«Dans la peau de...» Guillaume B. Duchesne, apprenti charpentier, auteur et lecteur boulimique – Bible urbaine

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«Dans la peau de…» Guillaume B. Duchesne, apprenti charpentier, auteur et lecteur boulimique

«Dans la peau de…» Guillaume B. Duchesne, apprenti charpentier, auteur et lecteur boulimique

«Mauvaise herbe», un premier roman doux-amer

Publié le 4 novembre 2022 par Mathilde Recly

Crédit photo : Dynamic Art

Chaque semaine, tous les vendredis, Bible urbaine pose 5 questions à un artiste ou à un artisan de la culture afin d’en connaître un peu plus sur la personne interviewée et de permettre au lecteur d’être dans sa peau, l’espace d’un instant. Cette semaine, nous avons interviewé Guillaume B. Duchesne, apprenti charpentier de métier et nouvellement auteur d'un premier roman paru aux éditions Fides, «Mauvaise herbe». À travers cette histoire, on y suit Marco, un millénarial dans la trentaine qui décide de se reconvertir en aide-soignant, sans savoir ce que sa nouvelle vie professionnelle lui réserve. Assistez à son passage initiatique vers l'âge adulte, où bon nombre de surprises l'attendent dans le détour...

Guillaume, quel plaisir de te jaser aujourd’hui! Tu sembles être un vrai touche-à-tout, puisque tu as fait des études en littérature, en droit, en assistance à la personne et en charpenterie – et tu as même été préposé aux bénéficiaires pendant quatre ans! Qu’est-ce qui explique, dans ta personnalité ou ton parcours, que tu te sois intéressé à des domaines d’activité aussi variés, selon toi?

«Merci, c’est un plaisir de placoter avec vous aussi. Oui, j’ai eu beaucoup de lubies, certaines singulières. À onze ans, pendant que mes amis couraient après les filles, je passais mes vendredis soirs à essayer de bâtir un drone avec des bâtonnets de Popsicle et un moteur à piles. Va savoir pourquoi. Sinon, guitare flamenco, langues étrangères, psychanalyse jungienne, permaculture, champignons sauvages… Je n’énumérerai pas toutes mes toquades depuis 1990, sinon on serait encore ici demain matin. Ce n’est pas compliqué: tout m’intéresse.»

«Mais par le fait même, tout m’ennuie éventuellement. À l’exception de mon DEC en littérature, tous les programmes d’études auxquels je me suis astreint m’ont assommé au bout d’un an. Les quelques-uns dont je suis venu à bout étaient d’une durée d’un an ou moins. Ne vous méprenez pas: je peux être un élève dévoué; mais mon cerveau a besoin de liberté. Nous sommes fabriqués comme ça, les jacks of all trades. Notre curiosité est un oiseau rebelle.»

Le 5 octobre, ton premier roman Mauvaise herbe est paru aux éditions Fides. On y suit le personnage de Marco, un trentenaire fatigué d’avoir accumulé une décennie de «sales boulots et de rêves déçus» qui se reconvertit comme aide-soignant… sans savoir ce qui l’attend dans cette nouvelle vie professionnelle! On est curieux de savoir: d’où t’est venue l’inspiration pour cette histoire, et qu’est-ce qui t’a donné envie de prendre ta plume pour écrire ce tout premier livre?

«Il y avait un bout de temps que donner des mots au monde figurait sur ma liste d’épice-vie. Au moins depuis un cours de français de secondaire cinq en 2007 avec un certain professeur Turmel qui était une bibliothèque vivante. Pendant longtemps, j’ai été trop timide pour lever la main pour parler dans le monde. Puis, je suis tombé malade. Tout à coup, je n’avais rien à perdre. Je me suis déniaisé.»

«Première idée: une pièce de théâtre sur le bonheur, que j’ai chiffonnée rendu à la page cinquante. Deuxième idée: un essai sur la permaculture comme solution à tous les problèmes du monde. Ça allait bon train avant que je pense que je n’avais jamais planté une carotte de ma vie. Je me suis demandé s’il existait un sujet sur lequel j’étais placé pour me prononcer. Ça a donné le livre que vous connaissez.»

«Certes, mes années de PAB furent marquées par quelques mésaventures, mais je suis reconnaissant de les avoir vécues. Grâce à elles, pour la première fois, j’avais quelque chose à raconter. Notamment des anecdotes pour me marrer jusqu’à la fin de mes jours.»

Dans son quotidien rythmé par ses interactions avec des patients déments, ses faux espoirs et «son coloc un peu trop insistant», ton personnage se tient droit face à l’adversité, inébranlable et bien décidé à tenir le coup. Il paraît même qu’il «résiste comme le pissenlit, quintessence de la mauvaise herbe». C’est donc de là que le titre de ton roman vient, ou il y a d’autres éléments en surface qui t’ont mené à utiliser cette métaphore?

«Quand j’ai soumis mon manuscrit, le titre était La résilience des pissenlits. La résilience se voulait le sujet principal. L’attitude résiliente. Le stoïcisme.»

«Dans l’histoire, Marco est constamment surpris: par le coût du panier d’épicerie, par la rudesse des patrons, par ses imperfections. C’est le passage initiatique d’un millénarial vers l’âge adulte. Quand la vie vous sert une pilule rouge dure à avaler, il peut être tentant de tomber dans l’amertume.»

«Comment garder le moral quand on découvre que ce qu’on attendait de la vie n’arrivera pas, ou pas de sitôt? Comment ne pas baisser les bras quand l’attente semble interminable avant de pouvoir sortir la tête de l’eau? Peut-être qu’il faut regarder à nos pieds la petite plante au capitule en forme de soleil. La dent-de-lion n’est pas une naïve. Elle connaît l’âpreté du monde, mais ce n’est pas ça qui la fane. Elle est en paix avec son sol inhospitalier. Elle ne cherche pas à fuir. Elle est heureuse là-dedans.»

On a pu lire que tu écris «surtout pour rire, et un peu pour guérir». Est-ce que Marco est un peu toi, d’une certaine façon? Si oui, on aimerait que tu nous dises en quoi l’écriture s’avère être un antidote ou un moyen de passer au-dessus de ce qui a pu te marquer dans ton histoire?

«Le protagoniste Marco est en effet inspiré de ma personne. Inspiré de, mais non calqué sur. La réalité est plus nuancée que la fiction.»

«Oui, j’ai gaspillé une partie de ma vingtaine à la manière du bum Marco. Mais contrairement à lui, j’ai développé, à vingt-deux ans, une œsophagite chronique qui m’a terrassé pendant trois ans. Ce qui, comme vous pouvez l’imaginer, a eu l’effet d’un cocktail Molotov sur mon CV. Quant à mon œsophage, il a guéri quand j’ai trouvé ma voix en littérature. Coïncidence? Je ne sais pas.»

«Je me plais à penser que libérer la parole a des effets anti-inflammatoires sur les tissus de la gorge. En tout cas, quand on écrit sur nos expériences, on en dégage du sens. On développe une foi indéracinable dans notre mission de vie, et le désir de vivre pour l’accomplir.

À court ou moyen terme, quels sont tes prochains projets professionnels et/ou créatifs? On se demande si tu es déjà en train de te pencher sur l’écriture d’un second roman, par exemple…

«Mon métier principal est apprenti charpentier, donc mon projet principal, c’est de devenir charpentier pas-apprenti.»

«Les projets littéraires sont aussi dans le décor. Une vision d’histoire m’apparaît à l’occasion dans le grain d’un deux par quatre ou dans un nuage de poussière de béton, mais bon, rien de précis encore. J’en suis à l’étape des recherches préliminaires. J’absorbe. Les jours de congé, je lis boulimiquement. Je me gave d’informations bizarres, fascinantes: astronomie, mythologie, botanique, histoire, anthropologie.»

«Je veux que le prochain roman soit nourrissant pour l’esprit. Le ton sera différent aussi. Mauvaise herbe était doux-amer; son successeur sera festif.»

Pour découvrir nos précédentes chroniques «Dans la peau de…», visitez le labibleurbaine.com/nos-series/dans-la-peau-de.

*Cet article a été produit en collaboration avec les éditions Fides.

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