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Crédit photo : www.fantasiafestival.com
«The Honor Farm»: «Promenons-nous dans les bois / Pendant que le loup n’y est pas»
«Tonight is the night», lance (naïvement) mais avec naturel Lucy (Olivia Grace Applegate) le soir de son bal de finissant. Et, effectivement, sa meilleure amie et elle, avant de joindre une bande de six nouvellement rencontrée dans les bois, vivront une soirée pour le moins mémorable, disons-le. C’est qu’après ce rite de passage obligé vers leur vie d’adultes, et suite à leur amère déception face à leur duo de cavaliers pathétiques, les deux demoiselles s’embarqueront en voiture avec un lot d’excentriques pour se changer les idées, mâcher des champignons magiques et, pourquoi pas, aller visiter, sous les effets des psychotropes, une vieille prison abandonnée dans le trou de cul du monde. Pas trop mal comme soirée d’après-bal, non?
La réalisatrice et documentariste de métier Karen Skloss a eu l’œil pour offrir un film mettant en scène des jeunes adultes dont le scénario n’accumule pas les blagues idiotes dans l’espoir de pallier, avec un humour aberrant, une histoire vide de sens. Avec The Honor Farm, elle offre, avec sa fille Jasmine Skloss en tant que co-scénariste, une fiction onirique qui multiplie les imageries distorsionnant la réalité et amplifiant les «hallucinations visuelles» des personnages. Car, bien sûr, et tout au long du film, certains s’attarderont sur la flamme d’un briquet, sur l’aspect imposant et quasi surnaturel de la pleine lune, sur les étoiles (qu’ils croient même toucher!), et cetera. Impossible de ne pas se rappeler le tordu Shrooms (2007) de Paddy Breathnach lors de notre visionnement! Sauf qu’ici, la nuit des protagonistes dérapent moins que dans ce dernier… dont l’intensité rappelait par moments l’inoubliable Haute tension d’Alexandre Aja.
Là où le bât blesse, c’est que The Honor Farm mise sur cette réalité amplifiée pour nous prouver que les personnages sont bel et bien complètement stoned. Or, et malgré l’absence de leurs pupilles dilatées, on y croit réellement, mais il aurait été suggéré de nous offrir une immersion réellement effrayante dans cette vieille prison abandonnée… plutôt que l’histoire quelque peu beige qui se défile sous nos yeux. Avec la trame musicale de Graham Reynolds et des excellents The Black Angels, ainsi que la direction photo de Matthias Grunsky, le tandem Skloss aurait pu nous emmener dans ces sentiers tordus où l’épouvante règne en maître. Dommage qu’ils n’aient pas pleinement profité de ce lieu glauque pour y développer quelques scènes dont on se serait souvenu longtemps.
En visionnant The Honor Farm, ayez en tête que l’intention première est réellement de mêler les cartes, brouiller les pistes, pour que les contours de la réalité s’estompent petit à petit. Tout cela est-il réel, au final? Va savoir!