«Dans la peau de...» Annette Léger White, grande passionnée de l’habillement et des textiles d'autrefois – Bible urbaine

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«Dans la peau de…» Annette Léger White, grande passionnée de l’habillement et des textiles d’autrefois

«Dans la peau de…» Annette Léger White, grande passionnée de l’habillement et des textiles d’autrefois

Le désir d'en connaître plus sur ses ancêtres acadiens

Publié le 6 septembre 2024 par Éric Dumais

Crédit photo : Maurice Henri

Chaque semaine, tous les vendredis, Bible urbaine pose 5 questions à un artiste ou à un artisan de la culture afin d’en connaître un peu plus sur la personne interviewée et de permettre au lecteur d’être dans sa peau, l’espace d’un instant. Aujourd'hui, on s'est glissé dans la peau d'Annette Léger White, enseignante de formation qui a aussi occupé le poste de conservatrice en textile et costume au Musée acadien de l’Université de Moncton. Sa passion de toujours pour l'habillement et les textiles lui a donné l'élan, au fil des ans, pour faire des recherches et satisfaire sa soif de connaissances, entre autres sur ses ancêtres acadiens. Le 24 septembre, les éditions du Septentrion dévoileront les fruits d'un travail de longue haleine avec «L'Habillement des Acadiennes: du mythe à la réalité», un ouvrage illustré qu'on vous recommande chaudement.

Annette, on vous souhaite la bienvenue! Vous avez occupé le poste de conservatrice en textile et costume au Musée acadien de l’Université de Moncton, en plus d’avoir toujours eu la fibre pour l’enseignement. Et ce n’est pas tout! À titre de consultante, vous avez donné diverses conférences, organisé des ateliers, et publié autant d’articles… que de patrons! D’aussi loin que vous vous souvenez, à quand remonte cette passion pour l’habillement, et le partage du savoir?

«Merci de bien vouloir m’inviter à cette entrevue! Ma passion pour l’habillement et les textiles remonte à mon enfance. J’ai passé plusieurs heures à feuilleter les albums de photographies de famille pour voir comment les gens s’habillaient autrefois. Je trouvais très intéressants les choix de vêtements portés par mes tantes, mes oncles et mes grands-parents.»

«Vers l’âge de 10 ans, nous avons eu la visite de mes grands-tantes religieuses. J’étais restée à leur côté toute la journée. Leur habit religieux m’intriguait. J’ai même rêvé de devenir une religieuse, surtout pour pouvoir porter ce magnifique costume!»

«Comme enseignante de formation, j’avais ce désir de partager mes connaissances et, bien sûr, ma passion. Au fil des années, j’ai monté une collection de reconstitutions de costumes du XVIIe jusqu’au XXe siècle, fidèle à l’époque et basée sur des recherches historiques.»

«Ces costumes ont servi pour des expositions, des ateliers et des défilés de mode qui ont mené à mes conférences sur l’habillement d’autrefois et particulièrement sur les vêtements portés par les Acadiennes.»

Le livre «L’Habillement des Acadiennes: du mythe à la réalité» sortira en librairie le 24 septembre aux éditions du Septentrion

Aujourd’hui, votre vif intérêt pour l’habillement vous a permis de vous intéresser plus particulièrement à celui des Acadiennes au fil des siècles. D’ailleurs, vos récentes recherches portent sur ce sujet qui, visiblement, a bien titillé votre curiosité, puisque vous en avez fait l’objet d’un livre magnifiquement illustré, L’Habillement des Acadiennes: du mythe à la réalité, qui sortira le 24 septembre prochain aux éditions du Septentrion. Dites-nous ce qui vous a donné la piqûre de vous plonger corps et âme dans ce colossal travail de recherches.

«Ce qui m’a poussé à effectuer mes recherches, c’est le désir d’en connaître plus long au sujet de l’habillement de mes ancêtres acadiens et, par après, de définir plus précisément le vestimentaire des Acadiennes à travers les siècles.»

«Dans le passé, on a voulu représenter le vestimentaire de l’Acadienne par un costume de coupe simple, de nature traditionnelle et de façon statique ou sans évolution. Le costume mythique du personnage Évangéline ajoutera à la confusion du vestimentaire de l’Acadienne.»

«Cependant, à partir des découvertes faites dans les fouilles archéologiques des premiers établissements en Acadie et des références historiques dans les documents anciens, ainsi que des découvertes plus récentes, on a appris qu’il y avait une plus grande diversité dans l’habillement que ce que l’on avait pensé, et que l’importance de la mode a, en fait, toujours été présente.»

«Les nouveaux arrivés français apportaient des connaissances antérieures et une expertise dans les divers métiers de l’industrie textile. Le trafic et les échanges côtiers fournissaient des marchandises aux Acadiens en provenance de l’Europe, de la Nouvelle-Angleterre et d’ailleurs.»

«Les collections muséales ainsi que les collections de photographies anciennes sont aussi d’excellentes sources à examiner.»

Reconstitution d’un casaquin et d’une jupe confectionnés par Annette Léger White. Photo: Mathieu Léger

À travers cet ouvrage au sein duquel vous ciblez trois grandes périodes de l’historiographie – à savoir la période coloniale, le temps de la survivance et la période contemporaine – vous entremêlez l’histoire de la mode à celle de l’Acadie afin d’examiner «[…] la façon dont les influences sociales, la mondialisation et les conditions économiques des femmes ont contribué à l’évolution de l’habillement en Acadie.» Pouvez-vous nous expliquer votre démarche pour étancher, en partie seulement, notre soif de savoir?

«Les recherches récentes démontrent que lors de la colonisation, il y avait des classes sociales déjà établies en Acadie, ainsi qu’un commerce maritime mondial des marchandises. Les artéfacts trouvés dans les fouilles archéologiques et les inventaires après décès de femmes acadiennes démontrent un intérêt pour les objets de couture raffinés et une curiosité de suivre les dernières modes.»

«Après la Déportation des Acadiens, l’habillement reflète les circonstances de cet évènement historique marquant. Certaines Acadiennes sont parties vivre dans des régions très isolées de l’Acadie avec un besoin d’autosuffisance, tandis que d’autres se sont retrouvées dans les plus grands centres de mode au monde. Les dispersions un peu partout ont beaucoup influencé l’habillement, car le milieu dans lequel se trouvaient ces réfugiés déterminait le choix de l’habillement.»

«En Acadie, vers le milieu du XIXe siècle, il y a eu une croissance importante au niveau de l’agriculture, de l’industrie forestière, de la construction navale et de l’industrie des pêches dans les régions acadiennes, et la distinction de classe est devenue plus évidente. Les journaux francophones et la photographie ont été également deux grands moyens de diffuser l’information autour des nouveautés vestimentaires.»

«Vers les années 1880, au sud-est du Nouveau-Brunswick, il y avait déjà un mouvement féministe en place pour aider à l’obtention d’un emploi rémunéré. On trouvait, entre autres, des Acadiennes qui se rendaient dans les usines locales, ou encore dans de grandes usines dans des villes comme Montréal et Boston.»

«Le pouvoir d’achat et l’accès aux marchandises étaient deux grands facteurs qui influençaient considérablement les femmes et leur façon de se vêtir.»

Robe de mariée ayant appartenu à Joséphine Léger, mariée à Adolphe LeBlanc le 27 juillet 1891. Collection du Musée acadien de l’Université de Moncton (1971.83.312). Photo: Bernard LeBlanc

En plus d’offrir, pour le bonheur de nos yeux, bon nombre de photographies de reconstitution de vêtements d’époque au fil des pages, et en couleur s’il vous plaît!, vous partagez également des témoignages visant à nous apprendre «[…] comment les différentes manifestations du vestimentaire féminin en Acadie et de la diaspora acadiennes ont été influencées par la complexité de l’histoire». D’une part, comment avez-vous choisi vos intervenants, et d’autre part, qu’entendez-vous par «complexité»?

«Le rétablissement des Acadiennes et des Acadiens après la déportation a été une adaptation à un nouveau milieu politique, social et économique en Acadie. Ces circonstances ont provoqué une complexité qui a entraîné un changement dans le mode de vie des Acadiennes et qui s’est refleté dans l’habillement. Il y a eu une modification d’avant la déportation, dans leurs valeurs et dans leurs coutumes, et moins de distinctions dans les classes sociales.»

«En Acadie, il y a eu un retour à la culture du lin et du chanvre, à l’élevage des brebis et à un besoin d’autosuffisance. On a remarqué des tendances traditionnelles dans certaines régions de l’Acadie, tandis que dans d’autres, c’était tout à fait le contraire; l’habillement des Acadiennes suivait de près les dernières modes.»

«En se basant sur la diaspora acadienne et en suivant le cheminement de certaines Acadiennes dispersées, on a appris qu’elles ont abouti dans les plus grands centres de mode au monde et qu’elles connaissaient très bien les toutes dernières modes. La dispersion partout en Amérique du Nord, en Angleterre ainsi qu’en France, a engendré des expériences bien différentes. Elles se sont adaptées à leur environnement et plusieurs ont suivi les dernières modes, alors qu’en Acadie, de même qu’en Louisiane, il y a eu un attachement à l’ancien costume français pour plus longtemps, surtout dans les régions isolées.»

On est là pour rêver – en couleur, pourquoi pas! Soyons fous! Si vous aviez la chance inouïe de remonter le temps et de vous glisser dans la peau d’une Acadienne d’un temps révolu, quelle période clé de l’Histoire choisiriez-vous avant de vous embarquer dans cette grande aventure, et pourquoi avoir choisi celle-là en particulier? Racontez-nous comment vous tenteriez de profiter à fond de cette expérience… d’une vie!

«En pensant toujours en termes de coupe et de confection, ainsi que de style, la période qui m’intéresserait, si je pouvais remonter le temps, serait surtout celle où la machine à coudre est arrivée dans les foyers! C’est en effet l’invention qui a révolutionné la couture. Il était enfin possible de fabriquer des vêtements mieux agrémentés en moins de temps.»

«Vers les années 1890, les machines à coudre ont fait leur entrée dans plusieurs foyers acadiens. L’époque durant laquelle Joséphine Léger a vécu serait pour moi un très beau choix. Sa robe de mariée de 1891 (qui figure dans mon livre), ainsi que ses accessoires, démontrent le raffinement dans l’habillement chez la bourgeoise acadienne.»

«Mme Léger et son mari Adolfe LeBlanc occupaient un hôtel très moderne avec une étable (la photo figure dans mon livre). L’asymétrie de sa robe de mariée en peau de soie verte, ainsi que le style de sa manche à petits plis, était du dernier cri. La couleur verte était devenue très populaire au XIXe siècle et même dominante dans la haute société. Malheureusement, cette tendance de mode s’est avérée toxique, car les colorants utilisés pour teindre les fibres contenaient des substances telles que l’arsenic. Finalement, je ne suis plus aussi certaine que j’aurais voulu porter cette robe!»

«Toutefois, le vestimentaire féminin de la fin de l’ère victorienne est particulièrement libérant, puisqu’on a abandonné la tournure, et la jupe ample est demeurée simple. La réforme des métiers et l’émergence des suffragettes, ainsi que l’adoption des pratiques sportives, me semblent être les avantages d’une époque plus intéressante!»

L’Habillement des Acadiennes: du mythe à la réalité d’Annette Léger White sera disponible en librairie à compter du 24 septembre au coût de 34,95 $ (papier). Pour découvrir nos précédentes chroniques «Dans la peau de…», visitez le labibleurbaine.com/nos-series/dans-la-peau-de.

*Cet article a été produit en collaboration avec les éditions du Septentrion.

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