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Crédit photo : Warner Bros. Pictures
Dans la noirceur d’une route de campagne au Texas, une vieille Chevelle roule à toute allure, les phares éteints, le vrombissement de son moteur brisant le silence de la nuit. Sur la banquette arrière est assis un garçon, lampe de poche en main, les yeux sagement rivés sur une bande-dessinée de Superman. On l’apprendra bientôt, cet enfant pourrait s’avérer tout aussi étranger à notre monde que le héros qui le captive.
Son nom est Alton, et il est loin d’être ordinaire. Ses yeux émettent une étrange lumière qui envoûte et marque à jamais ceux qui s’y plongent. Il entre dans des transes durant lesquelles il parle différents langages obscurs, il est sensible aux ondes radio et peut faire dévier des satellites de leur orbite. Bref, quelque chose le connecte au cosmos. Personne ne sait ce qu’il est, et puisque l’incompréhension donne souvent lieu à la peur, tout le monde aura vite besoin de s’en mêler. Pour le FBI, le garçon est une menace. Pour la communauté ultrareligieuse dans laquelle il a grandi, il est la clé de leur salvation. Mais pour ses parents, il n’est qu’un enfant, et ils feront tout pour le protéger des forces redoutables qui cherchent à s’en emparer.
Depuis sa première présentation lors de la 66e Berlinale en février dernier, on décrit systématiquement Midnight Special comme étant mi-Spielberg, mi-Carpenter, évoquant un rappel au charme insaisissable de leurs E.T., Starman, Close Encounters of the Third Kind et autres classiques des décennies 70 et 80. Néanmoins, aussi élogieuses soient-elles, ces comparaisons ne rendent pas pleinement justice au travail de Jeff Nichols et à sa griffe unique, bien distincte de celle de nos précédents gourous de la science-fiction.
Cette dernière se caractérisant d’abord par une éternelle volonté de faire confiance au pouvoir d’interprétation du spectateur, le film commence alors que l’histoire qu’il raconte en est presque à sa moitié. Malgré cela, Nichols parvient à exempter son scénario de toute forme de flashback ou de dialogue explicatif forcé, tissant son mystère une ficelle à la fois, déposant toujours les détails essentiels là où ils semblent s’intégrer le plus naturellement. Ainsi, tout comme on ne peut prétendre tout savoir de notre vaste univers, on ne peut définitivement pas s’attendre à obtenir des réponses exhaustives aux nombreuses énigmes de Midnight Special. Faiblesse scénaristique ou appel à l’imagination? Encore une fois, il appartient à chacun d’en juger, mais la seconde option paraît nettement plus concevable.
Dans le rôle principal, Michael Shannon brille de son habituelle force silencieuse, ajoutant à son curriculum une autre de ces âmes accablées qu’il sait si bien jouer et dont notre réalisateur Arkansasais n’oserait visiblement plus se passer. Aux côtés de sa jeune co-star, Jaeden Lieberher, il incarne une symbiose parfaite (…cosmique) entre le père et son fils, cet être précieux qu’il veut sauver à tout prix, même si lui-même ne connait pas son ultime destination. D’ailleurs, la vraie valeur de ce film ne réside pas dans un souci de réalisme scientifique, ni dans la qualité des effets spéciaux – qui manquent de peaufinage – ou dans la grandeur de son message. Midnight Special impressionne surtout par son étonnante acuité émotionnelle et spirituelle.
Tous animés par des convictions qui leur sont propres, les personnages de Jeff Nichols partagent toujours une détermination profondément humaine. Ses acteurs de soutien portent en eux une énergie subtile, mais magnétique, en particulier Joel Edgerton, Kirsten Dunst et Adam Driver qui, on le sait déjà, savent émouvoir à leur façon.
Alors, le petit Alton est-il une manifestation de Dieu? Un superhéros? Un prophète? Un extra-terrestre? Il représente peut-être toutes ces choses à la fois, soit celles qui nous définissent en tant que créatures à part. Après tout, peu importe de quoi il s’agit, nous croyons tous en quelque chose.
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