«Gladiator II» de Ridley Scott: une pâle imitation de son prédécesseur – Bible urbaine

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«Gladiator II» de Ridley Scott: une pâle imitation de son prédécesseur

«Gladiator II» de Ridley Scott: une pâle imitation de son prédécesseur

La force, l’honneur… et des requins

Publié le 21 novembre 2024 par Maxance Vincent

Crédit photo : Paramount Pictures (Pedro Pascal interprétant le Général Acacius et Paul Mescal jouant Lucius dans «Gladiator II»)

À 86 ans, Ridley Scott retourne dans l’univers de Gladiator et désire répliquer le même succès critique et commercial qu’il a obtenu lors de la sortie du premier opus en 2000. Non seulement il a été le deuxième plus grand succès commercial de l'année, mais il a également remporté cinq Oscars, dont celui du meilleur film. Ce n’est donc pas une coïncidence si le directeur de la photographie John Mathieson, la costumière Janty Yates et le directeur artistique Arthur Max ont refait équipe avec Scott pour dépeindre Rome seize ans après la mort de Maximus Decimus Meridius (Russell Crowe).

Connie Nielsen et Derek Jacobi reprennent également leurs rôles respectifs de Lucilla et du sénateur Gracchus, s’alliant avec le général Marcus Acacius (Pedro Pascal) pour renverser l’empire dirigé par les frères Geta (Joseph Quinn) et Caracalla (Fred Hechinger).

Le «rêve de Rome» de Maximus est mort avec lui, et les empereurs actuels ont corrompu ce que devrait représenter la cité pour le reste du monde. Les citoyens commencent à se révolter contre les deux frères qui poursuivent la conquête de territoires n’appartenant pas à l’empire, dont celui de la Numidie, où habite notre protagoniste, Lucius (Paul Mescal), et sa femme, Arishat (Yuval Gonen).

Pedro Pascal interprétant Marcus Acacius dans «Gladiator II». Photo: Paramount Pictures.

C’est ici où Ridley Scott en met plein la vue dans sa superproduction: une bataille époustouflante où les forces d’Acacius détruisent les fondations de la Numidie et prennent le contrôle, tuant ainsi Arishat et asservissant Lucius. Ne sachant pas qu’il est le fils de Maximus et de Lucilla, la force brutale de Lucius lors d’un combat voulant vendre les esclaves d’Acacius en gladiateurs impressionne Macrinus (Denzel Washington), qui lui promet d’avoir sa vengeance contre le général s’il remporte les jeux qu’ont planifiés les empereurs.

Après cet échange froid entre Lucius et Macrinus, la grande majorité du film se passe dans le Colisée, où Lucius aura à accomplir plusieurs épreuves pour assurer sa survie et sa liberté.

Alors que ces longues séquences sont techniquement très bien réussies, Gladiator II commence tranquillement à se perdre dans la redondance, offrant un spectacle quasi vide d’un drame qui ne fait que répéter la trame narrative de l’œuvre originale, avec quelques maigres distinctions.

Des combats, des combats, que des combats

Certes, la force de Gladiator II est principalement dans sa facture visuelle. Les plans de John Mathieson sont à couper le souffle sur un écran IMAX, avec une palette de couleurs donnant une fine texture au sable blanc, à l’eau d’un bleu prononcé, ou même lors des séquences où Lucius commence à rêver de la mort. De gros plans récurrents sur son œil voyant Arishat qui se rend vers l’au-delà sont d’une clarté saisissante et frôle ainsi les visions spirituelles qu’avait Maximus dans le premier film.

Les séquences de bataille sont aussi beaucoup mieux filmées ici que dans l’œuvre originale. Dans le premier, la caméra ne cessait de trembler et se mélangeait avec des coupes irrégulières, réduisant ainsi l’impact des scènes plus violentes. Dans Gladiator II, Scott décide de ne rien cacher dans le deuxième opus. Les combats sont d’une violence vive et cruelle, critiquant en quelque sorte le spectacle que le réalisateur avait mis de l’avant dans le premier. Pour plusieurs, la scène où Maximus décapite un ennemi avec deux épées formant un ciseau est l’une des plus satisfaisantes de l’œuvre originale, puisqu’il met de l’avant la force brutale et épique d’un général prêt à tout pour obtenir sa liberté.

Connie Nielsen interprétant Lucilla et Joseph Quinn jouant l’Empereur Geta dans «Gladiator II»

Ridley Scott reprend ainsi le même type de décapitation pour le deuxième film, mais, sous l’exaspération de Lucius, il n’y a rien de satisfaisant, ou même de spectaculaire, à le voir tuer quelqu’un de cette façon. La violence est gratuite, excessive, et vient confronter le public aux plaisirs qu’ils ont potentiellement eu en regardant le premier.

Lorsqu’un personnage se fait couper le bras, trancher la gorge, ou même percer l’oreille, nous ressentons cette douleur et souffrance, car la lentille propre de Mathieson nous force à tout regarder sans aucune retenue (et les réactions fortes lors de la salle comble au Cinéma Banque Scotia d’un public dégoûté par tout cet excès prouvent que ces séquences fonctionnent très bien!) Cependant, il y a beaucoup trop de combats qui s’avèrent invraisemblables.

Scott n’a jamais été un cinéaste à la quête d’authenticité historique (exemplifié récemment par un cheval qui explose au début de Napoléon), et a même directement dit aux vérificateurs de faits de se chercher une vie! Mais lorsque le premier opus était empreint d’un certain réalisme (même lors d’une bataille avec un tigre vicieux), il est difficile de soudainement adhérer à une proposition où Lucius doit se battre contre des singes déformés, un rhinocéros plus grand que nature, et un Colisée inexplicablement inondé d’eau contenant des requins!

Un récit vide qui ne cesse de référencer le premier

Malgré le fait qu’on devient vite fatigué par toutes ces batailles, l’ensemble de ces scènes sont magnifiquement filmées et chorégraphiées. Ridley Scott a un œil particulier pour l’action à grande échelle qu’aucun autre cinéaste ne possède. Même ses films les plus décevants contiennent de grands morceaux de bravoure.

En même temps, l’impact émotionnel n’y est pas, puisqu’on ne fait qu’augmenter la violence et la grandeur d’une scène d’action en oubliant complètement le récit dramatique principal, soit la quête de vengeance de Lucius contre Acacius, et la quête de pouvoir de Macrinus.

Paul Mescal interprétant Lucius et Christopher Edward Hallaways jouant Glyceo dans «Gladiator II»

On dirait que les combats servent à faire oublier au public le récit, qui ne tient qu’à un fil, soit en ce qui concerne Lucius ou Macrinus. La trame narrative de Lucius est beaucoup trop dépendante du film original, ne cessant de faire référence au fait qu’il est le fils de Maximus et qu’il doit réclamer son héritage familial (Connie Nielsen ne fait que répéter ce fait inextricable sous différentes variations). Avec cela, Scott positionne Mescal à camper un Maximus 2.0, mais ne possède aucune complexité (ou profondeur) émotionnelle qu’avait Russell Crowe dans sa performance oscarisée lors du premier film.

Mescal n’arrive pas à aller plus loin que l’ombre de Crowe, ou du moins à ’offrir une vision unique de son personnage. Malgré ses prouesses physiques, il a de la difficulté à représenter la rage tourmentée de Lucius, soit à travers les combats, ou même lorsqu’il est seul dans sa cellule à réfléchir à son avenir potentiellement pessimiste. C’est d’autant plus insatisfaisant lorsque la majorité des personnages secondaires n’ont presque aucun développement dans leurs arcs narratifs. 

Il est fortement possible que plusieurs scènes qui étoffaient les intrigues et personnages secondaires aient pris le bord lors du montage. D’ailleurs, l’actrice May Calamawy avait été annoncée comme étant le personnage féminin principal du film, mais apparaît dans le produit final en tant que figurante non parlante dans quelques plans brefs aux côtés de Macrinus.

S’il y a eu plusieurs modifications structurelles au montage (le film a aussi été impacté par la grève des scénaristes et acteurs), cela expliquerait facilement pourquoi le changement moral d’Acacius apparaît de nulle part, ou encore pourquoi Lucilla ne possède aucune individualité comparativement au premier film.

Denzel Washington sauve Gladiator II

Heureusement, il y a Denzel Washington. Comme première collaboration avec Ridley Scott depuis American Gangster, il vole la vedette à lui seul dans le rôle de Macrinus, désirant contrôler tout l’Empire romain pour sa propre fortune. En parfaite maîtrise de son personnage, et de la caméra, Washington contrôle l’écran dès qu’il y apparaît, éclipsant facilement Paul Mescal lorsque les deux partagent une scène.

Denzel Washington jouant Macrinus dans «Gladiator II»

Sa manipulation est subtile au début, mais se révèle au fur et à mesure que l’histoire avance vers sa conclusion. Washington sait dans quel registre il doit approcher son personnage au début. Il est charmant et assez drôle, ce qui le rend facilement attachant aux yeux des spectateurs, et de Lucius.

Cela dit, derrière ce charme se cache une soif inaltérable du pouvoir qu’il n’arrivera probablement pas à l’étancher si son plan fonctionne. Il n’a pas peur de se salir les mains pour accomplir son but ultime, et devient progressivement dangereux pour tous les personnages que Scott illustre dans ce film, incluant Lucius.

Et ce sont ces changements qui rendent ce personnage si délicieux à regarder du début à la fin. Nous pouvons rire, parfois, de ses maniérismes, mais ce plaisir à le regarder dévorer l’écran est vite estompé lorsque son côté sombre et décidément sadique est totalement révélé sous nos yeux. C’est l’un des meilleurs rôles qu’a joués Washington dans une carrière de personnages mémorables, et il ne serait pas surprenant qu’il soit le seul acteur de Gladiator II à obtenir une nomination aux Oscars dans les mois à venir.

Il devient facile de dire qu’un film sur Macrinus aurait probablement été beaucoup plus captivant qu’un récit voulant toujours répéter les succès du premier film, mais en ayant des scènes de combats plus grandes, plus spectaculaires, et plus violentes.

Comme expérience sur grand écran, Gladiator II nous rappelle qu’il existait une époque où tout film, qu’il soit médiocre ou non, se souciait de son esthétique et de ses qualités techniques. Mais son traitement narratif déçoit, oubliant de créer une individualité au protagoniste qui reste toujours dans l’ombre de son père et n’est pas capable d’écrire sa propre page d’histoire hors de son héritage. 

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