LittératureDans la peau de
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Laurent, tu viens de publier ton premier roman Punaises aux Éditions Druide le 29 janvier dernier. À quel moment as-tu eu la piqûre pour l’écriture et, dès lors, comment as-tu nourri et entretenu cette passion?
«J’ai eu la piqûre pour l’écriture peu de temps après avoir eu celle pour la lecture. Ç’a commencé jeune, avec les Chair de poule. C’était de loin les livres les plus populaires dans l’étroite bibliothèque de mon école primaire. Ex aequo avec les Amos Daragon. Tout le monde se les arrachait. Tellement qu’à un certain moment, au lieu d’attendre patiemment mon tour, je me suis mis à gribouiller mes propres petites histoires d’horreur dans un carnet.»
«Plus tard, c’est en découvrant J.D. Salinger que je me suis mis à écrire plus assidûment. Avec lui, la littérature me semblait hospitalière. C’était drôle, intelligent, désabusé. Je voulais moi aussi parler ce langage.»
On te sait grand fan de vieux films d’horreur et tu as également suivi des études en scénarisation cinématographique à l’Université du Québec à Montréal. Est-ce que cette passion a influencé le «conteur d’histoires» que tu es devenu aujourd’hui?
«Les films d’horreur m’influencent, en général. Il m’est difficile de marcher dans une ruelle sombre sans entendre le synthétiseur de A Nightmare on Elm Street jouer dans ma tête. Montréal est une ville glauque, surtout l’automne. Il y a des recoins de ville d’une beauté cauchemardesque. C’est un peu ce que j’ai voulu dépeindre dans Punaises.»
Punaises raconte une plongée dans le «cauchemar ordinaire» d’un jeune homme qui semble coincé dans une petite vie étriquée et infestée par plus de bibittes qu’il n’y paraît au premier regard. D’où t’est venue cette histoire, et que voulais-tu nous raconter, en fait?
«En voyant un proche, très proche, pris au dépourvu avec des punaises de lit, l’idée m’est venue de mettre en scène ces parasites et tout ce qui en découle. Les cernes sous les yeux, les démangeaisons, l’insomnie, les colocataires à fleur de peau, les brassées de linge à n’en plus finir, les traitements chimiques plus ou moins efficaces (il lui en aura fallu huit pour se débarrasser des intrus), tout ce chaos m’inspirait.»
«Pour le reste, j’ai beaucoup improvisé. L’idée de départ était de me pencher sur le sujet le plus aberrant et magnifique qui soit: l’existence. Comment quelqu’un se démerde-t-il pour vivre? Question monstre. Il y en a qui font du yoga chaud, il y en a qui fixent leurs pieds dans le métro. Chose certaine, je voulais parler de banalités, parce que c’est le meilleur moyen pour espérer aboutir à des vérités.»
«Plus mon roman avançait, plus les punaises prenaient une dimension symbolique. Et puis il s’est avéré que le protagoniste de mon histoire avait quelque chose comme une infestation dans la tête.»
On a lu que «tu t’intéressais dans la vie comme dans tes écrits au caractère sombre et grotesque des choses». Est-ce que ce penchant se retrouve au sein de ton premier livre, justement? Et en toute vérité, y a-t-il une part d’autobiographie à travers cette fiction aussi?
«Il y a une part d’autobiographie dans pratiquement tout ce que j’écris. Je pars toujours de ce que je connais avant de glisser peu à peu dans la fiction. Je ne crois pas avoir énormément d’imagination. Tout est là, en permanence. Il suffit de vivre et d’observer les gens de temps à autre.»
«Si le narrateur de mon roman était en ce monde, on se détesterait probablement à en mourir tant on est semblables. Il est un peu plus terrible que moi, cependant. Mais il vous dirait sans doute la même chose.»
Et si on te donnait trente secondes pour nous raconter brièvement une prochaine idée de livre qui t’allumerait…?
«Trente secondes…? C’est l’histoire d’un gars qui divulgue sa prochaine idée de roman à la fin d’une entrevue. Il se fait piquer son idée par un autre écrivain. Heureusement pour lui, c’était une idée très mauvaise, ignoble. Sa carrière est sauvée. Il respire toujours.»