LittératureDans la peau de
Crédit photo : Collège Mérici (avec l'approbation d'Evelyne Ferron)
Evelyne, on a la chance de te connaître depuis quelques années, car tu as été collaboratrice pour Bible urbaine de 2012 à 2015! Mais pour ceux qui ne te connaissent pas, tu es chargée de cours d’histoire à l’Université de Sherbrooke. Parle-nous brièvement de ton parcours et de ta passion pour l’Histoire avec un grand H.
«J’ai toujours aimé l’histoire d’aussi loin que je m’en souvienne. Mes romans d’enfance et d’adolescence préférés se déroulaient tous dans le passé (Anne la Maison aux pignons verts, Les trois mousquetaires, Le comte de Monte Cristo, Tom Sawyer) et je crois que cela a beaucoup influencé la suite!»
«C’est au collégial que le déclic de devenir historienne est survenu, alors que j’ai lu d’un bout à l’autre le récit d’Howard Carter sur la découverte de la tombe de Toutankhamon, assise par terre dans la bibliothèque de mon cégep! J’ai donc fait un baccalauréat en histoire, avec déjà une spécialité en histoire ancienne, puis une maîtrise en histoire de l’Égypte gréco-romaine et une bonne partie d’un doctorat sur les oasis et la gestion de l’eau en Égypte dans l’Antiquité.»
«Le fait est que j’ai commencé à travailler beaucoup en histoire assez tôt, ayant donné mes premières charges de cours universitaires alors que je venais tout juste de déposer mon mémoire à l’âge de 24 ans! Aujourd’hui, j’enseigne l’histoire ancienne à l’Université de Sherbrooke, l’histoire générale et la méthodologie de la recherche et de la rédaction scientifique au Collège Mérici, et je suis très active dans les médias.»
«Je suis l’historienne de l’émission Dessine-moi un dimanche depuis presque 8 ans maintenant sur les ondes d’ICI Première et je collabore à plein d’autres émissions de radio et de télévision, comme les Décrypteurs sur RDI, ou la récente émission de Kim Thuy sur ARTV. J’ai aussi eu la grande chance d’être conseillère scientifique principale pour le jeu Assassin’s Creed Origins d’Ubisoft, qui était consacré à l’Égypte de Cléopâtre. Présentement, je suis la voix d’un nouveau balado d’histoire jeunesse de Radio-Canada, intitulé L’incroyable histoire.»
Au cours de tes études, tu t’es spécialisée en histoire de l’Égypte pharaonique, grecque et romaine. Qu’est-ce qui t’attire tout particulièrement dans ces civilisations?
«Le désert était un grand point de départ, je dirais. Développer des espaces agricoles et des villes dans un environnement hyper aride au-delà du Nil est un tout un défi qui a été réalisé avec des moyens techniques très simples. J’ai aussi une fascination pour la mentalité de l’Égypte ancienne, qui était unique et pas juste du point de vue des conceptions de la vie après la mort, mais aussi du droit, des conceptions de la vie en général, de la morale et de la justice.»
«Les femmes y avaient aussi une plus grande liberté que dans les sociétés grecque et romaine dans l’Antiquité. L’arrivée de dominations étrangères comme les Perses, les Ptolémées et les Romains a amené des développements agricoles, économiques et des changements culturels (surtout urbains) importants et très intéressants à étudier. J’aime étudier les mélanges des cultures, comment les mentalités se mélangent parfois… ou pas!»
À l’heure actuelle, avec la pandémie causée par la COVID-19 qui assaille le monde entier, on vit un épisode qui marquera au fer rouge l’histoire de l’humanité. Mais l’homme, par le passé, a déjà été confronté à de terribles infections, on pense à la lèpre, à la peste ou à la grippe espagnole, pour ne nommer que celles-ci. Peux-tu nous donner ton avis d’historienne sur le coronavirus et ses ravages?
«La crise actuelle, de mon humble point de vue, est très difficile à comparer aux autres épidémies et pandémies du passé. Pour la simple et bonne raison que la société d’aujourd’hui est différente à bien des égards. Alors que certaines épidémies prenaient des années avant d’atteindre certaines régions du monde dans le passé, nous assistons à une propagation qui atteint la planète tout entière à grande vitesse. Nous n’avons jamais autant voyagé que maintenant, que ce soit pour le travail ou pour le plaisir. L’avion nous permet des déplacements internationaux très rapides, et ces déplacements constants sur la planète sont un facteur majeur dans cette propagation d’une ampleur que nous n’avons jamais vu dans l’histoire.»
«Il n’y a jamais eu autant de mégalopoles non plus, avec une densité de population qui favorise grandement la propagation rapide d’un virus aussi contagieux. Il faut aussi prendre en compte le fait qu’une plus grande partie de la population mondiale est lettrée et que la communication est rapide et constante quant à ce virus. Par le passé, on devait utiliser l’image pour essayer de faire comprendre les symptômes aux gens (ex.: la peste bubonique du XIVe siècle), et comme les connaissances médicales étaient souvent limitées, ces essais de communication n’étaient pas des succès pour tenter d’éradiquer une maladie.»
«Aujourd’hui, nous avons pu suivre l’évolution du virus depuis la Chine et avoir dès le début des scientifiques de partout dans le monde qui ont commencé à travailler sur un vaccin et des médicaments possibles.»
C’est le 2 janvier 2013 que tu as lancé ta page Facebook Historiophiles, où tu as réussi à fidéliser une communauté de plus de 10 000 passionnés de faits historiques. Qu’as-tu l’habitude de partager à ces mordus d’Histoire?
«Historiophiles est un fil de nouvelles en histoire et en archéologie. Une banque de données, en quelque sorte, de ce qui se passe dans ces domaines tous les jours, via les communications dans les médias. J’avais commencé à publier les nouvelles tous les jours sur Twitter au départ, pour me faire une banque pour mon travail dans les médias, et j’ai décidé de publier ces actualités qui touchent toutes les époques et tous les continents sur Facebook, la plateforme étant plus visuelle et permettant aux gens de réagir.»
«Je publie aussi des blagues historiques à l’occasion, car j’avoue que les gens font preuve de beaucoup de créativité en humour historique! Vous pouvez donc lire des articles sur Néandertal, puis sur une découverte de sarcophages en Égypte, une polémique sur un livre à propos d’Hitler, de nouvelles données sur les Vikings, etc. C’est très très varié!»
Si tu avais la chance, comme dans un rêve, de souper avec un personnage historique de ton choix, qui serait-il et qu’aimerais-tu aborder avec lui autour d’un fastueux repas!
«Ceux et celles qui me connaissent ne seront pas surpris de ma réponse… Alexandre le Grand! Mon grand amour historique. Il a tellement été déifié et auréolé de légendes que j’aimerais juste entendre sa voix et l’observer afin de découvrir l’homme qu’il était au-delà du chef de guerre. Alors, mes questions ne seraient pas tant sur ses conquêtes, mais sur lui.»
«Croyait-il véritablement à sa supposée divinité, ou était-il un as de la propagande politique (ou les deux?) Qu’est-ce qui le fascinait tant dans le monde pour le pousser à aller toujours plus loin malgré les difficultés? Quel était son repas préféré? Et puis, j’aurais pu voir s’il était si passionné lorsqu’il parlait, s’il passait si facilement de la gentillesse à la colère… À quoi ressemblait son rire?»