«La chute de Sparte» de Tristan Dubois d’après le roman de Biz

De toute évidence, le créneau des teen movies est florissant: ces derniers mois, le public québécois a reçu les propositions de Samuel Matteau (Ailleurs), de Sophie Lorrain (Charlotte a du fun) et de Pascal Plante (Les faux tatouages). L’été nous réserve quant à lui La disparition des lucioles du prometteur Sébastien Pilote de même que 1991, dernier opus de la truculente trilogie de Ricardo Trogi.

La chute de Sparte s’inscrit dans cette lignée de films consacrés aux ados. L’intrigue pivote autour de Steeve, un adolescent ténébreux issu de la banlieue de Montréal. Il est marginal et mène une existence quasi platonique, comptant pour uniques amis un dénommé Virgile de même que d’innombrables bouquins.

Un ton adouci par rapport au roman

Steeve est à la fois pétri d’envie et de mépris à l’endroit de ses pairs à l’école secondaire. À ses yeux, ceux-ci ne reconnaissent pas la valeur des choses, à débuter par celle de la langue française.

Or, si les allusions politiques foisonnent dans le roman, le ton du scénario qu’ont co-construit Biz et Dubois est quant à lui plus conciliant. Quelques saillies de revendications politiques ont été intégrées au récit, tandis que le fond plus mordant, voire moralisateur du roman est passé à la trappe.

La vie de Steeve prend une tournure inattendue lorsqu’un évènement dans lequel il est impliqué est filmé, puis retransmis sur Internet, suscitant des milliers de clics et le propulsant vers une certaine renommée auprès de ses pairs. Steeve doit alors, bien malgré lui, composer avec les représailles de celui qu’il a ridiculisé à la face du web.

Une réalisation soignée

La musique est omniprésente dans le film, laminant une sorte de mur du son, immense, contre lequel se profilent les péripéties du film. Le dévolu des artisans de La chute de Sparte a été jeté, notamment, sur La Bronze, de même que sur Chafiik, membre des Loco Locass. Manu Militari sonne également la charge à des moments bien choisis dans le cours du récit. La trame sonore traduit efficacement le bouquet incandescent d’émotions de même qu’une sorte de fureur de vivre caractéristiques de l’adolescence.

Tandis qu’on se délecte des envolées contestataires de Steeve dans le roman, force est de constater une sorte de dissonance entre le registre soutenu des propos que tient l’adolescent et la nonchalance qu’affecte son jeune interprète (Lévi Doré) dans le film. Certaines didascalies sonnent faux lorsque déclamées à l’oral, tandis qu’on peinait moins à y adhérer en les lisant. Un tel décalage est toutefois cohérent avec le personnage de Steeve, juché sur le flanc d’une certaine supériorité conférée par sa vaste culture littéraire par rapport à ses pairs.

Quelques bijoux de scènes, en outre, révèlent le talent de Dubois à titre de réalisateur. Il semble avoir porté un soin magnanime à certains plans, notamment à celui où apparaît une fresque du visage de Gaston Miron surmontant un enchevêtrement de graffitis.

La chambre de Steeve, un espace confiné et moite dans le sous-sol d’une maison cossue, reflète la personnalité ténébreuse et secrète de l’adolescent. La spéléologie à laquelle s’adonne le personnage procure une opportunité au réalisateur de truffer le film de plans saisissants tournés dans des sous-terrains immergés.

Quant à l’interprétation des membres de la jeune distribution, elle est unanimement juste. Sans doute la direction efficace menée par Dubois est-elle tributaire de sa propre formation en jeu.