«Sutra» de Sidi Larbi Cherkaoui au Théâtre Maisonneuve de la Place des Arts

D’abord, un homme vêtu d’une chemise et d’un veston, puis un garçon habillé tel un moine observent une maquette miniature comprenant vingt-et-un morceaux de bois rectangulaires, sous un halo de lumière. L’enfant doit avoir entre 5 et 7 ans et il regarde, attentif et calme. L’homme place les morceaux de bois tranquillement pendant que la scène centrale s’illumine. On y découvre vingt-et-une boîtes de bois, grandeur humaine, qui se déplacent elles aussi.

C’est le début d’un voyage aux limites entre l’Occident et l’Orient, là où l’homme vacille entre la force du groupe et la quête individuelle.

L’enfant se lève et se dirige vers les coffres de bois. Oui, ce sont plus que de simples boîtes, puisqu’on peut y rentrer et en sortir. Rapidement, le décor minimaliste devient peuplé de moines talentueux qui, en déplaçant les boîtes, transforment le lieu de façon extrêmement efficace. La scène est d’abord un couloir, puis une forêt, et ensuite un cimetière et, finalement, elle est remplie de temples chinois.

D’un changement à l’autre, les moines nous démontrent leur savoir-faire en exécutant des figures de combat dansé d’une extrême précision. Chaque mouvement est puissant et leur énergie est contagieuse sur la scène. Évidemment, la présence d’un enfant, qui a lui aussi un don prodigieux pour les pirouettes, conquit rapidement le public. Il est le lien entre les moines et l’homme habillé d’un complet gris. Et cet homme-là, c’est nous. Il est à notre image, en dehors de cet univers sacré, il est l’observateur qui tente de joindre la cadence.

Certains segments sont tout simplement vertigineux. Tous assis en position méditative au-dessus des colonnes de bois, le silence des moines est plein. Les spectateurs semblent apprécier ce moment de recueillement. Puis ils se tiennent debout avant d’en descendent un pied devant l’autre, chacun leur tour, laissant tomber les structures avec eux. Le bruit de l’impact de la matière contre le sol nous fait d’abord sursauter pour nous laisser seulement ce sentiment d’élévation, comme quoi quand le contact entre les choses est maîtrisé, il se métamorphose.

Et la métamorphose est surtout dans les corps. Les moines s’affrontent dans un duel bestial, tantôt aigle, singe ou scorpion, les animaux apparaissent devant nos yeux. L’homme au veston continue son observation active. Tranquillement, il s’intègre au groupe de guerriers. La transformation se fait de l’intérieur. Au moment où les coffres son placés en biais, les moines en sortent, vêtus eux aussi de vestons. L’enfant n’aime pas. Il pousse le premier coffre au fond de la scène et tout s’écroule tel un jeu de dominos.

Et c’est cette image qui me reste à la fin de ce fabuleux spectacle: cette facilité avec laquelle nous oublions que l’éphémère est partout. Que les corps peuvent bouger et incarner la rigueur avec tant de beauté, qu’il suffit peut-être de s’asseoir, les jambes croisées, et d’écouter à l’intérieur de soi l’écho du sacré qui est en chacun de nous.