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Crédit photo : Mathieu Pothier
La dernière fois que Charlotte Gainsbourg a mis les pieds à Montréal, c’était à L’Olympia de Montréal, en avril 2010. L’eau a coulé sous les ponts depuis, et la star a eu le temps de vivre une gamme d’émotions après la disparition de sa sœur Kate Barry, puis de les canaliser, sur papier, pour ce nouvel opus qu’elle lui dédie à juste titre.
Et on ressentait bien, lors de cette rare rencontre entre Gainsbourg et son public, toute la fragilité de son être, la chanteuse ayant délibérément choisi de mettre la musique au premier plan pour cette série de concerts.
Des interactions, il y en a eu quelques-unes, mais moins que les doigts d’une main, et c’est peut-être – et malheureusement ce que nous aurions pris davantage: plus de proximité et de confidences avec cette artiste qui a traversé, au fil des ans, de dures épreuves et qui nous dévoilaient pour une rare fois les pièces d’un opus où le thème du deuil est en filigrane de son écriture.
Elle s’est limitée à un timide «Merci, bonsoir, merci d’être là» après avoir offert une mise en bouche toute en nappes électro avec les titres «Lying With You» et «Ring‐a‐Ring o’ Roses», les deux premières pièces de Rest. Le concert était lancé, le ton était donné, et cette nouvelle signature musicale, qui donne par moments l’impression d’être dans un film d’horreur, ou du moins dans un thriller, lui va comme un gant.
Il faut dire aussi que, visuellement, le décor excusait en grande partie la présence scénique effacée de la star. Sur scène, on y retrouvait six cloisons lumineuses, qui compartimentaient l’espace scénique. Les variations de lumière, qui s’illuminaient régulièrement, tout en changeant de position au gré du rythme, dynamisaient la performance.
«I’m A Lie» fut la preuve que Charlotte Gainsbourg était mûre pour affronter la scène qu’elle redoutait à une certaine époque: son interprétation semblait juste, malgré un rendu sonore qui ne servait pas nécessairement toujours sa performance vocale, et ses musiciens, David Nzeyimana, Louis Delorme, Paul Prier et le choriste Gérard Black, ont chacun bien porter cette ambiance lourde qui traverse Rest d’un bout à l’autre.
Heureusement, l’album n’est pas que mélancolique et comporte son lot de pièces pop-électro qui se dégustent franchement bien en live. «Sylvia Says» est assurément l’une d’elles, et «Deadly Valentine» est probablement celle que les spectateurs attendaient le plus. Les effets stroboscopiques étaient toutefois un peu trop intenses – même pour un spectateur pas du tout épileptique, sauf que, ce détail mis à part, l’interprétation était réussie. Autre belle surprise: le titre «Remarkable Day». «Cette chanson aurait dû être sur l’album, car je l’aime beaucoup», nous a-t-elle confié. Et, elle était effectivement très bonne, mais on ne saura jamais pourquoi elle fut écartée…
L’une des rares fois où Charlotte Gainsbourg s’est adressée à nous, c’est après un bloc particulièrement chargé en émotions, c’est-à-dire après les titres «Kate» et «Charlotte For Ever». Ses mots, même si l’assemblage n’était pas des plus fluides, furent touchants: «Les deux dernières chansons, j’y suis très attachée. Kate et Charlotte, nos deux noms collés. Je me suis dit que ça serait ça chaque soir». On a tout de même compris le message: ça lui fait du bien d’être tout prêt de sa sœur.
Après une heure et demie de concert, Gainsbourg a gardé le rythme, n’offrant guère de variations, restant toujours aussi réservée, autant dans ses échanges que dans sa manière d’investir la scène. Après nous avoir quittés sur les dernières notes de «Les Oxalis», elle est revenue des coulisses pour offrir une reprise écourtée et délicate de «Runaway» de Kanye West, avant de terminer sur une note nostalgique avec «Lemon Incest», qu’elle a chantée, à l’époque, avec son père Serge Gainsbourg.
En sortant du MTELUS, nous avons eu le sentiment d’avoir fait une grande rencontre, une rencontre privilégiée, mais qui ne laissera pas d’empreinte indélébile dans notre esprit. Charlotte Gainsbourg a dévoilé un pan de sa vie intime en nous chantant ce Rest pour la toute première fois, sauf qu’on aurait davantage aimé apprivoiser et s’attacher à l’humaine derrière cette femme qui, pourtant, avait tant à dire sur papier.
En première partie: Aliocha
L’auteur-compositeur de 24 ans, Aliocha Schneider, a su bien défendre son titre d’interprète lors de cette soirée aux côtés de la grande Charlotte Gainsbourg. Il a bien mis en valeur les titres de son album Eleven Songs aux côtés de ses trois musiciens qui l’ont aidé à garder la tête bien haute tout au long de sa performance. Les spectateurs ont entre autres eu droit aux pièces «Milky Way» et «Jamie», de même qu’à «Flash in the Pan» et «Feels Like», qu’il a chantées avec Charlotte Cardin, son invitée surprise! Étonnamment, le public n’a pas semblé plus surpris que ça de voir l’interprète de «Main Girl» fouler la scène, mais nous on ne s’y attendait pas du tout! Aliocha, c’est un artiste à découvrir, si ce n’est déjà fait, notamment pour son aisance sur scène et son charisme inné.
L'avis
de la rédaction
Grille des chansons
1. Lying With You
2. Ring‐a‐Ring o’ Roses
3. I'm a Lie
4. Heaven Can Wait (chanson enregistrée en duo avec Beck)
5. Songbird
6. Sylvia Says
7. The Songs That We Sing (chanson tirée de l'album 5:55)
8. Les Crocodiles
9. Deadly Valentine
10. Kate
11. Charlotte for Ever (chanson tirée de son premier album de 1986)
12. Rest
13. Remarkable Day (nouvelle chanson jouée pour la première fois à Primavera Sound Festival)
14. Les Oxalis
Rappel
15. Runaway (reprise de Kanye West)
16. Lemon Incest (chanson de 1984 interprétée en duo avec Serge Gainsbourg)