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Crédit photo : Yves Renaud
Passionné de musique et d’opéra, Eric‑Emmanuel Schmitt a voulu redonner au compositeur ses lettres de noblesse. Pour raconter son récit biographique, il s’est entouré de la soprano Marie-Josée Lord, du ténor Jean-Michel Richer et du pianiste Dominic Boulianne. Lorraine Pintal signe ici la mise en scène.
Dans Le mystère Carmen, l’auteur et dramaturge nous raconte le parcours d’Alexandre César Léopold Bizet, rebaptisé deux ans après sa naissance Georges Bizet. Pas étonnant que le compositeur ait eu de la difficulté à trouver son style et sa voie avec un tel conflit d’identité! Véritable génie issu de parents professeurs de chant et de piano, il compose sa première symphonie à 17 ans, «dévoré par l’envie de séduire», écoutant les autres, trébuchant, trop impatient de réussir. C’est à 36 ans qu’il défie les conventions, décidant d’une fin tragique à son opéra Carmen malgré les exigences du directeur de l’Opéra-Comique.
Les spectateurs du Théâtre du Nouveau Monde auront d’ailleurs droit aux premières versions de la pièce «L’amour est un oiseau rebelle», laquelle est à des années-lumière de la célèbre version que l’on connaît.
Et pourquoi il faut aller voir cette pièce? Pour la présence charismatique d’Eric-Emmanuel Schmitt et sa voix enveloppante, qui nous transporte au coeur des années 1800, et pour l’étude philosophique qui est faite, puisque l’on aborde Carmen comme un mythe féminin: «Carmen parle au Tu comme Socrate. On attendait une putain, on a une philosophe».
Carmen est une bohème, une rebelle, une femme qui transgresse les conventions sociales, qui séduit et s’amourache du brigadier Don José, celui-ci étant promis à une autre femme. Elle revendique la liberté en mettant en scène sa propre mort, choisissant d’aimer qui elle veut plutôt que de se soumettre aux dictats des hommes. D’une certaine manière, elle incarne les prémisses du féminisme.
Le mystère Carmen vaut la peine d’être vue, pour la prestation de Marie-Josée Lord, et pour s’initier à l’un des opéras les plus joués dans le monde. Bien que les apparitions de la soprano et du ténor Jean-Michel Richer, tous deux habitués à surjouer à l’opéra, puissent jurer avec la sérénité de l’auteur, l’idée maîtresse demeure tout de même intéressante.
Enfin, si le contenu est certes admirable, le contenant, pour sa part, baigne dans un romantisme dont le raffinement laisse à désirer. Le décor kitsch, avec projections ressemblant à une huile sur toile d’une campagne profonde des années 1800, ajoute un aspect quétaine au récit. Certains choix de la mise en scène m’ont semblé incongrus, notamment les quelques minutes où la tête de Bizet est projetée sur les touches du piano pendant que Dominic Boulianne joue; cela crée un effet macabre!
En somme, pour sa façon unique de nous raconter des histoires, Eric-Emmanuel Schmitt vaut à lui seul le déplacement.
«Le Mystère Carmen» au TNM en images
Par Yves Renaud
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