«Le baptême de...» Godfrey Reggio – Bible urbaine

Cinéma

«Le baptême de…» Godfrey Reggio

«Le baptême de…» Godfrey Reggio

Fantasia sans Mickey avec Koyaanisqatsi (1982)

Publié le 27 juin 2016 par Alexandre Beauparlant

Crédit photo : Tous droits réservés

Quoi privilégier dans un film? Le jeu des acteurs, la vision du réalisateur, ou encore le travail de moine d'un monteur? Serait-ce la conception des décors et costumes, la photographie ou peut-être la jaquette du DVD? La banque de choix demeure vaste et aucune réponse ne pourrait être mauvaise, sauf pour le dernier exemple cité! En ce qui me concerne, la musique demeurera toujours l'un des éléments primordiaux définissant une œuvre cinématographique. Le film-baptême de Godfrey Reggio représente quant à lui la quintessence du rapport unissant son et image. Un Fantasia nouvelle génération où émerveillement et angoisse se donnent à nouveau l'accolade.

Nous visitons une avenue inusitée cette semaine pour notre chronique bimensuelle, alors que nous nous consacrons à un cinéaste documentariste spécialisé en films expérimentaux non narratifs. Gardons notre calme, s’il vous plaît. Tout se passera bien!

Reggio est à peine adolescent lorsqu’il s’engage auprès de l’Église catholique pour devenir moine. Cette période de prière et de jeûne durera 14 ans. Brièvement, il deviendra aussi soldat dans l’armée américaine. Drôle de parcours, qui explique en partie quelques-unes des valeurs vertueuses du bonhomme, valeurs retransmises dans tous ses projets cinématographiques! Comme tant d’autres réalisateurs en devenir, un film produira le déclic menant à l’exploration du septième art, dans ce cas-ci c’est Los Olvidados de Luis Buñuel.

Profondément touché par l’œuvre du maître espagnol (Reggio aurait vu ce film plus de cent fois), le moine-soldat a maintenant la certitude que le cinéma ne représente pas qu’un vain divertissement d’un soir, mais également un moteur d’action directe pour dire et faire bouger les choses. Les films peuvent amener à une réflexion et, qui sait, avec un peu de chance, toucher plus de gens qui, à leur tour, tenteront de poser des gestes concrets pour leur société.

Le poème visuel Koyaanisqatsi, pour résumer brièvement, résulte du travail de trois têtes pensantes. Le réalisateur débutant Godfrey Reggio, Ron Fricke à la photographie (un maître du time-lapse et de l’image en très grand format, qui réalisera par la suite des films hautement recommandables tels que Baraka et Samsara) et, pour compléter le trio, Philip Glass à la composition de pièces orchestrales.

Premier volet de la trilogie Qatsi (complétée plus tard avec Powaqqatsi et Naqoyqatsi, deux projets à l’impact considérablement moindre que leur illustre prédécesseur), Koyaanisqatsi se décrit autant comme une petite histoire de l’humanité en accéléré qu’un constat critique de l’entrelacement entre vie moderne et technologies (un des raccords les plus célèbres du cinéma compare une chaîne de saucisses à une masse de gens s’entassant dans le métro), un appel vers un retour à la nature, un plaidoyer à saveur politique et plus encore. En fait, Reggio le dit lui-même: toutes ces avenues se valent et l’objectif premier de son film demeurait d’inviter la discussion. Objectif atteint!

S’il y a bien un long-métrage qu’il faudrait voir un jour en format IMAX 3D Ultra AVX (popcorn et breuvage en sus), c’est Koyaanisqatsi! Et à mon humble avis, on n’en parlerait même pas aujourd’hui si ce n’était du travail extraordinaire de Philip Glass.

La musique élève un film. Elle ajoute, paradoxalement, une couleur de fond supplémentaire au récit, une émotion qu’on ne retrouverait sans doute pas avec autant d’intensité sans sa précieuse contribution. Imaginons un instant la trilogie Lord of the Rings sans les talents d’Howard Shore, Wayne’s World sans «Bohemian Rhapsody» et sa bande-son rock, ou même Titanic sans «My Heart Will Go On», si vous y tenez!

Pour Koyaanisqatsi, c’est la même chose!

Chaque fois, j’ai ce frisson lorsque les lotissements sociaux d’une banlieue paumée de Saint-Louis au Missouri se font raser par dynamitage au son de «Pruit Igoe». Une scène digne de la finale de Fight Club et de son «Where Is My Mind» des Pixies!

Associer les mots «nuage» et «épique» dans une même affirmation, oui c’est possible et «Cloudscape» le rend merveilleusement bien! Après tout, comment peut-on rester indifférent aux cuivres triomphaux annonçant le déplacement d’une horde de cumulonimbus. Les nuages sont des objets célestes épiques, point final!

Enfin, musique pathétique à l’appui, ce sentiment de désespoir et de petitesse en contemplant durant ce qui peut sembler une éternité la chute d’une fusée incinérée après un décollage raté… Toute la gamme des émotions y passe!

Méditatif, Koyaanisqatsi représente une expérience en soi. La trame sonore, quant à elle, fait à n’en point douter partie de mon top 10 au cinéma. Jetez-y un œil, mais surtout une oreille et faites cracher les watts!

Mon coup de cœur par Godfrey Reggio… Koyaanisqatsi, encore!

Prochaine chronique à surveiller: Permanent Vacation (1980) de Jim Jarmusch.

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