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Crédit photo : Les Films Séville
Difficile d’expliquer une telle dissension, mais une chose est sûre: Swiss Army Man est une véritable anomalie. Mettant en vedette Paul Dano (Prisoners, Love & Mercy) et un troisième Daniel («Harry Potter» Radcliffe), l’histoire débute sur une île déserte non identifiée. Dépenaillé, les cheveux en bataille et la corde au cou, un jeune homme s’apprête à commettre l’irréparable. Contemplant la mer et la lumière pour une dernière fois, il aperçoit, tel un mirage, un corps échoué sur le rivage. Malheureusement, il s’agit bel et bien d’un cadavre; un cadavre affreusement ballonné qui se met soudainement à péter sans relâche. Oui, ce film est la plus longue «joke de pet» que vous n’ayez jamais vue, l’incarnation même de la délicieuse expression anglaise artsy-fartsy, et pourtant…
Malgré la vulgarité et le caractère franchement juvénile de ses gags – ne le cachons pas, ceux-ci impliquent aussi quelques érections inopinées –, Swiss Army Man est une œuvre éloquente. D’une sensibilité tordue, mais authentique, elle s’appuie essentiellement sur les performances exceptionnelles de Dano et Radcliffe, qui y partagent la vedette avec toute l’assurance du monde. Dans ce spectacle grotesque et surréaliste que l’on pourrait définir comme un amalgame entre Cast Away et En attendant Godot, ils parviennent à faire éclore une camaraderie des plus attendrissantes, aussi improbable cela puisse-t-il paraître considérant l’état de leurs personnages respectifs.
À travers les jeux de caméra compétents de Larkin Seiple et une succession de montages enchanteurs soulignant la progression de cette bromance inconcevable, on reconnait bien la verve des Daniels qui, même s’ils plongent dans l’univers du long-métrage pour la toute première fois, sont loin d’être étrangers au média cinématographique. Spécialistes du vidéoclip, on leur devait entre autres celui de Don’t Stop de Foster the People (un bijou!) ainsi que le légendaire Turn Down for What de DJ Snake et Lil Jon. Par conséquent, le film jouit d’une musicalité énergisante, bien contrôlée, et merveilleusement complétée par la bande originale écrite par Andy Hull et Robert McDowell du groupe indie-rock Manchester Orchestra.
Grande farce existentielle sur l’étrangeté du désespoir et les abîmes de la solitude, Swiss Army Man est l’un de ces films qu’on adore ou qu’on abhorre. Certes, on ne peut reprocher à ses réalisateurs de manquer d’audace. «Ce film bizarre avec le cadavre qui pète» est sans contredit la proposition la plus originale que le grand écran nous ait offert depuis belle lurette, et un autre exemple criant de la fertilité du cinéma indépendant.
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Par Les Films Séville
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