CinémaZoom sur un classique
Crédit photo : American Zeotrope
Pour être franche, aucune introduction digne de ce nom n’atteint la cheville de la séquence d’ouverture de l’œuvre. Les quatre premières minutes sont d’une efficacité redoutable, et permettent aux spectateurs de se mettre dans l’ambiance adéquate. La voix de Jim Morrison chantant la fameuse chanson «This Is the End» de The Doors résonne devant les images de palmiers enflammés et bombardés par des hélicoptères.
Des images apparaissent alors en surimpression: le visage de Willard apparaît, suivi d’un ventilateur en marche accroché au plafond. Les sons se mélangent, la chanson et la douce voix de Morrison disparaissent peu à peu et laissent place au son de moteur d’hélice des hélicoptères. Willard, couché, regarde au plafond et n’entend que ceux-ci: symbole de la guerre hantant toujours ses pensées.
Cet homme, interprété par Martin Sheen, est un vétéran de l’armée américaine envoyé en mission spéciale (et secrète) afin de tuer le Colonel Kurtz (Marlon Brando). Kurtz est un ancien soldat américain rebelle qui possède sa propre base «militaire» et qui dirige un groupe d’indigènes, qui le prend pour un demi-dieu. Le trajet pour s’y rendre sera semé d’embûches qui mettront la vie de Willard et de ses collègues en danger. Au moment venu, Willard parviendra-t-il à accomplir sa mission et à tuer le fameux Colonel Kurtz?
Le film, souvent critiqué pour ses longueurs et, de fait, pour sa longue durée de 3 heures et 15 minutes, réussit tout de même, grâce à celle-ci, à faire comprendre aux spectateurs l’enfer dans lequel les personnages évoluent.
Qu’il s’agisse des horreurs vécues pendant la guerre du Vietnam ou du traitement réservé à Willard lorsqu’il parvient à rejoindre Kurtz, tous ces moments font comprendre aux cinéphiles que les impacts psychologiques de cette guerre ont profondément marqués tous ceux qui se sont rendus sur le territoire.
Le traitement des images est particulièrement puissant. Les images parlent d’elles-mêmes et communiquent parfois beaucoup mieux que la parole. Elles laissent nos regards se prélasser sur des décors tantôt magnifiques, tantôt horribles. Les horreurs vécues et vues dans ce pays, autrefois démuni, sont traitées avec respect, mais de manière frontale. Le réalisateur ne veut pas que l’on s’imagine ce qu’il s’est passé; il désire qu’on le voie.
Nominations, Palme et Oscars
Et le film n’est pas passé inaperçu. Il remporte, aux côtés de The Tin Drum, la Palme d’or du Festival de Cannes en 1979. Quelques mois après, il reçoit de nombreuses nominations, dont l’une au Grammy, quatre aux Golden Globes (où trois de ces nominations lui ont permis de gagner le prestigieux trophée), une aux César et huit aux Oscars.
La meilleure direction de la photographie ainsi que le travail au niveau du son ont remporté les petites statuettes dorées. La visibilité et les récompenses données au film ont permis de l’élever au rang de véritable œuvre culte que tous les cinéphiles (re)connaissent encore aujourd’hui.
La face cachée de l’apocalypse
Le documentaire Hearts of Darkness, sorti en 1991, traite exclusivement du tournage du film. La femme de Francis Ford Coppola, Eleanor Coppola, s’empare d’une caméra et filme son mari, les acteurs et les lieux. Francis Ford (et elle-même, à certains moments) se confient, mentionnant différents problèmes auxquels ils ont dû faire face. Ceux-ci sont immenses et menacent constamment la réussite de cet énorme projet.
Le documentaire renferme d’innombrables secrets, notamment: Martin Sheen et son arrêt cardiaque; les scènes où il était véritablement intoxiqué et où il s’est blessé; Marlon Brando et sa rigidité face aux différents horaires; le renvoi d’Harvey Keitel pendant le tournage; les problèmes météorologiques, et j’en passe.
Voir ces deux grandes œuvres côte à côte modifie notre interprétation du film, mais aussi celle du cinéma en général. Certains cinéastes, acteurs et techniciens s’y mettent corps et âme dans un projet, et ce, jusqu’à en perdre parfois eux-mêmes la raison.
Et qui de mieux, pour interpréter ces dires, que le réalisateur lui-même:«My film is not about Vietnam, it is Vietnam» – Francis Ford Coppola, Cannes, 1979
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«Apocalypse Now» en images
Par Images tirées du film «Apocalypse Now»