«Nos belles-sœurs» de René Richard Cyr: une adaptation moderne et colorée d'un classique indémodable – Bible urbaine

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«Nos belles-sœurs» de René Richard Cyr: une adaptation moderne et colorée d’un classique indémodable

«Nos belles-sœurs» de René Richard Cyr: une adaptation moderne et colorée d’un classique indémodable

La pièce culte de Michel Tremblay fait un saut remarqué au grand écran

Publié le 17 juillet 2024 par Manon Beauchemin

Crédit photo : TVA Films

Le metteur en scène René Richard Cyr fait une entrée remarquée au cinéma en modernisant cette pièce de Michel Tremblay qui date de 1968. Celle-ci raconte les péripéties entourant un groupe de femmes dans le Québec des années 1960. Leur quotidien se résume à faire le ménage, le lavage, la cuisine et à s'occuper de tout le monde, sauf d'elles-mêmes...!

Et la vie est loin d’être palpitante pour le groupe d’amies! Elles tentent du mieux qu’elles le peuvent de fuir leur «maudite vie plate!» en passant une soirée à jouer au bingo, par exemple. L’attrait du gain est évident; elles semblent croire que l’argent a le pouvoir de les rendre heureuses, mais encore faut-il qu’elles gagnent!

Puis, un jour, Germaine Lauzon (Geneviève Schmidt) est nommée grande gagnante d’un million de timbres Gold Star. Ceux-ci lui permettront de se procurer les meubles dernier cri et les appareils ménagers dont elle rêve tant. Comme le dit l’une des chansons, «elle va acheter toute ça!»

Sur un nuage, elle invite sa sœur Rose (Anne-Élisabeth Bossé), ses amies et ses voisines à prendre part à une soirée de collage de timbres dans sa cuisine, mais elle s’apercevra très vite que son bonheur attise la jalousie des femmes autour d’elle.

Photo tirée du film @ TVA Films

Les comédiennes réussissent bien à recréer la «femme typique de l’époque», autant dans leurs manières qu’au niveau de leur langage (le fameux joual), ou de leurs croyances. Les belles-sœurs sont fidèles à la religion catholique et croient en tout ce qu’elle prône. Elles sont bavardes et expressives. Elles nous rappellent sans aucun doute une tante, une grand-mère ou une mère de notre entourage.

Le film réussit également à mettre en lumière les mœurs et les coutumes de la société québécoise d’autrefois. Les femmes, prises dans leur rôle de ménagère et de mère, n’avaient guère de pouvoir dans leur vie. Elles avaient une liste interminable de choses à faire et, même si elles ne travaillaient pas, elles se tuaient à la tâche à la maison.

C’est principalement ce qui est dénoncé par Germaine et sa bande. Les femmes sont insatisfaites dans ce rôle qui a été choisi pour elles. Elles doivent se plier devant ce qui est attendu d’elles et taire leurs ambitions, ce qui les rend malheureuses.

Linda, (Jeanne Bellefeuille, une belle révélation), l’adolescente de Germaine, connaît déjà elle aussi les inconvénients qui viennent avec le fait d’être une femme. Elle est tombée enceinte et ne semble pas bénéficier du soutien de son amoureux. Celle-ci est d’ailleurs effrayée à l’idée d’être prise seule avec un nouveau-né et l’avortement n’est pas encore légal au Québec à cette époque.

Heureusement pour elle, sa tante Pierrette (Véronic DiCaire) lui laisse le numéro d’un médecin qui pourrait lui venir en aide au moment où elle rend une visite inattendue à sa sœur lors de sa soirée de collage de timbres.

Des belles-sœurs humaines et amusantes

Ce n’est pas pour autant que les personnages féminins ont l’air tristes et ennuyants! Les femmes sont toutes vêtues de couleurs flamboyantes et d’imprimés vivants, ce qui amène un peu de gaieté dans leur monde monotone.

René Richard Cyr et Denise Robert s’étaient entendus au préalable pour éviter les couleurs ternes à l’écran: «Tous les deux, on déteste le gris et le brun», a expliqué la productrice en conférence de presse. «Ces femmes-là ne veulent pas porter leur tristesse, leur malheur sur elles; leur fragilité est intérieure».

Le réalisateur a, de son côté, admis qu’il souhaitait transmettre l’amour qu’il a pour ces femmes à travers leur beauté et qu’il ne souhaitait pas qu’elles aient l’air misérables.

Photo tirée du film @ TVA Films

De ce fait, même quand elles sont au beau milieu d’une chanson dont les paroles témoignent de leur malheur, elles dansent dans une jolie robe fleurie et sont en pleine possession de leurs moyens. Elles ne se laissent pas décourager par leur situation.

Les ennuis financiers sont souvent présents au sein de leur foyer, et c’est probablement pour cette raison que la quête du bonheur se trouve si profondément ancrée dans leur désir de se procurer des biens matériels.

L’art de tirer une belle leçon

Au cœur de cette œuvre se trouve un message bien important: le bonheur ne se trouve pas dans les biens matériels. Avant la soirée fatidique, les belles-sœurs étaient proches et solidaires les unes envers les autres. Il faut dire qu’elles avaient beaucoup en commun. Pourtant, à la fin du film, lorsqu’elles rentrent chez elle avec leur sacoche bien remplie de timbres, elles ne semblent pas plus heureuses qu’avant.

Le lien si précieux qui les unissait a été rompu et Germaine se retrouve seule avec sa fille avec qui elle se chicane sans cesse et la sœur qu’elle a depuis longtemps reniée, et ce, simplement parce qu’elle est différente – Pierrette n’a ni mari ni enfants – et que son mode de vie est éloigné de ce qui était autrefois perçu comme respectable pour une femme. Germaine serait-elle envieuse?

C’est cette fin abrupte – qui passe certainement mieux au théâtre qu’au grand écran – qui ternit un peu l’expérience du visionnement. On ne sait pas trop comment l’histoire se termine pour elles. Le réalisateur a avoué que l’attrait de cette fin était qu’elle laissait la place à plusieurs interprétations différentes concernant l’avenir des personnages.

On reste donc malheureusement sans réponse, alors qu’on veut voudrait savoir ce qu’il adviendra de ces femmes attachantes!

Vont-elles finir par se réconcilier, ou vont-elles simplement s’éloigner et ne plus jamais se reparler? La jeune Linda va-t-elle suivre le chemin de sa mère avec qui la relation est houleuse, ou plutôt celui de sa tante avant-gardiste?

Néanmoins, le premier film de René Richard Cyr est fort divertissant! Les numéros musicaux – avec son lot de chansons qui vous resteront en tête pendant des heures – sont pourvus d’un ton humoristique assumé. Ils amènent une touche de légèreté et sont particulièrement bien dosés, ce qui permet au récit de couler naturellement sans qu’on perde de vue le message qu’il tente de véhiculer.

Un caméo mettant en vedette nulle autre que Denise Filiatrault (qui faisait partie de la distribution originale de la pièce de théâtre en 1968) et l’auteur lui-même, Michel Tremblay, est un moment cocasse efficace qui en fera rire plus d’un.

Il s’agit sans aucun doute d’un bel hommage aux femmes qui ont mis de côté leurs ambitions pour prendre soin de leur famille.

Le film «Nos belles-sœurs» de René-Richard Cyr, mettant en vedette Geneviève Schmidt, Guylaine Tremblay, Debbie Lynch-White, Anne-Élisabeth Bossé, Diane Lavallée, Pierrette Robitaille, Valérie Blais, Ariane Moffatt, Véronic DiCaire et Jeanne Bellefeuille est présentement à l’affiche dans plusieurs cinémas du Québec. Préparez-vous à vivre un divertissement riche en émotions et, peut-être, en souvenirs. Bon film!

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