ThéâtreCritiques de théâtre
Crédit photo : Hugo B. Lefort
L’histoire d’un pèlerin, qui croit avoir tout vécu, qui est désabusé de l’existence et qui décide de se jeter dans la gueule d’un géant afin d’aller lui explorer les entrailles, a certes de quoi faire sourire. C’est une idée farfelue et originale qui permet à l’auteur d’explorer le concept de l’utopie dans un environnement restreint, avec une verve hors du commun et un immense appétit.
Qu’est-ce que Rabelais penserait de notre époque? Serait-il horrifié par la rectitude alimentaire, ou émerveillé par l’espérance de vie qui a carrément triplé depuis sa mort, en 1553?
Notre pèlerin, un Paul Ahmarani en forme olympique – il multiplie décidément les rôles truculents cette année! – aura la surprise de trouver dans l’estomac de Pantagruel deux autres gais lurons, Ponocrate (le retentissant Renaud Lacelle-Bourdon) et Frère Jean (Nathalie Claude, qui multiplie les cabotinages et les blagues scabreuses. Lorsque la resplendissante Panurge (Cynthia Wu-Maheux) se joint à eux en descendant avec style le long de l’œsophage du géant, ils créent malgré eux une utopie dans laquelle, à l’image d’une délicate flore intestinale, l’équilibre reste fragile.
Il y a un aspect assez excentrique qui imprègne toute la production, de la délirante scénographie d’Odile Gamache aux costumes flamboyants d’Elen Ewing, sans oublier la narration fort sympathique de Dany Laferrière, qui prête sa voix à Rabelais lui-même, venant interpeller les personnages directement.
Philippe Cyr signe une mise en scène fort inventive et nous en met plein les yeux avec des trouvailles fort réjouissantes. Il faut aussi saluer l’immense travail d’adaptation qu’a fait Gabriel Plante, parvenant à accoucher d’un récit cohérent en utilisant des centaines de pages des deux romans de l’auteur.
Malgré tous ces éléments qui nous prédisposaient à apprécier l’expérience, on se lasse assez rapidement des enjeux d’un autre âge dont discutent les personnages et des répliques scabreuses qui se multiplient. On a du mal à comprendre quelle est la leçon à retenir et ce que les auteurs essaient de nous dire, et on perd malheureusement une partie de notre intérêt dès la moitié du récit, alors que les chapitres deviennent chaotiques et les imprécations des comédiens parfois inaudibles au milieu d’un fracas généralisé.
Dans le cadre d’une pièce qui célèbre l’appétit, ça ne manque pas de nous laisser sur notre faim.
«Prouesses et épouvantables digestions du redouté Pantagruel» en 3 photos
Par Hugo B. Lefort
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de la rédaction