LittératureDans la peau de
Crédit photo : Charles Bélisle / Belisle.pro
Olivier, on t’a connu au sein de l’équipe du festival multidisciplinaire FAR, mais on vient d’apprendre que tu es aussi un grand mordu de livres. Dis-nous tout: quand as-tu eu la piqûre pour la littérature?
«Je me souviens de mes premiers moments de lecture avec ma mère sur le bord de mon lit, ou encore de mes escapades à la bibliothèque municipale pour emprunter des Garfield et des Astérix et Obélix. Mais à ce moment-là, la lecture n’était pas encore omniprésente dans ma vie.»
«Un jour, j’ai eu un déclic. J’ai compris l’importance de la langue française au moment de faire un choix de carrière. Comme je souhaitais devenir comédien, mon enseignante de troisième secondaire a fait le point avec moi pour tester mes habiletés dans son cours. Je n’avais pas une routine de lecture, j’écrivais mes textes avec des structures étranges, et je ne portais pas beaucoup attention à ma langue. J’avais beau avoir une belle calligraphie et de belles lettres attachées, le fond de ma pensée était plutôt brouillon.»
«Les lectures obligatoires s’enchaînaient à l’école et nous devions réaliser des résumés individuels qui devenaient souvent un travail d’équipe grâce à MSN. Je n’avais aucune passion, aucune émotion jusqu’au jour où cette enseignante nous a dévoilé un espace bibliothèque personnalisé au fond de la classe. Découvrir Le passager de Patrick Senécal, Le collectionneur de Chrystine Brouillet, Carnets de naufrage de Guillaume Vigneault et d’autres romans québécois me permettaient de m’évader et de retrouver le plaisir de lire.»
Tu fais partie de la brigade des Liseurs Publics à titre d’animateur et de coordonnateur, une initiative mise sur pied par Ève Cyr, directrice générale du Carrefour jeunesse-emploi. Peux-tu nous parler un peu plus de ton rôle au sein de cette organisation?
«Mon rôle dans le projet du liseur public est de coordonner les activités de la brigade, performer lors de nos sorties, et animer des ateliers avec des organismes partenaires.»
«Suite à une période d’entrevues, j’ai reçu le mandat de redonner le goût de lire aux 16-35 ans d’Hochelaga-Maisonneuve. À partir des grandes orientations émises par le Carrefour jeunesse-emploi, je devais créer un modèle d’intervention, créer des liens avec des organismes du quartier, et démarrer une brigade de liseurs publics bénévoles.»
«Notre mission est d’impliquer les citoyens dans notre démarche de rehaussement et de maintien des compétences en littératie dans les milieux les plus vulnérables.»
Typiquement, en quoi consiste une intervention de la brigade des Liseurs Publics: où et quand vos événements ont-ils lieu, qu’est-ce qu’il s’y passe et à quel public s’adressent-ils?
«La brigade des liseurs publics est une initiative bénévole qui se déploie, en ce moment, un peu partout, dans des évènements, des milieux de vie et sur les places publiques du quartier Hochelaga-Maisonneuve. Nous rendons visite aux gens dans des cafétérias, des marchés et lors de fêtes, de galas, de BBQ, de 5 à 7…»
«Nous envahissons les lieux avec les livres. Nos interventions visent les gens qui n’ont pas le réflexe de se rendre dans des bibliothèques et des librairies, ou qui n’accordent pas beaucoup d’importance à la littérature. Chaque fois, nous lisons un extrait, de 1 à 2 minutes, et nous offrons le livre à la personne rencontrée. Nous répétons cette action chaque fois. Le modèle d’intervention est flexible et inclusif, selon les demandes de nos hôtes.»
On est curieux: raconte-nous une anecdote drôle ou touchante que tu as vécue dans le cadre de ton rôle d’intervenant et d’animateur pour La brigade?
«J’ai eu la chance de croiser des organismes et des personnes magnifiques durant cette dernière année. Il y a eu plus de 70 interventions toujours marquantes, mais il y a des moments qu’on ne peut inventer, comme cette fameuse lecture devant l’épicerie Métro sur la rue Ontario.»
«Nous étions en action avec la brigade, un vendredi après-midi tranquille du mois de mai, dans le cadre de la vente-trottoir de la rue Ontario. Nous lisions un extrait de la pièce de théâtre Le garçon au visage disparu de Larry Tremblay, lorsque nous avons vu cette dame devant l’épicerie. Elle écoutait cette scène plutôt spéciale, où un policier prend la déposition d’une mère qui ne peut concevoir que son garçon ait perdu son visage…»
«Notre spectatrice, émue, voulait connaître absolument la suite de l’histoire: Vous me stressez, qu’est-ce qui va arriver au garçon?, a-t-elle dit.»
«Nous lui avons offert le livre et nous avons eu droit à une très grosse dose d’amour! Elle a promis qu’elle allait le faire lire à son fils. Deux jours plus tard, j’ai eu la chance de recroiser cette dame. Elle m’a confirmé qu’elle avait lu la pièce deux fois. Une fois pour elle, et une fois pour son fils.»
À plus ou moins long terme, quels sont les prochains projets pour les liseurs publics, et comment voyez-vous la brigade évoluer?
«Le projet connaît beaucoup d’engouement depuis sa création. Nous recevons des invitations toutes les semaines, et la brigade des liseurs publics devient de plus en plus importante.»
«Notre initiative compte maintenant plus de 40 bénévoles issus de différents quartiers montréalais et de la Montérégie. Maintenant que notre modèle d’intervention est en place, nous souhaitons prendre de l’expansion.»
«Certains partenaires, comme l’Association des libraires du Québec, nous permettent de réaliser nos premières lectures à travers Montréal. J’aimerais, pour le futur, que le projet du liseur public puisse continuer à se développer et à inspirer d’autres initiatives semblables à travers le Québec.»
«Plusieurs actions sont mises en place pour développer l’éveil à la lecture dans le quotidien des enfants, et il est maintenant temps de maintenir ce plaisir de lire avec les adolescents et les adultes!»