«Astronettes, la longue marche vers les étoiles» au Théâtre Périscope – Bible urbaine

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«Astronettes, la longue marche vers les étoiles» au Théâtre Périscope

«Astronettes, la longue marche vers les étoiles» au Théâtre Périscope

La face cachée de l’histoire

Publié le 18 février 2019 par Maude Rodrigue

Crédit photo : David Mendoza Hélaine

Paré ou non pour le décollage: l’auditoire est propulsé parmi les étoiles féminines du champ de l’aventure et de l’aérospatiale. À l’instar d’autres spectacles qui figuraient sur la programmation du Périscope cette année, Astronettes gravite autour de thématiques relatives aux femmes, plus particulièrement de leur implication dans l’«inarrêtable exploration humaine».

Dès les premiers instants, le plateau est converti en une salle de commande. Le décompte est enclenché jusqu’à la fin de la représentation. Le temps ainsi égrené fait naître un curieux sentiment d’urgence chez le-la spectateur-rice.

Puis, le public fait la connaissance des quatre héroïnes de la pièce: Alexandra David-Néel, Valentina Terechkova, Jerrie Cobb et Emma, seule membre fictive de la distribution. Elles évoluent dans un espace que la mise en scène astreint à d’amusantes déformations, par le biais de l’utilisation de maquettes ainsi que de projections sur un écran immense. Le temps subit lui aussi moult distorsions, cette impression étant renforcée par des projections simultanées. Le destin des quatre héroïnes se recoupe, celles-ci s’inscrivant pourtant dans des époques différentes.

Outre quelques artifices qui sertissent les tableaux, la mise en scène est assez minimaliste. Elle est assumée par le tandem Marie-Josée Bastien, membre du Théâtre Niveau Parking, de même que Caroline Boucher-Boudreau, également autrice de la pièce. Le spectacle repose ainsi largement sur les faits relatés, de même que sur la performance des actrices.

Une lecture à deux niveaux

Boucher-Boudreau a empreint les faits historiques relatés de préoccupations plus temporelles ou concrètes. Le spectacle se lit ainsi à deux niveaux: celui de la Grande Histoire, et celui du vécu intime des femmes.

Leur liberté – du moins, celle de Terechkova, de Cobb et de David-Néel – devait être négociée, il était difficilement admis qu’elles placent leur carrière en tête de leurs occupations.

Or, comment Terechkova résolvait-elle le conflit entre ses propres aspirations et celles de sa mère qui aurait souhaité qu’elle se marie et mène une vie plus tranquille? Quelle portée les récriminations du conjoint alcoolique de Cobb avaient-elles sur elle? David-Néel était-elle affectée par la pression sociale qui s’exerçait sur elle, ayant emprunté un chemin de traverse au cours de sa vie, plutôt que de couler des jours paisibles aux côtés de son mari?

Détresse et enchantement

Il est touchant de mesurer la tension que vivaient ces femmes, entre le désir de faire progresser la science et celui d’«avoir une vie», un diktat toujours actuel comme nous l’exhortent notre ère et les médias sociaux. Les engagements de ces femmes appelaient au renoncement à une certaine part de plaisir, et à l’abnégation. Leur vie était ainsi cousue à la fois de «bonheurs et de déceptions».

Une telle exploration du champ des craintes personnelles de ces femmes renvoie à la façon dont nous effectuons l’histoire, et spécialement celle des femmes. Il s’avère toujours difficile de traquer les motivations personnelles ou les préoccupations psychologiques qui meublaient l’esprit de nos ancêtres, et a fortiori lorsqu’il s’agit des femmes, celles-ci ayant été longtemps confinées dans la sphère privée. Plusieurs n’ont pas forcément eu le loisir de les ébruiter sur la place publique.  Or, les historiens-nes et les auteurs-rices doivent faire un tel effort de plonger jusqu’aux ramifications intimes de leurs vies.

Les poupées russes

Par le biais de chassés croisés temporels, de la mise en parallèle du destin de ses quatre héroïnes, l’équipe d’Astronettes fait une démonstration de ces histoires qui s’emboîtent les unes dans les autres à la manière des poupées russes, du tribut que lèguent toutes nos prédécesseures à la génération actuelle de jeunes femmes. Qui plus est, il est nécessaire que notre imaginaire soit ainsi enrichi par des représentations féminines, et que les jeunes femmes disposent de modèles féminins.

Bien qu’il soit intrigant que les créatrices aient souhaité travailler l’anticipation en créant le personnage d’Emma, le mariage entre le genre plus documentaire et la fiction «pure» en ce qui la concerne, fait naître des questionnements. Son histoire est loin d’être inintéressante; seulement, l’auditoire peut remettre en doute la valeur ajoutée d’une telle invention.

L’objectif était-il d’esquisser une tendance à partir des faits qui se rapportent aux époques antérieures? À ce titre, qu’est-ce qui a présidé aux choix des nombreux évènements rapportés dans la pièce? Comment expliquer que la période s’échelonnant de 1960 à aujourd’hui n’ait pas été explorée davantage?

Notre histoire plus récente foisonne pourtant d’exemples de femmes ayant eu une contribution significative dans le champ de l’exploration spatiale – notamment ici, au Canada.

Malgré ces quelques questionnements, Astronettes est un objet théâtral fort intéressant, autant du point de vue du contenant que du contenu. On reconnaît à Boucher-Boudreau un flair aiguisé: au fil de ses recherches, elle a su glaner d’authentiques bijoux d’anecdotes, et retransmettre leur poésie au public.

«Astronettes, la longue marche vers les étoiles» en images

Par David Mendoza Hélaine

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