Entretien avec Françoise Fabian, une grande dame du septième art – Bible urbaine

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Entretien avec Françoise Fabian, une grande dame du septième art

Entretien avec Françoise Fabian, une grande dame du septième art

Le plaisir de se réinventer

Publié le 13 novembre 2015 par Rachel Bergeron-Cyr

Crédit photo : Image tirée du film «Ma nuit chez Maud»

Il y avait donc une partie «improvisation»?

«Ah oui. Ce n’est pas un peu, c’était beaucoup.»

Est-ce que le cinéma a changé selon vous? Qu’est-ce qui est différent?

«(Pause). Je ne sais pas. On raconte moins d’histoires. On fait beaucoup de cinéma, car on se croit obligé de faire un cinéma social. Et en même temps, il y a beaucoup moins d’argent. Il y a beaucoup de cinéma américain ce qui fait qu’il a une emprise sur tout le cinéma mondial. Il est évident que si on avait les moyens de faire du cinéma comme en Amérique, on ferait un cinéma très riche, parce qu’il y a une culture chez nous qui est très importante, mais ce sont les moyens qui ne sont pas là. Vous savez que, je ne savais pas ça, il n’y a pas très longtemps que je le sais, c’est que, dans les laboratoires américains, où ils font vous savez, des effets spéciaux, c’est beaucoup beaucoup de Français qui sont là-bas. Les plus grands artistes d’effets spéciaux sont des Français.»

Il y a tout un débat en ce moment, en Amérique du Nord sur la place des femmes au cinéma, sur le salaire des actrices comparativement à celui des hommes, les femmes cinéastes… est-ce que c’est quelque chose dont on parle en France?

«Non. Pas tellement, non. On ne dit pas: “c’est un cinéma de femme”, non, pas du tout. Il y a le bon cinéma. On dit: “Ah, le cinéma de ce type-là ce n’est pas bien et le cinéma de cette femme est formidable”. Il n’y a pas de ségrégation.»

Je profite de la période du festival pour vous demander qu’est-ce que vous aimez voir au cinéma, qu’est-ce qui vous allume? Les films que vous aimez voir?

«C’est le rêve. C’est la culture. La découverte. Et puis aussi, la découverture de certains écrivains, de créateurs, de nouveaux talents. Quelque chose de nouveau, qui me fait vivre quelque chose en dehors de moi.»

Est-ce que c’est un peu pour ça que vous avez décidé de jouer dans un épisode de la série 10%? Car c’est très drôle et il y a beaucoup d’autodérision. Ça vous plaît de jouer ça?

«Oui. Je prends mon travail au sérieux, mais je ne me prends pas au sérieux. Parce qu’il faut traverser la vie, c’est quand même un gros travail et si on n’a pas d’humour, on est fichu. Si on se prend trop au sérieux, quelle perte de temps!»

Ça vous permet de tout jouer?

«Oui, ça me permet de tout jouer. Moi j’aime bien la comédie et j’aime bien le drame. J’ai joué une pièce dont j’avais acheté les droits en Angleterre, qui était jouée par Judi Dench. Et puis je l’ai jouée, d’ailleurs, c’est une histoire vraie, d’ailleurs elle en est morte. L’histoire d’une femme middle-class durant la Guerre froide. Un très très beau sujet. Il y a eu Edwige Feuillère, qui était une espèce de princesse française qui n’a tourné que des princesses, elle est venue et elle me dit: “Mais Françoise, vous êtes tellement bien, vous n’avez rien à prouver. Pourquoi vous jouez ça? Je crois que votre public n’aime pas vous voir comme ça.” Et je lui dis: “Mais quel public? Je n’ai pas un public. Je joue ce qu’il me plaît”. Je ne me dis pas que mon public va me voir dans un mauvais état, très middle class, pas très bien habillée, avec une coiffure économique. Parce que c’est ce qui m’amuse. C’est la multiplicité qui nous est permise, la diversité des rôles, on peut jouer tout le monde. Et ce n’est pas à la portée de tout le monde.»

 Et beaucoup de monde aimerait ça probablement, s’inventer des vies. Vivre des vies.

«Mais oui, bien sûr. C’est ça. C’est un métier merveilleux. C’est un métier qui n’est pas facile du tout, c’est un métier fragile. C’est fragile parce qu’on peut tout d’un coup disparaître, avoir moins d’emplois, et puis quand la santé est moins et là, on vieillit… pour les actrices aussi. Les actrices. Elles sont confrontées à des physiques aussi, c’est pour ça qu’il y a tellement de chirurgiens esthétiques. Il y a des chirurgies esthétiques qui font que les femmes ne se ressemblent pas. C’est dramatique. Et des femmes très belles, qui n’avaient pas besoin de ça et qu’on ne reconnaît pas. Je ne sais pas qu’est-ce qui les force à faire ça. Les compagnies hollywoodiennes?»

Je crois qu’elles ressentent une pression de se voir vieillir à l’écran.

 «Mais c’est vrai que c’est pénible. C’est pénible. Je suis payée pour le savoir.»

On vous a donné des conseils dans votre carrière, mais avec le regard que vous avez aujourd’hui, quels conseils vous donneriez à la jeune Françoise qui commence dans le métier?

«Ça, c’est un piège. (Rires.) Je ne sais pas. Vraiment, je n’ai aucune idée. Ce que j’aurais pu faire, j’aurais peut-être été plus exigeante, j’aurais peut-être sollicité. C’est une chose que je n’ai jamais faite. Solliciter des metteurs en scène pour leur dire que je voulais travailler avec eux. Je l’ai fait seulement avec Buñuel. C’est par orgueil probablement. Parce que je sais qu’il y a des comédiennes qui sollicitent des metteurs en scène. Et c’est vrai que nous on a envie d’être désiré, mais peut-être qu’eux aussi ont envie d’être désirés.»

Sans doute que oui.

«Sans doute que oui puisque ça marche. Isabelle Huppert elle écrit, Deneuve aussi. Elles écrivent qu’elles veulent jouer. Je comprends très très bien. Et moi, je ne peux pas. C’est dommage parce qu’il y a des metteurs en scène avec qui j’adorerais jouer, mais je n’ai jamais osé leur demander.»

Je vous remercie beaucoup de l’entretien, ç’a été un honneur et une belle rencontre pour moi. Je vous souhaite une belle fin de festival et un bon retour en France.

«Merci, merci.»

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