ThéâtreEntrevues
Crédit photo : Stéphane Bourgeois et Jean-François Gratton
«Pour moi, Ionesco, c’est comme revenir à la maison. Ça me remet dans une réflexion qui est rattachée au début de mes processus de travail», nous confie ce fervent disciple de l’un des représentants du théâtre de l’absurde aux côtés de Beckett et Genet. La preuve étant que la toute première pièce que Frédéric Dubois a montée en 1997, puis dix ans plus tard, en 2007, avec les mêmes acteurs, est sa plus connue, La Cantatrice chauve, suivi de La leçon, sans oublier Jacques ou la Soumission, suivie de L’avenir est dans les œufs, ainsi que Le Roi se meurt, qui fut l’occasion, pour le metteur en scène, de faire son entrée au Théâtre du Nouveau Monde.
Son attachement pour les textes ouverts et permissifs, de même que les univers et les ambiances imaginées par Ionesco, l’ont poussé à redéfinir sa vision du théâtre: «Comment j’envisage le théâtre maintenant?», s’est-il demandé, deux fois plutôt qu’une, conscient que ces écrivains du théâtre de l’absurde en France, à l’époque de la Seconde Guerre mondiale, souhaitaient revendiquer, par leur art, une rupture totale des genres «dans un geste conscient de non conformisme et d’entêtement, voire d’une langue qui nous échappe».
«Au départ, c’est le côté anti-théâtre et la révolte qui m’interpellaient. Lorsque j’ai monté La Cantatrice chauve à l’École pour la première fois, c’était l’opposé, l’envers de ce que j’apprenais…»
Avec ce désir de replonger dans l’univers de cet auteur modèle du XXe siècle venait la présence de Monique Miller dans le rôle de la Vieille, et celle de Gilles Renaud, dans le rôle du Vieux. Et tout autour d’eux? Des chaises. Des tonnes de chaises. Pour Frédéric Dubois, c’est principalement l’incitation à rejouer Ionesco qui l’a poussé à se lancer, avec sa compagnie Théâtre des Fonds de Tiroirs, dans cette adaptation de Les Chaises, où «deux vieux vivent sur une île abandonnée et qui, chaque jour, se repassent le film de leur propre vie, se rejouent le jeu d’inviter des gens pour leur dire ce qu’ils ont vécu, jusqu’à l’arrivée d’un mystérieux orateur…»
Ionesco a offert, par l’empreinte de ses mots, tout un espace de réflexions philosophiques «sur ce qu’on laisse, sur ce qu’une vie laisse derrière soi, sur le sens de la vie, celle qu’on veut avoir et laisser aller, sur la transmission, qu’est-ce qu’on lègue, qu’est-ce qu’on transmet», desquelles Dubois a ressenti une forte attraction, de même qu’une occasion en or d’y réfléchir à plusieurs têtes pensantes : «Gilles Renaud et Monique Miller sont des chercheurs, des découvreurs qui ne s’assoient jamais sur leurs acquis, toujours illuminés par ce qu’ils découvrent dans le jeu théâtral. Lui, il est encore profondément en amour avec le jeu; il n’a pas peur de se lancer, d’essayer. Il est hyper jeune dans son cœur, et il apporte quelque chose de frais au personnage du Vieux. Elle, elle est totalement investie par son métier. À 84 ans, elle a toujours l’énergie d’ouvrir Les Chaises et de jouer. On n’a rien à faire, ils comprennent tous deux à travers les mots».
«Les Chaises, c’est «la plus belle pièce de Ionesco, car elle évoque des obsessions universelles: la vieillesse, la décrépitude et tous les fantasmes qui en découlent» – Luc Bondy
Pour Frédéric Dubois, c’est aussi une pièce tragique sur le désarroi de la vie et la peur de mourir où la théâtralité est bien nourrie, où l’on rit, où l’on rit beaucoup, même, surtout grâce au pur plaisir provenant du jeu des «invités». Le metteur en scène a imaginé un espace scénique en dehors d’un univers réaliste et des codes, afin de «laisser le terrain poétique le plus ouvert possible. Les Chaises, c’est un long poème». Ainsi, l’effet de surprise causé par la venue de l’orateur, «qui vient donner la parole, mais qui n’a pas la parole. Un peu comme le Godot de Beckett, qui ne vient jamais», ne sera que plus grand, pour vous, chers spectateurs!
Plongez la tête la première dans cette farce tragique d’une durée de 77 minutes de l’un des dramaturges les plus importants du théâtre de l’absurde français du XXe siècle! Venez rencontrer, sous le regard inspiré du metteur en scène Frédéric Dubois, Gilles Renaud, Monique Miller, Jasmine Daigneault, Jean-François Guilbault, Alex-Aimée Martel et Rosalie Payotte, au TNM du 8 mai au 2 juin 2018. Achetez vos billets dès maintenant au www.tnm.qc.ca/les-chaises.
*Cet article a été produit en collaboration avec le Théâtre du Nouveau Monde.