ThéâtreCritiques de théâtre
Crédit photo : Eva-Maude TC
La pièce Béa, écrite par le dramaturge irlandais Mick Gordon, s’intéresse non seulement au suicide assisté, mais aussi à l’empathie et à ses limites. La légende raconte que Yannick Chapdelaine, le directeur artistique du Théâtre La Bête Humaine, en a vu une production à Toronto et a tellement apprécié son expérience qu’il a décidé de traduire le texte et de monter la pièce à Montréal, confiant la mise en scène à Olivia Palacci.
On y fait la rencontre de Béa (Alexandra Cyr), une paraplégique clouée au lit, alors qu’elle rencontre Raymond (Chapdelaine, lui-même), un aide-soignant, afin de vérifier si ça «clique» entre eux. Malgré sa nervosité, Ray semble immédiatement sympathique, et sa paire de «belles petites fesses» ne nuit pas. La mère de Béa, Catherine (Suzanne Lantagne), doit gérer seule sa fille depuis la fuite de son mari et n’approuve pas immédiatement la candidature de Ray, mais décide quand même de le prendre à l’essai.
À travers un processus d’apprivoisement accéléré, on nous montre la relation de plus en plus tendre qui se développe entre la malade et son infirmier, et les moments les plus festifs sont bien souvent interrompus par la mère, qui arrive toujours à des moments un peu délicats. Fatiguée de son rôle de marâtre rébarbative, Catherine finira cependant elle aussi par tomber sous le charme de Ray, un bon vivant bienveillant avec une faiblesse pour le théâtre.
Le fait que Béa désire mettre fin à ses jours n’est pas un spoiler; on nous le révèle dès la première scène. L’accumulation de petits détails qui semblent parfois anodins est là principalement pour nous amener tout doucement à une inéluctable conclusion, pour nous montrer qu’entre la vie et la mort, il y a tout un éventail de moments qui en valent la peine, de rires et de malaises, de grandes joies et de petites tristesses.
Il y a beaucoup d’humour dans la proposition que nous fait Mick Gordon, humour qui passe bien souvent par l’interprétation attachante de Yannick Chapdelaine, campant de façon absolument convaincante un personnage qui a décidé de se consacrer à autrui pour des raisons personnelles, et qui est en paix avec ses multiples contradictions. Alexandra Cyr fait preuve d’une hallucinante discipline dans son économie de mouvements, et nous avons même entendu, en sortant de la salle, quelqu’un dire: «On dirait que j’étais presque surpris que la comédienne se lève à la fin, tellement j’étais encore imprégné de son jeu.»
Au-delà de son thème glauque, Béa est une aventure émotive qui évite de nombreux pièges, n’insiste pas trop sur les bons sentiments, et se tient loin des mièvreries larmoyantes. Un huis clos qui nous paraît extrêmement vivant, est-ce possible? Oui, et la conviction des interprètes y est pour beaucoup.
Nous allons en conserver un très bon souvenir et garder un œil sur les futurs projets de La Bête Humaine.
L'événement en photos
Par Eva-Maude TC
L'avis
de la rédaction