par Elise Lagacé

Crédit photo : Justine Latour

La collection Documents chez Atelier 10 (bien connue pour l'initiative Nouveau projet) nous a déjà offert autant de bonbons que de titres depuis 2012 et La route du Pays-Brûlé, archéologie et reconstruction du patriotisme québécois de Jonathan Livernois, ne fait pas exception. Essai lucide et accessible, qui n'a de longuet que son sous-titre, se propose comme le reflet d'un travail d'archéologie de sa psyché que Livernois a structuré sous forme de vignettes introspectives. Il parvient avec brio à relever le défi de la brièveté et celui, très impressionnant, de traiter du patriotisme québécois en le désencombrant de sa problématique jumelle de la souveraineté. L'essai est en librairie depuis le 19 mai, mais sera lancé officiellement ce soir au quartier général d'Atelier 10.

D’entrée de jeu, Jonathan Livernois se pose comme un individu hautement sympathique, à l’approche agréablement décontractée. Ce penseur et professeur d’université, issu du champ de la littérature, s’est penché sur une question à saveur politique, celle du patriotisme. «J’ai toujours été très intéressé par la politique. Je voulais faire des études en histoire, mais de fil en aiguille, je me suis retrouvé en lettres. Malgré tout, j’ai toujours joué sur les deux tableaux et c’est pour ça que le genre de l’essai m’a toujours beaucoup intéressé, même si ce n’est pas toujours pour débattre d’idées politiques».

Avec ce nouvel essai, donc, il a entrepris un travail sur un registre plus intimiste et résolument personnel, une plongée dans des souvenirs marquants d’où se détache un symbolisme qui n’est pas fortuit. C’est ainsi qu’il décortique ce patriotisme qui lui est très personnel, mais dont l’authenticité du traitement lui permet d’atteindre l’universel. Il constate qu’encore une fois, le passage de la littérature à un propos plus ancré politiquement se fait tout naturellement et il remarque aussi que l’effort le plus marqué se trouve dans le passage du style universitaire vers celui de l’essai, la prise de position «essayistique» n’allant pas toujours de pair avec la posture du professeur. «Comme dans tout essai, il y a un “je” beaucoup plus présent, beaucoup plus fort. Nicolas (Langelier) avait lancé un appel à projet et je lui ai proposé ce projet d’écrire quelque chose sur le patriotisme et de pouvoir visualiser le cadre du projet comme étant la collection Documents, m’a permis de mener à terme le projet.»

La route du Pays-Brûlé suggère trois pistes pour remodeler le patriotisme en tenant compte du contexte actuel. L’une d’elles nous ramène vers le passé, alors que la seconde nous ancre dans le présent. Le troisième sentier nous projette évidemment vers l’avenir, se déshabille entièrement de la nostalgie qui, très souvent, teinte notre appréciation du patriotisme québécois. À ce propos, la vignette où l’auteur prend position sur le phénomène «Pays d’en Haut» s’avère éclairante et exceptionnellement bien documentée, surtout contextualisée, et nous laisse sur des pistes de réflexion intéressantes.

«Pourquoi avons-nous été incapables de conserver les bandes de la série du Survenant, alors qu’on est parvenu à conserver 23 000 épisodes des Belles Histoires des pays d’en haut? C’est que quelque part, Le Survenant était à la fois capable de cultiver la terre, de s’enraciner, mais aussi de prendre des risques de partir au large, de construire à la fois un canot et de partir. Un beau modèle qui mêle le traditionnel et le moderne, alors que les Belles Histoires nous montrent un patriotisme plus tranquille, un monde satisfait de lui-même, refermé et relativement sécuritaire; un patriotisme réconfortant.»

Sans prononcer «indépendance» hors de l’introduction et en marquant tout l’ouvrage d’une seule occurrence du mot souveraineté, il concède que ce thème demeure la clé de voûte de sa réflexion. «Je me suis toujours considéré comme souverainiste et j’ai eu l’impression que beaucoup de gens qui se réclament du souverainisme ne correspondent plus à ce que je veux.» Il parvient à toucher aux aspects essentiels de cette question sans jamais dériver de son objectif archéologique, et parvient à cartographier les contours de son patriotisme. Il laisse de côté les sujets plus polémiques et évoque avec une grande aisance intellectuelle la charte des valeurs. «Gérald Godin avait réussi à rallier beaucoup de communautés culturelles. Pourquoi aujourd’hui avons-nous encore autant de difficulté à les intégrer à notre récit commun?»

En définitive, voilà un essai qui gagne le pari d’aller en profondeur sans rien dynamiter et où l’auteur parvient à mettre les points sur les «i» et à poser les bonnes questions. C’est là que le travail de Jonathan Livernois trouve une partie de sa valeur, car en explorant la question de son patriotisme, il nous aide à faire un ménage bienvenu dans les placards du nôtre.

L'événement en photos

Par Justine Latour (photo de l'auteur) / Atelier 10, collection «Documents»

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