LittératureRomans québécois
Crédit photo : Les Éditions de Ta Mère
L’histoire se déroule sur quatre saisons et est racontée par quatre narrateurs différents. Au printemps, la «sœur de Chelsea» rend compte de son admiration pour son aînée aux seins «dignes des Jardins de Babylone», qui attire les garçons avec des nouilles Ramen et qui constitue la principale attraction du village de Saint-Sauvignac jusqu’à l’annonce de la construction du nouveau méga parc aquatique.
À l’été, c’est Nathaniel, alias «Bouboule», qui explique de quelle manière un clou mal fixé dans la «Calabrese», la plus grande glissade de l’Outaouais, en viendra à déchirer le dos de 118 enfants. À l’hiver, Cédric Eberstack, un nerd suffisant et prétentieux, retrace l’ascension sociale des «cicatrisés», qui se voient offrir de nombreux privilèges et qui s’attirent la jalousie des «intacts».
C’est finalement Hugo, qui n’a pas eu la chance de faire partie des «élus» désormais marqués, qui prend en charge le récit de l’automne, alors qu’il s’adresse à Dieu en étant persuadé d’être son fils et d’être destiné à un avenir hors du commun.
On rit de la candeur avec laquelle Bouboule porte son chandail de Marie-Mai sous prétexte qu’il l’amincit. On s’attendrit de constater les efforts que font les enfants pour exhiber leur cicatrice pour s’attirer un plus grand respect de leur entourage. On s’amuse de lire les dangers qui attendent les enfants de l’autre côté de la track de chemin de fer, là où un homme se serait soi-disant suicidé, là où les émanations des usines risquent de les empoisonner, là où Dada la prostituée risque de les interpeler.
Toutefois, le comique apparent de l’intrigue et de la langue très «oralisante» fait rapidement place à un rire jaune devant ce désir obsessif de reconnaissance et ce mal de vivre que ressentent les personnages marginaux du roman.
C’est dans cette oscillation entre un réalisme tragique et un humour absurde complètement loufoque, «malaisant» et vulgaire que réside la grande qualité de ce livre.
Plus qu’un exercice de style, Les cicatrisés de Saint-Sauvignac constitue un roman qui dresse un portrait très juste des remises en question propres à l’adolescence. C’est un immense plaisir de voir se conjuguer les styles imagés de quatre auteurs talentueux, qui jouissent tous d’ailleurs d’une carrière florissante au théâtre. Si on reconnaît l’esthétique propre à chacun d’eux, ils réussissent ensemble avec brio à proposer une œuvre bien ficelée, enrichie par le mélange de leur voix.
«Les cicatrisés de Saint-Sauvignac (Histoires de glissades d’eau)» de Simon Boulerice, Sarah Berthiaume, Jean-Philippe Baril Guérard et Mathieu Handfield, Les Éditions de Ta Mère, 2016 [2011], 144 pages, 20 $.
L'avis
de la rédaction