LittératureDans la peau de
Crédit photo : Julia Marois
Fanny, on est heureux de faire ta connaissance! Toi qui es diplômée de l’École nationale de théâtre du Canada en interprétation, tu œuvres, depuis 2006, dans le monde de la télévision, du Web, de la scénarisation et du doublage. Par ailleurs plusieurs de nos lecteurs et lectrices ont sans doute dû t’apercevoir dans L’heure bleue à TVA, où tu interprétais le rôle de Kristelle Gaumont. D’aussi loin que tu te souviennes, d’où remonte cette passion pour le cinéma, et le jeu?
«En cinquième année du primaire, j’ai regardé le film Un violon sur le toit avec mes parents. Pendant les cours, je me cachais pour écrire dans un petit carnet les répliques du film. À la récréation, j’ai monté “la pièce” avec mes ami∙e∙s d’école; je jouais, j’écrivais et je dirigeais. À l’époque, ce n’était, pour moi, qu’une activité comme une autre (et surtout une façon de me sauver du ballon chasseur que j’haïssais pour mourir, haha!), mais avec du recul, je réalise à quel point ce jeu fut précurseur de ma carrière.»
«Puis, en cinquième secondaire, j’ai écrit, dirigé et joué une pièce de théâtre, cette fois-ci de mon cru. Encore une fois, j’avais envie de tout faire!»
«En entrant à l’École nationale de théâtre, j’ai délaissé l’écriture pour me consacrer au jeu pendant une dizaine d’année. Puis, suite à la naissance de ma fille, j’ai eu envie d’écrire de nouveau.»
En plus d’avoir la fibre artistique comme comédienne, depuis 2013, tu exerces ton talent de scénariste — ton court métrage À travers les murs a d’ailleurs été présenté dans une vingtaine de festivals entre 2020 et 2021 — et, toujours sur cette lancée en écriture, en août 2022, tu as publié ton premier roman, Les insoumises, aux éditions Libre Expression. Parle-nous de cette flamme intérieure pour l’écriture, et quels thèmes sont chers à ton cœur ?
«Mon goût pour l’écriture vient tout d’abord de mon amour pour la lecture. Je suis une grande lectrice, j’ai toujours un livre à la main, et ma PAL (pile à lire) doit compter une trentaine de titres, si ce n’est pas plus!»
«Pour moi, l’écriture représente la liberté. Avec mon métier de comédienne, je suis tributaire du téléphone; je dois m’en remettre aux autres. Tandis que l’écriture me permet d’être autonome dans ce que j’ai envie d’exprimer comme artiste.»
«J’aime les sagas familiales, j’aime voyager lorsque je lis; c’est d’ailleurs un des seuls moments dans ma vie où mon petit hamster prend une pause! Comme autrice, j’aborde des thèmes féministes et mes personnages sont principalement féminins. L’évolution psychologiques des protagonistes est primordiale pour moi; j’ai envie que les lecteurs s’attachent à mes personnages et j’ai envie de leur faire vivre des émotions.»
«Un des plus beaux commentaires que j’ai reçu pour Les insoumises, c’est que les lectrices avaient l’impression de faire le deuil de leurs amies en refermant le livre.»
Après avoir fait résonner, comme en échos désespérés, les voix de quatre femmes dans Les insoumises, le 10 avril, les éditions Libre Expression ont fait paraître ton second roman, Le chant des braises. À travers ce récit qu’on peut qualifier de saga familiale, tu explores «les relations mère-fille, la soif de réussite et le rapport au corps sur quatre générations», et nous présentes, séparément, et chacune à son époque, Adéline (1948), Monique (1980), Viviane (2006) et Blanche (2027). D’où t’est venue l’inspiration pour cette histoire, et sans tout nous dévoiler, bien sûr, peux-tu nous dire en quoi les destins de ces femmes seront chamboulées?
«J’avais envie de parler de mémoires transgénérationnelles: qu’est-ce qu’on se transmet d’une génération à l’autre, volontairement… ou non?»
«L’histoire débute avec Adéline, en 1948, qui vivra deux drames consécutifs qui lui couperont les ailes. J’avais envie d’explorer les conséquences sur les générations suivantes en explorant des traumas familiaux, notamment celui du feu (j’ai moi-même tout perdu dans un incendie en 2019). Certains événements se répètent dans le roman, les femmes sont prises dans un cercle vicieux, mais vont peu à peu s’en sortir.»
«En étant la mère d’une fille et la fille d’une mère, je réalise plein de choses à l’aube de mes 43 ans. Comme parent, on essaie de transmette le meilleur à nos enfants, mais quelquefois, certains patterns se répètent.»
«Comment se sortir de ça, comment s’en libérer et guérir? C’est la grande question que pose ce roman.»
On est curieux: est-ce que le chiffre quatre — à travers tes deux romans, tu présentes coup sur coup quatre personnages féminins — a une signification particulière pour toi, ou c’est tout simplement le fruit du hasard? D’ailleurs, accepterais-tu de nous les présenter brièvement ces femmes qui se retrouvent à un carrefour de leur vie?
«Oui, c’est vrai! Tant dans Les insoumises que dans Le chant des braises, j’ai décidé de séparer la narration en quatre personnages. En tant que lectrice, j’adore les romans narrés à plusieurs personnages.»
«Dans celui-ci, on retrouve Adéline, une fille de berger analphabète qui rêve de devenir comédienne; Monique, qui gère un dépanneur de banlieue tout en essayant de se libérer d’une relation toxique; Viviane qui, à peine sortie de l’École nationale de théâtre; tombe enceinte de l’homme qui vient de la quitter; et Blanche, qui devra faire un choix déchirant entre ses convictions et ses ambitions.»
«Le personnage de Viviane est mon alter ego et est narrée à la première personne du singulier, tandis que les trois autres personnages sont narrés à la troisième personne du singulier. Cela dit, même si certains éléments ont été empruntés à ma propre vie, c’est réellement une fiction.»
Est-ce que 2024 sera une année chargée pour l’artiste polyvalente que tu es? Si ce n’est pas un secret d’État, évidemment, parle-nous donc des projets qui t’occupent le corps et l’esprit ces temps-ci!
«Je continue à faire de la voix: doublage, surimpression vocale, voix publicitaires, etc., et je ferai mon grand retour au théâtre à l’hiver 2025. Je suis bien excitée, nous avons eu nos premières répétitions et ça s’avère exceptionnelle comme show! Je suis bien heureuse d’en faire partie.»
«En mai 2025, je vais publier mon premier album jeunesse chez Fonfon. Le livre est intitulé L’enfant-orchestre en l’honneur de ma fille atteinte du Syndrome Gilles de la Tourette. J’attends aussi des réponses pour des projets télé. Je me croise très fort les doigts!»