«Sausage Party» de Greg Tiernan et Conrad Vernon

Projeté en première montréalaise dans le cadre du festival Juste pour Rire en présence de Seth Rogen, des réalisateurs Greg Tiernan et Conrad Vernon, des acteurs Nick Kroll et Kristen Wiig, des co-scénaristes Kyle Hunter et Ariel Shaffir ainsi que leur ami et producteur récurrent Judd Apatow, Sausage Party correspond certainement à l’idée que l’on s’en faisait au préalable. Truffée de sous-entendus licencieux et de calembours alimentaires, cette comédie pour adultes est née d’un questionnement purement adolescent. Et si tous ces beaux produits à l’épicerie avaient des pensées, des sentiments? Les saucisses à hot-dog courtiseraient-elles les petits pains? Pour les créateurs de Superbad, This Is the End et du controversé The Interview, bien évidemment, la réponse est… oui.

Entre les murs du supermarché Shopwell’s, les aliments n’aspirent qu’à une chose: être choisis par un Dieu – c’est-à-dire un humain – et partir vivre en harmonie dans ce royaume mystérieux qu’ils appellent «The Great Beyond». Comme tous leurs congénères, Frank la saucisse (Rogen) et Brenda le pain à hot-dog (Wiig) rêvent au jour où ils seront enfin libérés de leur emballage respectif pour consumer leur amour… Jusqu’au jour où Honey Mustard (Danny McBride), retourné au magasin par un client insatisfait et profondément traumatisé par l’expérience, se mette à proclamer les atrocités dont il a été témoin lors de son voyage dans l’au-delà.

Alors que certains refusent de croire que leur existence ait si peu de sens et qu’ils soient véritablement condamnés à être sauvagement dévorés, Frank et Brenda entreprennent une grande tournée à travers les rangées de Shopwell’s. Ils y rencontreront entre autres un bagel juif (Edward Norton), un taco lesbien (Salma Hayek), une bouteille d’alcool amérindien (Bill Hader) et un vilain comme on n’en verra jamais dans une production Pixar, Disney ou DreamWorks: un douchebag – littéralement, une douche vaginale! – interprété par Nick Kroll, dont la glorieuse performance est la plus mémorable du film.

Outre les doubles-sens à caractère sexuel, l’abondance de F-words, l’inévitable séquence de fumerie, les gags visuels explicites et autres indécences qu’il vaut mieux découvrir en le visionnant, Sausage Party a tout de même l’audace de proposer une critique acerbe (et délibérément très peu subtile) du concept de religion et de toutes les formes d’intolérance qui puissent s’y rattacher. On n’avait probablement rien vu d’aussi politiquement incorrect au cinéma depuis l’incorrigible Borat (2006) de Sacha Baron Cohen. Comme spectateur, il peut donc s’avérer pénible d’outrepasser ses réactions initiales pour apprécier toute la témérité derrière cette œuvre grotesque, ou encore l’excellent travail des studios d’animation Nitrogen, dont les artistes se sont visiblement bien amusés à dissimuler quelques pépites croustillantes dans le décor.

Sausage Party est prodigieusement vulgaire, mais aussi, somme toute, assez désopilant.