LittératureRomans québécois
Crédit photo : Éditions La Peuplade
La querelle au cœur de ce récit porte sur Le batailleur, dont l’auteur est Claude Lanthier, écrivain. L’éditeur Victor Gill lui propose une nouvelle édition de cette œuvre marquante du paysage littéraire québécois. Malgré le travail effectué par l’écrivain sur son roman phare, la publication finale l’amène à faire un constat brutal: il ne reconnaît plus son œuvre et affirme en avoir été dépossédé.
Pour dépeindre ce monde d’hommes aux ego immenses, l’auteure a joué notamment sur l’absence des femmes. Elles ne sont ici que de passage; fantomatiques pourrait-on ajouter. La femme d’un tel, une avocate évoquée ici, les conquêtes de l’un, etc. Ce choix accentue cette image d’arène masculine; c’est un spectacle «viril» qui se déploie sous nos yeux.
Il est impératif de relever qu’en effet, les femmes écrivaines sont encore peu mises de l’avant autant sur le plan médiatique, historique qu’universitaire. À titre d’exemple, la professeur de littérature à l’UQAM, Lori Saint-Martin, constatait la faible représentation féminine dans une lettre d’opinion parue dans Le Devoir du 30 janvier 2016: «Selon une étude que j’ai menée à l’automne 2015, la proportion moyenne des comptes rendus portant sur les livres écrits par une femme dans six journaux de référence, dont Le Monde et Le Devoir, n’est que de 33 %.» Et on imagine que les statistiques n’ont pas beaucoup bougé en 2018…
En ce qui concerne la forme, la quasi-absence de dialogues entre les personnages exige un effort supplémentaire aux lecteurs habitués aux successions de répliques, mais elle a l’avantage de se concentrer sur les descriptions ultra précises des hommes mis en scène. Débit de la parole, habillement, mode de vie, manières de penser, tout y passe. On note tout de même des moments où la narration laisse place aux je. Les personnages en profitent alors pour exposer leur discours sur eux-mêmes, un peu victimaire… L’égocentrisme de chacun en est plus que patent!
L’écrivaine met bien sûr au centre de son histoire un duel entre un éditeur et un auteur, mais il faut soulever que les deux avocats font partie intégrante de cette galerie de personnages masculins qui ne veulent en rien perdre leur statut.
Au final, même si France Théoret réussit à illustrer cet univers masculin où prétention et supériorité s’y retrouvent, il reste que l’œuvre n’arrive pas tant à nous toucher, à nous pénétrer. Une certaine froideur – peut-être inhérente au monde portraituré ici – crée une distance avec le lecteur jusqu’à la dernière page. L’envie de suivre les personnages n’est malheureusement pas toujours au rendez-vous…
Les querelleurs de France Théoret, Éditions La Peuplade, 152 pages, 2018, 21,95 $.
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de la rédaction