«Dans la peau de…» Josée Blanchette, journaliste et autrice qui nous sort brillamment des conventions – Bible urbaine

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«Dans la peau de…» Josée Blanchette, journaliste et autrice qui nous sort brillamment des conventions

«Dans la peau de…» Josée Blanchette, journaliste et autrice qui nous sort brillamment des conventions

Une femme sensible à l'euphonie des textes

Publié le 9 octobre 2020 par Mathilde Recly

Crédit photo : Dominique Lafond

Chaque semaine, tous les vendredis, Bible urbaine pose 5 questions à un artiste ou à un artisan de la culture afin d’en connaître un peu plus sur la personne interviewée et de permettre au lecteur d’être dans sa peau, l’espace d’un instant. Cette semaine, nous avons interviewé Josée Blanchette, journaliste au Devoir et autrice d'un tout nouveau roman intitulé Mon (jeune) amant français, paru ce 23 septembre aux Éditions Druide.

Josée, tu es journaliste depuis 30 ans au Devoir et tu as déjà publié des essais, des recueils de chroniques, ou encore des guides gourmands. On est curieux: d’où t’est venue la passion pour l’écriture et comment l’as-tu entretenue au fil des ans?

«J’ai appris à écrire en écoutant de la chanson française dès l’adolescence, en apprenant cette poésie par cœur et en lisant beaucoup. Cela m’a rendue sensible à l’euphonie des textes. L’écriture a évolué, s’est enrichie et dépouillée tout à la fois, et s’accompagne d’une bonne dose de solitude. Pour écrire, il faut créer le contexte, entretenir une discipline et vivre comme une moniale (presque…)»

«Mes pages du vendredi dans Le Devoir sont un rendez-vous que je tente d’honorer le mieux possible. Mes lecteurs m’attendent et ils sont exigeants. Les livres me permettent, eux, d’approfondir un sujet, d’aller plus loin, d’être plus personnelle et/ou fantaisiste.» 
 

Tu sembles être allumée par des sujets aussi variés que la société, la philosophie, l’amour, la santé, l’éducation, l’écologie et même les «excentriques inspirants». Qu’est-ce qui fait de toi une femme aussi sensible à son environnement et toujours prête à découvrir de nouvelles choses?

«Je traite d’environnement depuis plus de 20 ans dans mes chroniques. Je parlais des simplicitaires (adeptes de la simplicité volontaire, rebaptisés frugalistes) avant que ce mouvement ne devienne tendance. J’ai toujours éprouvé une curiosité envers les originaux et marginaux. Excentrique veut dire en dehors du centre. J’en ai fait mon fonds de commerce.»

«Il me semble nécessaire de multiplier les voix et d’offrir à de parfaits inconnus la possibilité de partager leur regard et leur sensibilité. Comme disait Gilles Vigneault, il n’y a que les fous et les poètes qui font avancer le monde. Bien sûr, il y a beau fou et fou à lier. Je ne donnerai pas de noms…»

Ton livre Mon (jeune) amant français, paru le 23 septembre dernier aux Éditions Druide, est ta première œuvre de fiction. Qu’est-ce qui t’a donné envie de sortir des sentiers battus et d’explorer un genre littéraire différent de tous ceux avec lesquels tu t’étais familiarisée auparavant? 

«D’abord, m’offrir l’espace mental pour le faire. Et puis, l’impulsion est venue, poussée par mon ami Alexandre Jardin qui voit l’écrivaine en moi depuis très longtemps et a exigé un manuscrit six mois plus tard (cela fut un peu plus long, mais j’ai relevé le défi).»
 
«J’ai eu mon fils à 40 ans; j’attendais d’être parfaite pour mettre un enfant au monde. C’est probablement la même chose pour le roman. Ça fait peur de faire ce saut. C’est vertigineux, car il n’y a aucune balise. On n’écrit jamais le livre qu’on pensait écrire. Jamais.» 
 
«Pour ce qui est d’explorer, ça résume bien ma vie professionnelle et personnelle, et elle n’est pas terminée. J’ose penser qu’il n’y a pas d’âge pour tâter un autre genre littéraire ou un nouvel amour. Le roman te laisse tout l’espace pour t’exprimer et raconter une histoire. Je suis d’abord une conteuse et, pour moi, il est vital de rejoindre un public large qui dépasse celui des abonnés du Devoir.»
 
Dans la peau de_autrice_Josée Blanchette_Mon (jeune) amant francais
 

Dans ce roman, le monde de Jeanne s’écroule lorsque son mari médecin, avec qui elle a été en relation durant quinze ans, la laisse subitement pour une jeune résidente. Jeanne va apprendre à renouer avec le désir, le lâcher-prise et la «petite étincelle» qu’elle connaîtra dans ses cours de swing, où elle rencontrera un jeune expatrié français de 30 ans… avec qui le courant passe. Qu’est-ce qui t’a inspiré cette histoire, et en quoi, selon toi, celle-ci est une représentation sociale des relations modernes? 

«Les femmes quinquagénaires qui m’entourent ont changé, je le constate depuis un moment. En fréquentant les milléniaux à travers le swing et les bars où j’allais danser, j’ai pu les observer et m’inspirer de ces tranches de vie pour en imaginer d’autres. Les relations amoureuses décalées où les hommes sont plus vieux que leur partenaire font partie des clichés. Mais celles des femmes quinquas avec un trentenaire sont de plus en plus courantes et encore tabou socialement.» 
 
«J’ai voulu en parler après avoir croisé un jeune amant français sur la piste de danse. Ce fut l’étincelle initiale. Je suis loin d’être la seule à qui ce genre d’expérience est arrivée et, parfois, elles débouchent sur de véritables histoires d’amour. Le couple Macron m’a aussi marquée.» 
 
«Mais, en somme, Mon (jeune) amant français est l’histoire d’une renaissance, en dehors de la victimisation, dans la dignité. Celle d’une femme brisée qui relève le menton et se lance corps et âme dans toutes les expériences qui lui seraient normalement interdites par les convenances sociales.»
 

Allez, sortons du cadre et faisons comme si tout était possible, y compris se téléporter ou utiliser une machine à remonter le temps! Dans ce cas, quel.le auteur.trice romantique aimerais-tu inviter pour un souper animé, et de quoi parleriez-vous ensemble, tout au long de la soirée? 

«Colette, assurément. Je suis une «fille de Colette» qui a eu, elle aussi, un mari plus jeune qu’elle. Elle fut une grande influence pour moi. Elle fut à la fois romancière et chroniqueuse, amoureuse, mère, gourmande, amante de la nature, comédienne, débroussailleuse, originale et crâne.»

«J’inviterais Colette à ma table pour un repas exquis et nous discuterions véganisme (elle était folle des animaux et des chats, comme moi), de l’amour, du patriarcat, du mouvement #metoo, de la nature dont ses livres sont empreints, de l’amour des mots, du goût de la pêche aoûtée, de l’érotisme, du croisement entre réel et fiction, de l’avenir du journalisme, de féminisme, de notre planète si malmenée, du féminin sacré et de la nécessité de prendre notre place dans cet avenir plombé. Et j’en profiterais pour lui demander des conseils d’écriture, car plus j’écris et moins je sais.» 

Pour découvrir nos précédentes chroniques «Dans la peau de…», visitez le labibleurbaine.com/nos-series/dans-la-peau-de.

*Cet article a été produit en collaboration avec les Éditions Druide.

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