«Bienvenue aux dames», collectif de nouvelles paru chez VLB éditeur – Bible urbaine

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«Bienvenue aux dames», collectif de nouvelles paru chez VLB éditeur

«Bienvenue aux dames», collectif de nouvelles paru chez VLB éditeur

Ha ha! C’est une blague, y'a pas de femme là-dedans!

Publié le 3 décembre 2014 par Isabelle Léger

Crédit photo : VLB éditeur

Clin d’œil à la mention qu’ont affichée les tavernes dans les années 1980 après l’adoption d’une loi concernant l’interdiction d’entrée aux femmes, le titre Bienvenue aux dames ne s’avère pas vraiment représentatif du contenu. En effet, le thème de la taverne, que VLB éditeur a proposé à dix écrivains et un bédéiste, est traditionnellement associé à un monde d’hommes. Et comme les auteurs ont plus tendance à créer des personnages du même sexe qu’eux, on se retrouve avec onze histoires d’où les femmes sont à peu près absentes. Beau paradoxe qui témoigne d'un certain manque d'imagination de la part de la direction éditoriale surtout.

Si on oublie ce hiatus, les nouvelles forment un ensemble hétérogène, dont la taverne elle-même constitue un fil conducteur plutôt ténu. Par ailleurs, la diversité stylistique ne serait pas un défaut en soi si les nouvelles étaient toutes du même calibre. La nouvelle est un format qui exige une certaine tension. Le suspense au sens strict du terme n’est évidemment pas obligatoire, mais la montée dramatique doit être aiguisée et la chute, étonnante ou déstabilisante. Elle exige surtout une parfaite adéquation entre style et propos. Ces critères en tête, on peut aisément départager les contributions constituant Bienvenue aux dames.

Parmi les plus réussies, on note d’abord Les hommes de Stepford, de Daniel Grenier (l’auteur de Malgré tout on rit à Saint-Henri à ne pas confondre avec l’humoriste et ancien Chick’n Swell). Sans situer l’action dans une taverne, l’auteur recrée cette communauté masculine dans un quartier où tous les hommes doivent impérativement partager une même réalité sous peine d’être exclus. Ensuite, dans L’année des punaises de lits, Bertrand Laverdure restitue la peur et la honte d’un homme arnaqué et menacé sur le Web. Réfléchissant sur la solitude, qu’il décrit comme «l’essentiel du produit international brut en libre circulation et non taxable le plus en vue», le narrateur volubile et cynique constate la sienne propre, désolante, en des termes beaucoup plus simples, mais sans appel: «Ma bière est encore plus seule que moi».

La fin des temps, d’Edouard H. Bond ouvre bien l’ouvrage avec cette histoire de veuf pour qui l’arrivée de la loi anti-tabac vient mettre un dernier clou dans le cercueil de ce qu’a été son existence. Et Raymond Bock clôt la séquence d’une émouvante manière avec son Charles à rebours, récit d’une amitié qui s’est effritée, de la dérive dont personne n’est à l’abri, narrée avec humanité.

On retiendra aussi l’hommage rendu à Monique Proulx et à Véronique Marcotte par Jean-François Beauchemin dans ses souvenirs fictifs relatés dans Chaque automne. Ce court texte, sorte de pause, de temps suspendu à mi-parcours du recueil, mariant intériorité et richesse littéraire, donne envie de rattraper le temps perdu et de plonger dans l’un de ses romans. En contrepartie, le texte Graines de William S. Messier, racontant une bagarre démesurée déclenchée par une aile de poulet, se distingue par l’alternance des souvenirs d’enfance du narrateur et du récit des événements. Cette structure donne à la fois du rythme au récit et de la profondeur au personnage. Le style y est toutefois moins intéressant.

Nous ne parlerons pas de Tango (Samuel Cantin), de Blanche avec l’intérieur bourgogne (Simon Dumas) ni de Le bout qui manque (Olivier Loubry), qui semblent inabouties. Enfin, deux mentions en forme de «oui, mais». Jean-Paul Daoust, avec Des tavernes et des hommes, relate souvenirs, incidents et réflexions avec le ton qu’on lui connaît. Le poète ne sait probablement pas écrire un mauvais texte, mais l’ode en prose poétique n’est pas une nouvelle. Elle nous transporte par les mots, mais ne nous étonne pas par le propos. Dans La taverne à Sigouin, Fabien Cloutier crée une situation dramatique forte – au sens de drame et au sens de théâtrale –, comme dans ses pièces. L’ennui, c’est que son style dialogué truffé de sacres, si vrai au théâtre, semble lourd et fabriqué à l’écrit. L’histoire est bonne, mais on préférerait la voir sur scène.

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