«Mon roi» de Maïwenn avec Vincent Cassel et Emmanuelle Bercot – Bible urbaine

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«Mon roi» de Maïwenn avec Vincent Cassel et Emmanuelle Bercot

«Mon roi» de Maïwenn avec Vincent Cassel et Emmanuelle Bercot

Je ne peux vivre sans toi, mais je ne peux vivre avec toi

Publié le 20 avril 2016 par Rachel Bergeron-Cyr

Crédit photo : www.allocine.fr

Une femme, Tony, clouée dans un lit d’hôpital, avec une blessure au genou après une mauvaise chute en ski. Une blessure au genou, donc. Une blessure au «je, nous», évocation explicite que la thérapeute responsable de Tony ne manquera pas de lui signaler à plusieurs reprises. Que s’est-il réellement passé lors de cet accident? Le lien semble évident, tout autant que la symbolique; une telle blessure au genou, signifierait une cassure nette entre le je et le nous. Quand cette chute a-t-elle eu lieu? L’histoire ne le dit pas. Le récit, construit en flash-back, sème le doute par rapport à la temporalité de ces scènes en ouverture de film. Scènes qui, on le comprendra plus tard, s’inscrivent dans un processus de guérison, de catharsis.

Tony, de son vrai prénom Marie-Antoinette, prénom royal par excellence, est une femme blessée, meurtrie, que tout le monde appelle Tony. Plus court, plus brut, plus masculin. Elle laisse à son Georgio la royauté, puisque cet homme est son royaume. Et s’il est vraiment un roi ou un connard, il peut être les deux; comme il le dit lui-même, il est le «roi des connards». La table est mise…

Charismatique, fascinant, intelligent, extraverti, fantasque, drôle, sauvage; Georgio est une terre à prendre, sur laquelle on veut fouler nos pas. Autant de caractéristiques qui définissent un pervers narcissique, tout comme égoïste, instable, menteur, manipulateur… et c’est là où le bât blesse. Tout amoureux qu’il est, désireux d’avoir un enfant de la femme qu’il aime, Georgio peine tout de même à s’engager auprès d’elle. Il prend un appartement, est distant et trompe Tony, mais il revient toujours, et toujours plus amoureux.

Si Tony se laisse entraîner dans ces complexes montagnes russes du cœur, en devient-elle une victime? Elle-même excessive, se révèle somme toute fragile, pétrie par ses propres contradictions. Amoureuse jusqu’à la moelle, à en baver, à en morver, c’est à en rappeler les écoulements de la sublime et poignante Adèle Exarchopoulos dans La Vie d’Adèle. Précédent s’il en est, ce film a pavé la voie à ce qu’on expose la souffrance dans sa globalité. On veut voir des larmes, des vraies, on veut que ça saigne, que ça coule, que ce soit vrai.

En ce sens, Emmanuelle Bercot est belle d’abandon, face à un magnétique et très en forme Vincent Cassel. Si la chimie entre eux se révèle très naturelle, il manque peut-être de nuances à leurs jeux excessifs. Mais l’idée de projeter sur ces personnages une volée d’émotions puissantes et contradictoires ne nécessite pas nécessairement de la retenue.

On peut percevoir quelques faiblesses scénaristiques, d’autant plus que l’histoire –sur dix ans, se déroule sur plus de deux heures. Il y aurait certainement eu moyen d’aller plus loin, de montrer les personnages de manière plus complète, même si on saisit très bien qu’ils sont tous deux bouffés par cet amour violent et inhabitable. «Je ne peux vivre sans toi, mais je ne peux vivre avec toi»

Mettre à l’écran une relation amoureuse, c’est nécessairement prendre des risques. Il faut oser pour se démarquer. L’amour au cinéma, et dans la culture en général, est un thème qui a été maintes et maintes fois exploité. Il faut sortir des cadres habituels, pousser le concept plus loin, de façon à émouvoir, créer de l’impact, un truc mémorable. Maïwenn réussit ici à proposer non pas un film-fleuve, mais une histoire-fleuve, un peu comme l’a fait Xavier Dolan avec Laurence Anyways, on s’en souvient. D’ailleurs, les excès de ces deux cinéastes se rejoignent parfois.

La caméra chez Maïwenn est ici très présente, elle se resserre sur les personnages, leurs visages, on les suit donc de très près. Un aspect quasi documentaire, aux limites du cinéma-vérité s’en dégage, d’autant plus qu’on ne peut pas affirmer qu’il se «passe quelque chose» de «visible» en dehors des flash-back. Pour cela, Maïwenn se démarque.

La réhabilitation de Tony est lente et douloureuse, solitaire, avec quelques épisodes plus lumineux, en compagnie d’autres patients du centre. On la suit patiemment, en silence, on l’accompagne, en fait. La transformation est tout aussi physique que psychologique, tout aussi extérieure qu’intérieure. Tony se libère. Il faudra attendre la fin du film (logique), pour schématiser les deux heures et les dix ans qui se sont écoulés devant nous. Pas de faux-pas, pas de trop, une fin ouverte comme on les aime, à savoir que l’amour, tout malheureux et destructeur soit-il, nous change et ne nous quitte jamais, enfin, jamais vraiment.

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