«Le baptême de…» Rian Johnson – Bible urbaine

Cinéma

«Le baptême de…» Rian Johnson

«Le baptême de…» Rian Johnson

Du néo-noir au néo-galactique avec «Brick» (2005)

Publié le 14 mars 2016 par Alyssia Duval

Crédit photo : Interview Magazine & Focus Features

C’est maintenant officiel, le prochain chapitre de la saga Star Wars (l'épisode VIII) sera écrit et réalisé par… Rian Johnson. Si vous n’avez encore jamais entendu ce nom, n’ayez surtout pas honte! Avec seulement trois films à son portfolio, le cinéaste de 42 ans a effectivement de très grosses pointures à chausser. Alors, comment a-t-il bien pu décrocher ce faramineux mandat? Je saurai certainement éclairer votre lanterne, puisque j’ai relevé trois bonnes raisons de ne pas trop s’inquiéter.

Amateurs de la série Breaking Bad, vous vous souvenez probablement de cet épisode atypique de la troisième saison, organisé en huis clos autour de cette très simple prémisse: Walter et Jesse s’évertuent à exterminer une vilaine mouche s’étant infiltrée à l’intérieur du laboratoire et menaçant de gâcher leur prochaine fournée de méthamphétamine.

Adéquatement intitulé Fly, cet épisode est l’un des plus débattus puisqu’il s’agit d’un bottle episode, c’est-à-dire d’un épisode aux coûts de production moindres, destiné à rééquilibrer le budget de la saison. Bien qu’à mon propre avis, cette heure de télévision relève du pur génie, beaucoup l’ont critiquée pour ses longs dialogues et sa non-contribution au développement de l’intrigue principale. Mais si une chose est irréfutable, c’est qu’elle est impeccablement réalisée, et ce, par monsieur Rian Johnson. Bien qu’il n’ait participé qu’à trois épisodes de Breaking Bad, il y a laissé une signature indélébile, ayant aussi tenu la barre d’un épisode qui, celui-là, a fait l’unanimité. Ozymandias, deuxième avant-dernier de la saison finale, est même considéré par plusieurs comme étant le meilleur épisode la série.

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Cela dit, l’univers de Breaking Bad est bien loin de celui de Star Wars, j’en conviens. Heureusement, Rian Johnson a su prouver que la science-fiction ne lui est pas étrangère grâce à son plus récent long-métrage, Looper. Dans une toile de fond doublement futuriste où l’on alterne entre les années 2044 et 2074, Joseph Gordon-Levitt et Bruce Willis se donnent la réplique alors qu’ils incarnent le même personnage, un tueur à gages 2.0 se voyant littéralement obligé de faire face à lui-même. Malgré quelques faiblesses dans la logique interne de son scénario, le film témoigne d’une étonnante maîtrise des complexités du genre par son réalisateur, des réflexions philosophiques à l’art des scènes d’action, en passant par l’usage pondéré des effets spéciaux.

J’en arrive enfin au véritable sujet de ma chronique, soit le tout premier long-métrage de Rian Johnson, Brick, mettant aussi en vedette Joseph Gordon-Levitt. Inspiré par l’œuvre de Dashiell Hammett (auteur du classique The Maltese Falcon), il s’agit d’une réinterprétation contemporaine du film de détective des années 30, avec ses contre-plongées, ses éclairages évocateurs, ses personnages impénétrables et son smooth jazz en bande sonore… Le tout, campé dans les décors cafardeux d’une école secondaire banlieusarde.

Le récit débute lorsque Brendan (le personnage de Gordon-Levitt) découvre le cadavre de son ex-copine après avoir reçu un coup de fil de cette dernière qui, manifestement terrorisée, le suppliait de lui venir en aide. Profondément troublé par les évènements, il dissimule le corps et entreprend de résoudre lui-même ce crime insensé, un périple qui le mènera droit au cœur d’un cercle local de trafic de drogues. Et quand des adolescents gâtés jouent les gangsters, ils peuvent s’avérer dangereusement imprévisibles.

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Projeté en première mondiale lors du Festival de Sundance en 2005, Brick en est ressorti avec le Prix spécial du jury «for Originality of Vision», gage d’un savoir-faire que l’on croirait presque inné chez notre principal intéressé. En fusionnant savamment les deux sous-genres aux codes définis que sont le film noir et le high-school drama, il parvient à renverser les attentes et propose un élégant hommage à ses créateurs favoris. Activement impliqué dans toutes les étapes de la production de son œuvre, du premier jet sur papier au montage final, il a voulu en faire le meilleur exemple possible de son identité comme cinéaste; un pari remporté haut la main, puisque Brick n’a rien d’un film de débutant.

D’ailleurs, quelques mois après la sortie officielle du film, Rian Johnson a eu l’extrême générosité de déposer sur son site web, tout à fait gratuitement, deux versions de son script en format pdf. En introduction, il écrit: «The first draft of Brick was written on a Mac SE on the poo colored carpeted floor of a cramped Santa Monica apartment during a summer of post collegiate unemployment in 1996.» Comme quoi les modestes débuts font aussi partie du métier… Un beau message d’espoir pour les aspirants cinéastes!

Considérant que sa production suivante, The Brothers Bloom, est une comédie d’escroquerie haute en couleur à la Catch Me If You Can de Steven Spielberg, il est parfaitement sauf d’affirmer que Rian Johnson est un réalisateur accompli, pour qui le cinéma est un art vivant, hétérogène et renouvelable. Conclusion: il ne fait aucun doute que l’héritage de George Lucas et J.J. Abrams est entre de bonnes mains, parole de Jedi.

Mon coup de cœur par Rian Johnson: «Looper» (2012).

Prochaine chronique à surveiller: «Clerks» (1994) de Kevin Smith.

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