«Dans la peau de…» Olivia Delachanal, qui dévoile un premier roman sur la vie des aînés en résidence – Bible urbaine

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«Dans la peau de…» Olivia Delachanal, qui dévoile un premier roman sur la vie des aînés en résidence

«Dans la peau de…» Olivia Delachanal, qui dévoile un premier roman sur la vie des aînés en résidence

Bousculer les préjugés sur la vieillesse

Publié le 26 février 2021 par Mathilde Recly

Crédit photo : Julie Artacho

Chaque semaine, tous les vendredis, Bible urbaine pose 5 questions à un artiste ou à un artisan de la culture afin d’en connaître un peu plus sur la personne interviewée et de permettre au lecteur d’être dans sa peau, l’espace d’un instant. Cette semaine, nous avons interviewé l'autrice Olivia Delachanal, dont le tout premier roman engagé, Sa disparition, vient de paraître aux Éditions XYZ dans la collection Quai n° 5.

Olivia, tu es entre autres diplômée en littérature et tu viens tout juste de sortir ton premier roman aux Éditions XYZ. Peux-tu nous dire ce qui t’a donné l’élan nécessaire pour te lancer, tête première, dans l’écriture?

«J’ai toujours écrit, mais jusqu’ici jamais de roman. J’en avais envie depuis longtemps, mais je ne savais pas quoi dire. Puis en 2012, une de mes grand-mères a été placée en résidence suite à une chute. Ça a été un choc pour moi, comme pour la plupart des familles qui vivent cette transition.»

«Le monde des résidences et des soins de longue durée demeure abstrait jusqu’à ce qu’on soit plongé dedans, généralement sans transition et avec une certaine violence. Tout d’un coup, je savais que je devais m’exprimer sur ce sujet. Je devais sortir de moi tout ce que je vivais, ressentais et pensais afin d’être capable de le digérer.»

On sait que tu possèdes également des diplômes en théâtre, philosophie et enseignement! Quel parcours! Qu’est-ce qui t’a poussée, après 10 ans de travail dans le milieu du théâtre, à prendre un virage professionnel et à te tourner vers l’enseignement du français aux adultes?

«C’est le roman lui-même qui m’a guidée vers ce tournant. Je voulais un cadre dans lequel écrire et j’ai donc regardé du côté de la maîtrise en littérature. Je savais que ce diplôme pouvait aussi ouvrir la porte de l’enseignement, et j’ai donc complété la maîtrise avec un programme en enseignement post-secondaire.»

«Suite à mes études, j’ai commencé à enseigner le français aux adultes en entreprise. C’est un monde très éloigné de mon vécu et je rencontre des gens de tous les horizons. J’aime beaucoup le dialogue qui se crée à travers l’enseignement. Parfois, j’ai l’impression d’être encore en train de faire de la mise en scène: j’orchestre des ateliers et j’essaye de mettre en valeur chacun et chacune des participants.»

Dans Sa disparition, sorti le 17 février, on suit les aventures d’une jeune femme sous le choc après qu’elle ait appris que sa grand-mère a mystérieusement disparu de la résidence pour aînés dans laquelle elle vit. Une fois remise de ses émotions, elle décide de mener son enquête et de ne pas quitter les lieux tant que son aïeule ne sera pas revenue. Peux-tu nous raconter d’où t’est venue l’inspiration pour cette intrigue, et quel.s éventuel.s message.s tu as voulu faire passer au sein de ton histoire?

«Quand ma grand-mère a été placée, mon instinct premier a été de vouloir comprendre ce dont j’étais témoin: Que vit ma grand-mère au quotidien? Que se passe-t-il derrière les murs des CHSLD? Quels sont les discours et les prises de décisions qui mènent à ce type d’organisation sociale? Dans les faits, je voulais enquêter sur la situation. Alors, quand j’ai commencé à écrire, j’ai pris l’idée de “l’enquête” au pied de la lettre. Ça me donnait un cadre narratif, et puis c’était rassurant parce que je suis une grande fan des romans policiers… et c’est donc un territoire que je connais bien!»

«Sa disparition fait référence à la disparition des personnes âgées de notre radar social. Le CHSLD, c’est le pic de l’iceberg, c’est l’aboutissement d’un abandon qui commence avec la retraite. Petit à petit, on enlève aux individus des morceaux de leur identité, de leur pouvoir d’agir et de dire, on leur enlève leur fierté, leur appartenance, leur indépendance, leurs rêves.»

«Quand est-ce qu’on demande leur avis aux aînés? Encore moins souvent qu’aux jeunes. Le roman invite aussi à regarder à l’intérieur de chacun de nous. Nous véhiculons tous de nombreux préjugés sur la vieillesse et nous sommes trop souvent soulagés de nous délester du “poids” des aînés. Il faut radicalement changer de perspective.» 

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Ce livre se trouve au croisement du roman policier, du fantastique et de la satire sociale. D’ailleurs, au-delà de la fiction, il semblerait que tu te sois basée sur des faits réels extraits d’entrevues d’aînés en résidence, de rapports d’organismes, ou encore de rapports journalistiques pour l’écriture du texte. Y a-t-il quelque chose qui t’a particulièrement surprise – voire frappée – lorsque tu t’es lancée dans la récolte de ces données et informations issues de la «vraie vie»?

«En effet, le récit puise dans les discours ambiants (la politique, les médias, l’imaginaire social, etc.) comme témoins des rapports de force dictant la vie de cette tranche démographique. Évidemment, ces forces s’appliquent sur nous tous, mais les personnes âgées se retrouvent particulièrement démunies, sans recours, face aux enjeux qui les touchent.»

«Beaucoup de choix se camouflent derrière un discours rationalisé: méthodes de gestion, équilibre budgétaire, fusions, (dé)centralisation, réorganisation, etc. Tout ça paraît efficace, rassurant, voire nécessaire, mais c’est dissocié des effets réels. Quelqu’un quelque part enlève un zéro dans une colonne d’un budget, annule un programme de bénévole, réorganise la division des tâches et, de l’autre côté du miroir, des personnes âgées ne reçoivent plus leur bain, un chauffage ne se fait pas réparer, une infirmière fait trois doubles shifts de suite.»

«Et pour s’assurer que personne ne proteste, on nous bombarde d’un lexique sensationnaliste pour parler du vieillissement et des aînés: “tsunami gris, gouffre financier, catastrophe démographique, bombe à retardement…” C’est pourquoi, à travers la fiction, j’ai tissé des citations de documents tirés du réel, pour ramener le lecteur à ces choix soi-disant rationnels qui ont des conséquences désastreuses sur la qualité de vie de nombreuses personnes.»

Enfin, on espère que tu as eu la piqûre pour l’écriture avec ce livre! Et si tu te devais déjà te lancer dans l’écriture d’un second roman, aurais-tu une idée précise de ce dont tu aimerais parler? On est bien curieux!

«J’ai aimé chaque étape du processus d’écriture, qui a pourtant été très long! Alors oui, j’ai commencé la recherche pour un nouveau roman.»

«Le territoire qui m’intéresse est pour le moment encore vaste et je dois le baliser. Mais je lis et je réfléchis à la notion psychosociale du “care” en lien avec l’éducation des enfants. Comment, à travers les nouvelles générations, penser et fonder un monde ou le “care“, l’idée de prendre soin, serait centrale? Et pas seulement de manière anthropocentrique! C’est une suite assez logique à Sa disparition, mais qui se préoccuperait de l’autre extrémité du cycle de la vie, l’enfance.»

Pour découvrir nos précédentes chroniques «Dans la peau de…», visitez le labibleurbaine.com/nos-series/dans-la-peau-de.

*Cet article a été produit en collaboration avec les Éditions XYZ.

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