LittératureDans la peau de
Crédit photo : L.K.
Didier, imaginez-vous que notre dernière discussion remonte déjà à octobre 2019! Le temps passe si vite. C’était d’ailleurs un réel plaisir de faire votre connaissance, en plus de faire découvrir à nos lecteurs et à nos lectrices votre roman Le vieil homme sans voix, votre neuvième œuvre, tout de même! Alors, quelles sont les dernières nouvelles de votre côté?
«Bonjour, j’écris toujours. Je viens d’ailleurs de faire paraître un nouveau roman. Et je suis toujours aussi épris de littérature! La pandémie est passée, mais elle n’a heureusement pas eu d’impact sur ma vocation. La littérature reste une occupation fondamentale dans ma vie.»
«Mes activités littéraires m’ont permis de fréquenter quelques événements, notamment le Salon du livre de Toronto et le Salon du livre afro-canadien à Ottawa. J’ai aussi participé avec d’autres écrivains et écrivaines à la création de la CAFAC (Conseil des auteur∙e∙s francophones afro-canadien∙ne∙s).»
«Justement, puisque vous l’abordez, ce sont à nouveau les Éditions David qui ont l’honneur de publier ce plus récent ouvrage, tout juste paru le 23 janvier, et qui s’intitule Le prince africain, le traducteur et le nazi. Un titre drôlement énigmatique, vous en conviendrez! Et c’est un roman d’espionnage en plus! Dites-nous d’où vous est venue l’inspiration pour l’écriture de cette histoire.»
«L’inspiration m’est venue de mes lectures. Je lis des romans aux genres divers, des romans policiers aux romans d’espionnage! En lisant un livre qui me plaisait beaucoup, je me suis dit que je pourrais, moi aussi, en écrire un pour me faire plaisir. Aussitôt dit, aussitôt fait!»
«Je me suis donc mis devant mon ordinateur et j’ai écrit ce roman qui sort ces jours-ci aux Éditions David. Le titre est énigmatique, car l’intrigue est sans relâche, du début à la fin. Nous sommes dans Paris sous l’Occupation allemande et la vie ne vaut pas cher…»
À travers ce livre, le lecteur fait la connaissance d’Antonio Jose Henrique Dos Santos Mbwafu, prince héritier du royaume Kongo et fils du roi Pedro VII, qui se livre à un trafic de diamants transitant entre son pays et la France. Or, ses activités illicites attireront l’attention du major Baumeister, «un tortionnaire de la Gestapo qui cherche à s’approprier les pierres précieuses». C’est alors qu’une chasse à l’homme est lancée dans les rues de la Ville lumière… Intrigant, tout ça! Parlez-nous des motivations de vos personnages, qui ont tous l’air bien déterminés à aller au bout de leurs ambitions!
«Prince Antonio est l’héritier du trône du royaume d’Angola. Il est à Paris officiellement pour étudier l’ethnologie. En réalité, il est trafiquant de diamants, un chef d’un trio qui refuse de se soumettre aux Nazis.»
«Son bras droit est Jean de Dieu Nkuba, originaire de la colonie Rwanda-Urundi. Il est Rwandais, mais a fait des études au Congo belge. C’est un jeune homme passionné de lecture et doté d’une intelligence au-dessus de la moyenne. Il est officiellement le traducteur du prince.»
«Enfin, il y a Hans, dont le père est un tirailleur sénégalais et la mère est allemande. Il sert de chauffeur et de garde du corps au prince. Il a grandi en Allemagne et a fui la stérilisation des métis que les nazis avaient ordonnée.»
Et pourquoi avoir choisi d’aborder le contexte de l’Occupation de Paris de juin 1940 par les Allemands, durant la Seconde Guerre mondiale? Parlez-nous de votre intérêt à raconter ce pan sombre de l’Histoire.
«L’Occupation de Paris est une histoire fascinante. Il y avait, hélas, des pénuries en tout genre. Par exemple, on imposait des billets de rationnement aux Parisien∙ne∙s, il n’y avait plus d’essence, et les taxis fonctionnaient au charbon de bois ou au gaz. Mais bien sûr, les Nazis, eux, à Paris, dînaient dans de beaux restaurants, et ils n’ont connu aucune pénurie.»
«C’est aussi une histoire où on a oublié de parler des minorités. Pourtant, elles étaient bien là. Les Polonais, les Arméniens, les Maghrébins et les Africains de race noire. Un grand nombre sont envoyés dans les usines pendant la guerre afin de fournir de l’acier à l’Allemagne d’Hitler. Mais il y a aussi des tirailleurs des troupes coloniales qui sont démobilisés.»
«Que font-ils pour vivre? Où se terrent-ils? C’est ça qui m’a intéressé. Le prince Antonio venant d’une colonie portugaise circulait sans être inquiété, car le Portugal se disait neutre. Cependant, on tentait sans cesse d’en faire un espion, un agent double.»
On dit de vous que vous êtes un féru de musique jazz! Alors, quels grands jazzmen nous suggérez-vous d’écouter durant la lecture de votre roman?
«Je vous suggère d’écouter Django Reinhardt. C’est un musicien rom, donc de la communauté des gitans. Il a évolué durant l’Occupation et a failli y laisser sa vie. Très doué, il fait un jazz manouche, très syncopé et rapide. En 1934, il fonde le quintette du Hot Club de France. Il est accompagné d’un certain Stéphane Grappelli au violon, alors que lui joue de la guitare manouche. Il a connu un grand succès, malgré le fait que les nazis voyaient le jazz d’un mauvais œil.»
«Pour la petite histoire comme Rom, il pouvait être déporté. Alors, il a tenté de s’échapper, mais les nazis l’ont pincé. La chance était de son côté. L’officier qui l’interpela, un certain Dietrich Schulz-Köhn, était un fan de jazz et l’a reconnu. Il lui a alors permis de retourner à Paris sans l’arrêter.»