«Comment enseigner la mort à un robot?» de Bertrand Laverdure

Le grand prétexte qui sert d’amorce à cette petite critique d’un monde qui ne tourne pas aussi rond qu’on le pense, c’est ce «cher T ******-******-879», le robot qui inspire le titre de l’essai. Un prétexte qui a bien servi l’auteur dans la rédaction des ses propos, façonnés autour de l’idée de la transmission d’un savoir capital à un être qui en ignore jusqu’à la définition la plus simpliste. Ce facteur positif s’annule toutefois dès lors que cette échange tourne à la démonstration plus étendue de l’idée de départ, alors que s’enchainent les métaphores et autres figures de style parfois tirées par les cheveux, un peu comme si Laverdure avait cherché à impressionner son lecteur (le robot).

Essai aux idées plus profondes que peut le laisser présager toute cette allégorie de robots et de postmodernisme où les humains «100% organiques» ont presque disparus de la surface de la terre, Comment enseigner la mort à un robot? fait la démonstration qu’une réflexion de qualité n’exige pas un manuscrit de plusieurs centaines de pages. Autour de ce thème qu’est la mort, ce sont toutes les plus grandes angoisses de l’être humain qui surgissent. L’auteur y tient le propos d’une humanité fondée essentiellement sur la répétition, le fantasme de l’originalité, le faux semblant du renouvèlement de la vie et le désir du legs historique comme alternative ultime à sa propre date de péremption. A priori, il s’agit-là d’un sujet maintes fois exploré par le passé (ne vous aie-je pas mentionné Woody Allen tout à l’heure?), quoique avec un angle d’approche fort différent.

Une des lacunes de l’ouvrage tient à ce côté revendicateur timide qui néglige de faire connaître au lecteur le côté engagé de l’auteur. Entre les indispositions humaines face à la mort et le concept de la temporalité, Bertrand Laverdure aborde dans son essai plusieurs problématiques toutes contemporaines telles que l’environnement, l’économie, le pragmatisme-roi ou encore les dogmes religieux. Si ces thématiques risquaient d’alourdir l’argumentaire de ce mince essai sur le mal-être derrière la mort, elles auraient néanmoins contribué à situer cet essai dans un espace-temps précis, contribuant à dessiner un portrait social plus près de la réalité que du mirage.

L’impression finale demeure cependant celle d’un auteur qui a choisi d’étaler au grand jour ses propres névroses de façon quelque peu maladroite, mais grandement appréciée en termes de positionnement critique vis-à-vis de la société qu’il habite. Une manière bien grisante de laisser sa trace en 2015, à défaut de marquer l’Histoire. Comment enseigner la mort à robot? Eh bien par la mort vécue. Mais cette mort, est-ce celle de la société ou de l’être humain? Terminer un essai sur la même question qu’au départ a de quoi nourrir nos angoisses, malheureusement.