CinémaZoom sur un classique
Crédit photo : Office national du film du Canada
Afin de bien comprendre l’importance de ce film, il est important de se mettre en contexte avec les productions documentaires de l’époque. L’ONF (L’Office national du film du Canada) venait tout juste d’ouvrir son secteur de production français. Bien avant, il y a avait des cinéastes francophones et anglophones, mais tous travaillaient pour la création d’oeuvres en langue anglaise pour la très grande majorité. Après de nombreux débats, l’ONF a (finalement) accepté de créer sa section francophone et a déménagé à Montréal.
Michel Brault, Gilles Groulx et Marcel Carrière sont alors demandés pour la réalisation d’un (très) court-métrage documentaire sur les raquetteurs. Ce fut la première oeuvre commandée par l’ONF pour sa section francophone. Le film devait être simple et avoir l’esthétique des films déjà créés à l’époque par l’ONF.
Le trio est allé beaucoup plus loin en mettant sa touche d’humour, leurs différents apports techniques, ainsi qu’un peu d’audace. Le résultat final a fait le tour du monde et a été prisé par des cinéastes très importants tels que Jean Rouch, grand anthropologue français. Avec l’influence du cinéma direct, il fait naître le cinéma-vérité en France, avec notamment l’oeuvre Chronique d’un été, réalisée en 1961.
Ce qui a permis aux jeunes hommes de créer une petite révolution, c’est incontestablement les innovations techniques. Les caméras sont de plus en plus petites et de moins en moins lourdes. Elles permettent ainsi des mouvements plus fluides et, surtout, elles peuvent aller n’importe où. Michel Brault, directeur de la photographie connu pour ses prouesses esthétiques, manipule ces nouvelles caméras et peut les placer où il le désire. Les caméras sortent alors des studios et se retrouvent dans les rues et sont plus facilement manipulées.
Le cinéaste en profite d’ailleurs pour peaufiner sa technique de caméra à l’épaule, qui deviendra un geste et une esthétique qui sera utilisé à profusion dans les années qui suivront, jusqu’à aujourd’hui. Brault choisit aussi l’utilisation de lentilles grand angle, qui permettent ainsi d’avoir une impression de réel, d’être proche du réel. Au niveau du son, c’est l’une des premières fois que le son est synchronisé avec l’image. Cette synchronisation n’est pas présente tout au long de l’oeuvre, plusieurs sons et images étant enregistrés séparément.
Le produit final est hilarant. Nous n’avons plus besoin d’une voix off qui nous explique ce qu’il se passe. L’image dit tout et explique le ridicule de la chose (une course de raquetteurs sur l’asphalte, quand même!) Et, que dire du train, qui vient scinder la parade en deux, prouvant le petit manque d’organisation. L’approche est peut-être cocasse, mais il n’en demeure pas moins que nous sommes loin des films de semi-propagande de l’ONF à l’époque.
La caméra agit ici en tant que témoin documentaire et le montage, quant à lui, crée la narration. C’est une révolution politique et c’est aussi cette idée de filmer ce qui se passe réellement, pas seulement ce que l’on souhaite montrer.
L’influence d’une telle oeuvre est d’une importance mondiale. Le cinéma direct au Québec naît avec Les raquetteurs. Michel Brault devient le directeur de la photographie de Pierre Perreault. Ils se rendent ensemble à L’Isle-aux-Coudres pour créer leur chef-d’oeuvre: Pour la suite du monde.
La parole est laissée aux témoignages de la population et les images viennent appuyer ces empreintes, figeant ainsi des époques et des lieux importants dans le temps que personne ne pourra jamais nous enlever.
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Le court-métrage «Les raquetteurs» en images
Par Office national du film du Canada