LittératureDans la peau de
Crédit photo : Philippe Daaboul
Rita, c’est un honneur de te recevoir dans le cadre de cette chronique hebdomadaire où, eh oui, on a l’habitude de laisser la parole aux auteurs et autrices chaque vendredi. Quoique… Ah! Ne vendons pas le punch tout de suite! Dis-nous, depuis 2007, tu es passée de l’ombre à la lumière en devenant l’une des drag queen les plus en vue, celle qu’on surnomme la French Canadian Diva! De ton nuage, peux-tu nous raconter brièvement tes débuts jusqu’à cette ascension vertigineuse?
«Bien sûr! J’ai commencé il y a presque 17 ans à pratiquer cet art. À l’époque, je ne prenais pas ça trop au sérieux et, en regardant de vieilles photos, ça paraît! J’ai passé un été complet en drag à faire de l’animation de foule au Cabaret Mado. Ce n’est que l’année suivante, quand le phénomène RuPaul’s Drag Race a émergé, que j’ai senti le besoin de me positionner face à ce métier, c’est-à-dire prendre ça au sérieux, peaufiner le personnage, faire mes recherches, de même que mes devoirs.»
«De fil en aiguille, et de paillette en paillette, Rita Baga est née. Après quelques années, j’ai commencé à prendre de l’assurance au micro, et un autre établissement m’a repéré. On m’a recruté pour animer une soirée hebdomadaire pendant presque deux ans, jusqu’à ce que le Cabaret m’offre l’opportunité d’animer les dimanches soirs.»
«Parallèlement, l’ambition de Rita devenait plus grande et elle avait soif de succès. Elle a commencé à organiser des soirées dans plusieurs établissements et à passer des auditions pour faire des chroniques à la télé. Et un jour, tout a décollé!»
Pour nos lecteurs et lectrices qui l’ignoraient, en plus d’être drag, de bousculer avec ton franc-parler les bonnes conventions,et de faire briller les personnes s’identifiant aux communautés 2SLGBTQ+, tu es aussi humoriste, animatrice, chanteuse, comédienne, conférencière, organisatrice d’événements, reine de Montréal et cheffe d’entreprise. D’où te vient ce feu intérieur pour la pluridisciplinarité, et surtout, quel est ton secret pour réussir à dormir quelques heures la nuit?
«J’ai souvent l’impression de dégager une image d’une workaholic qui ne dort jamais. Pourtant, je dors! Peu, mais je dors!»
«J’ai passé plusieurs années à cumuler différents emplois et chapeaux: étudiant∙e, employé∙e, membre de conseil d’administration, artiste. Les horaires stables et routiniers, ce n’est pas dans mon ADN. J’adore les défis et les changements, et être mon propre patron, ça permet ce style de vie.»
«Il faut aussi savoir définir ses propres limites et bien s’entourer. Tout ce qui m’arrive, on le vit et on le célèbre en équipe. Les gens avec qui nous travaillons sont tous∙tes des passionné∙es qui ont à cœur la représentation et la transmission de cette passion envers notre art. Notre règle d’or: travailler avec des personnes compétentes, optimistes et efficaces. On ne laisse pas de place au drame inutile et aux ragots. On avance, tous∙tes ensemble!»
«Aussi, il faut savoir communiquer ses attentes, ses angoisses et ses craintes, et se laisser du temps de repos après une lourde charge de travail.»
Bon, le chat peut enfin sortir du sac! Si on a le plaisir de te parler aujourd’hui, c’est que les Éditions de l’Homme ont fait paraître en librairie ton livre Une paillette à la fois: journal d’une reine, une biographie flirtant entre le récit de vie et le témoignage, et au sein duquel ton lecteur saura tout, tout, tout sur l’art d’la drag! Qu’est-ce qui t’a donné l’envie d’offrir ce livre sur les secrets de ton métier? Parle-nous aussi, au détour, des grandes thématiques que tu y abordes!
«Ah, on y arrive, là! Le livre a été un projet en construction pendant près de six ans. L’idée est venue naturellement, à force de répondre à des questions similaires posées par des journalistes ou des étudiant∙e∙s. J’ai constaté qu’il n’y avait pas de référence écrite sur notre art, venant directement d’une personne qui pratique le métier. Petit à petit, j’ai écrit des bribes ici et là, dans mes temps libres. J’ai regroupé les informations sous différentes thématiques: la famille, le maquillage, les finances, le fonctionnement des soirées, les conditions de travail, la consommation, etc.»
«Il y a deux ans, Les Éditions de l’Homme m’ont approché pour que j’écrive une biographie. Ils voyaient mon parcours comme étant atypique et croyaient que les gens seraient intéressés à le connaître. Au début, je n’étais pas très réceptive, disons. Trop jeune pour une biographie, voyons! Je leur ai fait part qu’un projet de type “abécédaire de la drag” était en processus. À partir de ce moment, nous avons décidé de combiner les deux idées.»
«C’est pour ça que je trouve rigolo, mais juste, de dire que ce livre est comme un deux pour un!»
À travers ce livre, tu as couché sur papier tes confessions, à la première personne du singulier, on s’entend, «sur les hauts et des bas de cette vie singulière, qui offre parfois des moments complètement surréels». Sans tout nous dévoiler, bien sûr, peux-tu au moins nous révéler quelques détails sur les aléas de ta vie professionnelle où les paillettes règnent à profusion? On est surtout curieux de savoir comment tu gères ça telle une reine!
«Les paillettes font partie de ma vie, et ce, à temps plein! Il y a trois ans, j’ai décidé de faire le “grand move” et de quitter mon emploi de jour des sept dernières années, que j’adorais. Je me sentais prête à ce que Rita prenne toute la place. J’avais toujours pratiqué les deux métiers à temps plein et je jonglais de plus en plus difficilement avec le tout, puisqu’une journée, une des deux occupations pouvait proposer une opportunité que je devais refuser à cause de la deuxième, et vice-versa.»
«Depuis ce grand changement, tout est allé très vite. Je me suis aussi rendu compte que vivre une vie de paillettes, ça ne peut que la rendre merveilleuse et extraordinaire. Ça donne aussi des moments assez cocasses, comme se lier d’amitié avec des idoles de toujours. Je jase de robes et de paillettes avec Patsy Gallant, avec qui j’ai pu partager la scène à quelques reprises. La dernière fois, on a “matché” nos robes, c’était assez drôle comme sentiment. Jaser avec Bruno Pelletier avant une émission de télé, jamais je n’aurais pensé cela possible. Je chantais ses chansons en auditions il y a quelques années. Commercialiser deux parfums dans les Jean Coutu et les Brunet, ça aussi, c’est assez unique comme sentiment. S’associer à un produit commercial, à son nom.»
«On vit de belles et grandes choses, et on est dans la gratitude. Je dois mentionner que mon partenaire de cœur et d’affaires, Yannick Brouillette, est vraiment derrière une multitude de succès et de belles choses qui nous arrivent.»
Toi qui as accordé des centaines d’entrevues, qui participes à bon nombre d’émissions télévisuelles et radiophoniques, en plus de présenter des spectacles live – en passant, notez la date du 22 novembre à votre calendrier, puisque c’est la dernière montréalaise de Créatures au MTELUS avec Nicky Doll, Maxime Landry et Mado Lamotte! – tu as su nous prouver que rien ne t’arrêtait. Rien. Si tu avais carte blanche pour mettre sur pied le projet le plus capoté de ta carrière, celui qui hante tes nuits, quel serait-il? Lâche-toi lousse: on peut bien rêver, non?
«J’ai beaucoup de rêves et d’idées de grandeur, et on travaille fort pour les réaliser! Ce qui me fait le plus vibrer, c’est de faire une grande tournée à travers le monde, avec ma propre musique et des copines de scène. Ce serait féérique!»
«Aussi, nous travaillons en ce moment sur la première édition des Rendez-vous de la drag, largement inspirée des RuPaul’s DragCon. Ce sera au Palais des congrès les 28 et 29 octobre, et ça, c’était aussi un rêve de longue date.»
«Il faut croire en ses rêves et tout mettre en place pour les réaliser… une paillette à la fois!»