«Dans la peau de...» Gabrielle Giasson-Dulude, auteure en constante exploration du corps et de l'âme – Bible urbaine

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«Dans la peau de…» Gabrielle Giasson-Dulude, auteure en constante exploration du corps et de l’âme

«Dans la peau de…» Gabrielle Giasson-Dulude, auteure en constante exploration du corps et de l’âme

Une passionnée du mime qui a trouvé son chez-soi en littérature

Publié le 22 mars 2019 par Mathilde Recly

Crédit photo : Éditions du Noroît

Chaque semaine, tous les vendredis, Bible urbaine pose 5 questions à un artiste ou à un artisan de la culture afin d’en connaître un peu plus sur la personne interviewée et de permettre au lecteur d’être dans sa peau, l’espace d’un instant. Cette semaine, nous avons interviewé Gabrielle Giasson-Dulude, auteure du livre Les chants du mime et grande férue des arts de la scène!

Gabrielle, à quel moment as-tu réalisé que tu avais en toi une passion pour l’écriture et, dès lors, quel a été ton cheminement personnel et professionnel vers le métier d’auteure?

«J’ai voulu être mime et artiste de cirque, ensuite comédienne, puis une volumineuse hernie discale m’a menée à m’assoir temporairement sur les bancs d’université, dans le but d’y trouver des outils d’écriture. J’y suis finalement restée (je ne compte plus les années).»

«Je me souviens avoir ressenti, dès la première session au certificat en création littéraire, que tout ce que j’avais connu et aimé dans les arts du corps pouvait se reprendre dans l’écriture. C’est-à-dire, y trouver un espace pour le désir de dire ou de toucher: les formes, les gestes comme les idées.»

«Je continuais en quelque sorte à tendre vers ce que le mime m’avait appris quand mon corps ne le pouvait plus. Il faut savoir que le mime avait représenté pour moi un lieu à habiter, alors qu’à l’adolescence, j’étais en manque de maison. Petit à petit, j’ai retrouvé un lieu semblable dans l’écriture.»

À l’adolescence, l’une de tes activités favorites était le mime. Qu’as-tu découvert, dans cette discipline, pour qu’encore aujourd’hui tu y trouves «un point d’appui pour la parole et pour le texte»?

«J’avais quatorze ans. Mon père, qui avait obtenu ma garde complète trois ans plus tôt, était en arrêt de travail pour dépression majeure. Nous venions de déménager loin de mes ami.e.s de Montréal-Nord pour nous installer dans un semi-sous-sol coin Amherst et Ontario où j’étais assez malheureuse.»

«Sans compter que ma mère revenait tout juste de l’Ouest canadien, après trois années d’absence. Pendant cette période, rien n’était simple, jour après jour tout se déchirait, s’entachait de cris et de pleurs; je peux dire que le mime a représenté beaucoup plus qu’une activité, ça a été un secours.»

«En lui, je pouvais exister autrement dans un lieu intérieur qui était donné et partagé: la possibilité de prendre part à quelque chose de beau et d’être vue pour cela, tout en respectant le silence dont j’avais besoin. Le mime représente mes origines artistiques, j’ai su par lui que l’art pouvait être une autre maison.»

Dans ton livre Les chants du mime, publié aux Éditions du Noroît, tu abordes l’œuvre du mime français Étienne Decroux. Que souhaitais-tu explorer à travers cette œuvre, qu’on pourrait qualifier « d’écriture-mime », et aux nombreuses photographies? Parle-nous de ta démarche artistique au niveau de l’écriture et du rendu visuel, ça nous intéresse!

«Étienne Decroux a été le professeur de mes professeur.e.s à l’École de mime, il portait la pensée du lieu et je suis hantée par ce que la transmission permet en art, peut-être parce que j’ai tant reçu. Je voulais remonter à la source. Les photographies se sont imposées quand Jean Asselin me les a sorties de sa collection privée.»

«Je les ai trouvées tellement belles. Je crois qu’elles représentaient la possibilité de voir ce dont il était question, d’imaginer les odeurs, les textures ou la matérialité des choses, des postures du corps ou des objets, qui se trouvent aux fondements de la pensée du mime corporel.»

«Cette matérialité, si elle est déplacée en art, doit aussi être vue. Il ne s’agit donc pas, bien au contraire, de rompre avec le réel, mais de le déplacer pour l’habiter de façon à nous permettre de voir autrement, de mieux voir.» 

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Qu’est-ce qui t’a principalement attirée dans ce genre littéraire qu’est l’essai?

«J’adore l’essai, c’est la forme qui ressemble le plus à mon besoin de vivre différentes possibilités d’être. L’essai est une forme artistique de la pensée écrite, faisant le pont, à mon sens, entre la pensée intellectuelle conceptuelle et les inventions artistiques de l’écriture.»

«En d’autres mots, il s’agit de mélanger les genres (argumentation, poésie, fiction) dans une hybridité. Et dans cette architecture, les idées peuvent interroger et mettre en jeu nos manières de penser, mais encore nos manières d’être en relation. Si on considère toutes relations comme des efforts de distances variables (physiques, symboliques, affectives, etc.), l’essai fait l’exercice de ces distances en changeant sans cesse sa voix, son ton, ses styles. Il cherche à rester libre.»

«L’essai, dans mon idéal, ne devrait négliger aucune partie de l’être, réconcilier corps et esprit, en regard de la culture et des mœurs.»

Dans quel contexte pourrons-nous entendre à nouveau parler de Gabrielle Giasson-Dulude dans le futur? Parle-nous de tes projets actuels, ou de ceux à venir, on aimerait connaître ce qui occupe tes pensées!

«Le chant. Et ma thèse de doctorat sur l’essai, dans laquelle le chant force son entrée. Je me rends à l’évidence: le chant est ce qui veut m’habiter en ce moment.»

«Je ne sais pas ce qui s’en vient comme livre, mais il y en a un qui parlera de chant, parce que j’en ai le désir et je crois au désir, celui de faire, de toucher, d’incarner… celui d’entrer dans l’exercice avec l’espoir d’y trouver une place en soi, et ce désir d’exister, qu’on doit constamment apprendre et réapprendre à suivre, est mon moteur. Je sais, parce que cela m’arrive, qu’on peut le perdre facilement.»

«Notre monde nous apprend trop souvent, aux femmes comme aux hommes, à dénier les désirs, sinon à les canaliser dans des objets puis à les enfermer. Tâcher d’entendre ce qui vit est l’objet de mon travail de tous les jours.»

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*Cet article a été produit en collaboration avec les Éditions du Noroît.

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