«Le baptême de…» Jim Jarmusch – Bible urbaine

Cinéma

«Le baptême de…» Jim Jarmusch

«Le baptême de…» Jim Jarmusch

«Permanent Vacation» (1980) ou le hipster avant qu’il soit cool

Publié le 19 septembre 2016 par Alyssia Duval

Crédit photo : The Criterion Collection

Si la tignasse blanche, les habits noirs, les verres fumés et la svelte silhouette de Jim Jarmusch font partie intégrante de sa signature depuis plus de trente ans, ce n’est pourtant pas son look qui en a fait l’une des personnalités les plus fascinantes du cinéma contemporain.

Ayant l’habitude de nous offrir un nouveau film aux trois ou quatre ans, le cinéaste originaire de l’Ohio nous est réapparu en 2016 avec non pas une, mais deux productions qui, d’ailleurs, ont déjà fait excellente impression aux festivals de Cannes et de Toronto. Mais puisque Paterson (comédie dramatique mettant en vedette Adam Driver) et Gimme Danger (documentaire retentissant sur la carrière d’Iggy Pop et The Stooges) ne prendront pas officiellement l’affiche avant quelques mois, profitons du temps d’attente pour revisiter l’univers lyrique et raffiné de monsieur Jarmusch en commençant, comme toujours, par son tout premier long-métrage.

Produit au tournant des années 80 avec un budget d’à peine 12 000 $ et une poignée d’acteurs sans expérience, Permanent Vacation suit le parcours d’un jeune flâneur nommé Allie qui, errant sans but à travers différents lieux décrépits de la jungle new-yorkaise, croisera le chemin d’une série de personnages pathétiques, excentriques ou colériques avec lesquels il s’interrogera sur le sens de la vie. Contrairement à la majorité des films que nous avons explorés dans le cadre de cette chronique auparavant, celui-ci – il faut l’admettre – n’est pas particulièrement remarquable et souffre d’un lourd défaut de charme. Sorte de chronique contemplative sans début, milieu ou fin, ce film est toutefois bien loin d’être sans intérêt.

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Premier essai d’un jeune auteur en quête de substance narrative, Permanent Vacation jouit au moins d’une incroyable richesse atmosphérique, en particulier grâce aux superbes tableaux urbains qu’il présente alternativement ainsi qu’à sa trame sonore jazzy et feutrée; deux éléments qui deviendront non seulement récurrents, mais aussi emblématiques du cinéma de Jarmusch.

Parenthèse: Il y a le cinéma indépendant, et il y a le cinéma d’auteur. Facilement confondus, car ils vont souvent de pair, ils sont pourtant bien distincts. D’une part, on parle simplement de films produits sans l’influence de grands studios, distributeurs ou autres conglomérats médiatiques. D’autre part, il s’agit de ces œuvres qui reflètent vivement la vision et le cachet uniques du réalisateur, considéré comme seul et unique responsable du film en question et dont on reconnaît la griffe dès la première séquence. Certes, Jim Jarmusch n’est pas seulement indépendant ni seulement auteur. N’aspirant à rien de plus qu’à satisfaire sa propre passion pour l’art, c’est un véritable rebelle et un éternel insoumis. De cette fameuse génération de créateurs avant-gardistes née à New York vers la fin des années 70, il est probablement la plus saillante incarnation de ce (discutable) concept que l’on appelle «la politique des auteurs».

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Ainsi, malgré ses longues tirades improvisées et une absence quasi somnifère de fil conducteur, Permanent Vacation brille par le simple fait d’être la fondation d’une filmographie si célèbre pour son caractère idiosyncrasique. Immortalisant superbement la texture et l’éclectisme d’un Manhattan en pleine crise identitaire, il s’agit presque d’une archive ou d’une capsule temporelle à préserver absolument, et ce, pas seulement pour documenter le travail du cinéaste, mais aussi ce lieu et cette époque mythiques ayant façonné son art et celui de tant d’autres. Qu’on le perçoive comme un esthète, un poète, un grand génie du cinéma ou encore un hipster présomptueux, Jarmusch fera toujours à sa tête; et voilà ce qui définit parfaitement la valeur de son œuvre.

«Nothing is original. Steal from anywhere that resonates with inspiration or fuels your imagination. Devour old films, new films, music, books, paintings, photographs, poems, dreams, random conversations, architecture, bridges, street signs, trees, clouds, bodies of water, light and shadows. Select only things to steal from that speak directly to your soul. If you do this, your work (and theft) will be authentic. Authenticity is invaluable; originality is non-existent. And don’t bother concealing your thievery; celebrate it if you feel like it. In any case, always remember what Jean-Luc Godard said: It’s not where you take things from, it’s where you take them to.» – Jim Jarmusch

Mon coup de cœur par Jim Jarmusch: «Only Lovers Left Alive» (2013), avec Tilda Swinton, Tom Hiddleston, Anton Yelchin et Mia Wasikowska.

Prochaine chronique à surveiller: «Guy and Madeline on a Park Bench» (2009) de Damien Chazelle.

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