Combat dans le ring: «Prime Time» et «Lux» de Maxime Chattam – Bible urbaine

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Combat dans le ring: «Prime Time» et «Lux» de Maxime Chattam

Combat dans le ring: «Prime Time» et «Lux» de Maxime Chattam

Et vous, lequel avez-vous préféré?

Publié le 16 janvier 2025 par Éric Dumais

Crédit photo : Éditions Albin Michel

Je vous le dis d’emblée: le livre qui ressortira vainqueur de ce duel littéraire entre «Prime Time» et «Lux» se sera hissé sur le podium à peu de chose près, car ces deux parutions sorties l’une à la suite de l’autre en 2023 et 2024 m’ont toutes deux fait vivre une sacrée dose d’adrénaline! Rarement Maxime Chattam m’a autant tenu en haleine. Et là n’est pas son unique tour de force: il a relevé le défi, du moins pour l’un de ces deux titres, à déjouer mon sixième sens en me réservant une finale à laquelle je ne m’attendais pas du tout! Alors, lequel se hisse sur la première marche du podium, selon vous?

Prime Time: «Notre monde va si mal?»

Nouveauté des Éditions Albin Michel sortie en novembre 2024, Prime Time est un suspense diablement efficace dont l’action – ainsi que les émotions qu’elle engendre à la pelletée – tire sa source d’une prise d’otage en plein JT de 20 h sur la chaîne nationale que des millions de téléspectateurs regardent tous les soirs.

L’animateur chouchou des Français, Paul Daki-Ferrand, une vraie star de l’information télévisuelle, un modèle de vertu dans le monde des médias français, se retrouve plongé au cœur d’une situation périlleuse qui a un haut potentiel de risques de faucher des vies, et pas uniquement la sienne.

«Comme vous pouvez le constater, ce n’est plus votre journal du soir. La situation est sous mon contrôle à partir de maintenant. Si le signal est coupé, Paul sera tué. Si la moindre personne entre dans ce studio, Paul sera tué. Si vous cherchez à brouiller la réception, ou à me tendre un piège, Paul sera tué.» – Extrait de Prime Time

Pris au piège comme dans un étau entre l’arme d’une silhouette noire portant un masque chromé – laquelle a fait irruption sur le plateau à quelques secondes du direct – et la menace d’un détonateur qu’il doit garder serré dans l’une de ses mains, Daki-Ferrand, habituellement si maître de lui-même et si imperturbable de nature, n’est définitivement plus en position de faire le malin ou d’user de son charme pour se sortir de cette galère…

Même si l’histoire n’est pas tout à fait la même, cette intrigue de Maxime Chattam m’a remis en mémoire le spectacle Salle de nouvelles que j’ai vu chez Duceppe en septembre 2023 du dramaturge britannique Lee Hall. C’est en fait l’adaptation pour la scène du film Network. Dans cette pièce mettant en vedette Denis Bernard dans le rôle de Howard Beale, on assiste, dans l’envers du décor, à une critique virulente du journalisme sensationnaliste et d’un monde horriblement capitaliste par le biais d’un coup de théâtre féroce lorsque ce dernier annonce en onde qu’il s’enlèvera la vie devant des millions de paires d’yeux.

Dans Prime Time, Paul Daki-Ferrand, contrairement à Howard Beale, n’a pas choisi de mourir pour quitter un monde qu’il juge affreux. Pour la première fois de sa vie, sa stature et son aura ne lui seront d’aucune aide, puisque celui qui a toujours été dominant se retrouve dorénavant en position de dominé. Désormais, c’est l’être noir qui est aux commandes.

Et celui-ci a un message à délivrer à la France tout entière.

Le lecteur, par la force des choses, se retrouve vite au cœur de la tourmente, à l’instar de l’équipe du JT, en studio comme en régie qui, comme Paul Daki-Ferrand pour qui c’était un jour comme les autres, n’ont rien vu venir. Un coup les renforts appelés, des agents du GIGN, dont le négociateur de crise Yanis, qui fera équipe avec Charlène, un des personnages clés de ce récit, il ne reste plus qu’à attendre la suite des instructions dictées par l’être noir.

À l’aide d’une trame narrative multiple rythmée à souhait, Maxime Chattam nous entraîne, avec Prime Time, dans une histoire d’action qui possède la plupart des attraits d’un bon blockbuster américain: une prise d’otage tendue, un méchant aussi imprévisible qu’une bombe à retardement, et qui a le potentiel de devenir un vrai fou furieux, des otages à haut niveau de stress, et une équipe d’intervention qui tente tant bien que mal d’éviter la catastrophe.

C’est ça, Prime Time.

À travers ce suspense magistralement dosé, Chattam égratigne au passage quelques sujets chauds auxquels il est hautement conscientisé – le cynisme des médias, le mouvement #MeToo, la détérioration flagrante de notre monde…

Je serais bien de mauvaise foi si je vous disais que je n’ai pas été à cran au cours de ma lecture!

«Lux»: «La terre voulait faire mal aux êtres humains. Elle les prenait pour cible»

Dans cette parution d’un réalisme mordant qui précède Prime Time, Maxime Chattam nous offre sa vision d’un monde qui pourrait être le nôtre si chacun d’entre nous continue de vivre sa vie sans jamais se demander si ses efforts sur le plan environnemental méritent une main d’applaudissements.

Bien évidemment, le romancier pousse la note plus loin encore… parce qu’il n’a pas l’habitude de faire dans la dentelle, n’est-ce pas!

Au cœur d’une histoire à suspense qui fait dresser les poils sur les bras, Chattam a imaginé – attention aux cœurs sensibles et aux écoanxieux – les pires scénarios catastrophes possibles, conséquences collatérales des changements climatiques. Des tempêtes de grades un à cinq si intenses que l’apocalypse pourrait être à nos portes plus vite qu’on le pense…

«L’échelle climatique de l’ONU, ECO, avait été créée quand on avait constaté que ni celle de Beaufort pour les vents ni celle de Safir-Simpson pour les cyclones ne pouvaient couvrir les nouvelles catastrophes qui s’abattaient avec de plus en plus de régularité sur le monde.» – Extrait de Lux

Avec les tragédies qui secouent notre monde actuel et qui alimentent les fils d’actualité des médias d’information, sans oublier le déferlement d’images et de vidéos à donner le tournis au plus compulsif des scrolleur, il n’y a pas à dire, en termes de catastrophes, l’humain connecté est plutôt bien servi.

Il faut donc avoir le cœur solidement accroché, comme le mien visiblement, pour vouloir s’en prendre plein la gueule en lisant une histoire, fictive cette fois, où l’humanité fonce direct devant les portes de l’Enfer…

«La tempête commençait à gronder. Un bourdonnement inquiétant. Énorme. Comme le ronflement de la terre elle-même».

Dans Lux, on fait la connaissance de Zoé Margot, une mère monoparentale qui habite le Vézinet en compagnie de sa fille transgenre Romy. Si elles vivent tranquillement dans ce «ghetto de riches», comme dirait son ex-mari, c’est que Zoé a hérité d’une belle part du gâteau lorsqu’elle a divorcé.

Reste que leur idylle dans cette banlieue paisible située aux portes de Paris sera vite troublée par l’appel d’un conseiller du cabinet de la présidente de la République qui l’avise, dans l’urgence, d’une affaire de la plus haute importance où l’aide de Zoé est souhaitée. Ou plutôt exigée. Pour le bien de la France, ni plus ni moins.

C’est ainsi que Zoé et Romy – il était hors de question de se séparer de sa fille chérie! – ont foulé le sol du Palais de l’Élysée sans trop savoir le motif pour lequel leur présence était de mise. De fil en aiguille, on apprend qu’un événement sans précédent s’est produit il y a tout juste quelques jours: un objet non identifié dans le ciel a été repéré au milieu de l’océan Atlantique.

«Au moment où je m’adresse à vous, nous ne sommes pas en mesure de définir la nature exacte de cet objet, ni même, d’ailleurs, s’il s’agit bien de quelque chose de tangible, au sens concret du terme. Il pourrait s’agir d’un phénomène météorologique inédit, mais nous ne fermons aucune porte…» – Extrait du discours de la présidente de la République

Quelle est donc cette sphère lumineuse en suspension dans l’océan? Est-ce un OVNI venu d’une galaxie lointaine? Est-ce une façon, pour Dieu, notre humble Créateur, de s’adresser à nous? Un moyen pour des multinationales comme Amazon ou Google de contrôler notre monde? Un coup publicitaire géant? Les paris sont ouverts.

En tout cas, une chose est sûre: l’annonce de l’apparition d’une boule en plein milieu d’un océan a été suffisante pour créer un vent de panique dans le monde entier… et pour semer le doute dans l’esprit de nos protagonistes. Pourquoi la France les a-t-elle choisies, parmi un groupe d’élite, pour aller étudier de plus près cette sphère qui fait tant jaser? Mystère et boule de gomme.

C’est dans cette atmosphère asphyxiante à souhait – qui adopte par moment les allures d’un thriller d’espionnage avec l’arrivée d’un espion russe à bord – que Maxime Chattam place son lecteur à l’instar d’un pion évoluant dans un monde qui va bientôt partir en couille, comme aspiré par une tempête d’une intensité sans précédent.

L’heure est grave, l’humanité est menacée, et pendant ce temps, notre attention est reportée sur cette fameuse sphère flottante qui fascine le monde entier. Et nous, évidemment. Bien sûr, on est loin du roman dont vous êtes le héros; comme lecteur, on occupe un rôle entièrement passif, et on ne peut qu’espérer que la catastrophe ne prendra pas trop d’ampleur…

Dans Lux, le sentiment de panique est encore plus insidieux que celui que j’ai ressenti tout au long de ma lecture de Prime Time, car à plus d’une reprise, et parce que je suis moi-même écoanxieux, je n’ai pu m’empêcher d’ajouter au suspense de l’histoire mes propres démons, ces voix qui me susurrent à l’oreille que notre monde va si bien. Oui oui, bien sûr.

Dans ce récit d’un réalisme saisissant, je n’ai pu que retenir mon souffle devant ce défilé de scènes d’action qui n’a rien à envier à Hollywood.

En définitive? La force d’impact de ces deux romans est telle que je n’ai d’autre choix que de leur accorder une note ex-aequo. Je vous ai bien eu, avouez? Bien joué, Chattam!

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