Littérature
Crédit photo : Sarah Scott
Qu’est-ce qui t’habitait au moment où tu as décidé de plancher sur le deuxième roman?
Le succès du premier était totalement inattendu, donc après, j’avais un gros complexe d’imposteur. Au début je n’y croyais pas, et après, quand c’est retombé, ben, je me disais: «Je n’arriverai jamais à refaire ça!»
Moi, c’est Foglia qui a parlé de mon roman. Je rêvais! On m’a comparée à mes idoles. À partir de là, qu’est-ce que je peux aller chercher, qu’est-ce que je peux attendre de plus que ça?
Quand je me suis remise à écrire, c’était pourri ce que j’écrivais, c’était dégueulasse! C’était n’importe quoi! Je me relisais — normalement, je ne me relis jamais – mais là, je le faisais parce que je sentais qu’il y avait quelque chose…
Comme une fausse note?
Ouais, c’est ça. Mais j’ai compris, plus tard, le problème. C’est que j’essayais de refaire une recette. De refaire la recette de Et au pire, on se mariera.
Et moi, quand j’écris, j’écris avec quelque chose qui se situe au niveau du ventre. Entre le cœur et le ventre. C’est instinctif. C’est pour ça que j’ai tout un processus de recherche…
Peux-tu me donner un exemple de ton processus de recherche?
C’est comme une gestation. Pour Chercher Sam, ç’a duré deux, trois ans… C’est comme des morceaux de casse-têtes, et ils se développent chacun de leur côté, puis un moment donné, il y a quelque chose qui fait que ça colle, et là, le processus continue, mais il continue pour l’histoire. Je ne prends pas de notes, mais je retiens. Si plusieurs fois je pense à la même idée, ben, c’est une bonne idée. Mes personnages, mon histoire, ils m’habitent.
Mais pourquoi tu dis que lorsque tu as commencé à écrire ton deuxième livre, tu avais l’impression que c’était pourri?
Parce que ça n’était plus instinctif. C’était juste dans la tête. Je voulais refaire mon premier roman. Je voulais que ça plaise! Alors que, quand j’ai écrit Et au pire, on se mariera, je n’en avais rien à foutre, je pensais que seulement quatre personnes allaient le lire…
Mon amie qui travaille à La Presse me dit un jour: «Hey! J’ai croisé Foglia! Il m’a demandé si tu écrivais ton deuxième parce qu’il ne veut pas mourir sans l’avoir lu.» Et moi, je disais: «Fuck! Mais tu te rends compte que ça ne m’aide pas là, ce que tu me dis!»
Je forçais la machine et je n’allais pas chercher mon histoire à la bonne place. J’aime beaucoup J.D. Salinger, et mon but de vie à cette époque-là, c’était, comme lui, de me retirer dans un hôtel devant la mer et de ne plus voir personne. Devenir ermite. Il n’y avait rien qui m’habitait.
Dans ma tête, je n’étais pas romancière. J’avais juste écrit un roman.
Et quel a été le déclencheur pour recommencer?
En parallèle, il y a eu le film de Et au pire on se mariera que j’ai commencé avec Léa (Pool). À ce moment-là, je travaillais dans la pub. Et même si j’aimais bien mon boss et mes collègues, je détestais ça, le 9 à 5. Le cadre fittait pas avec moi. Alors, quand j’ai eu l’occasion d’arrêter le 9 à 5 pour écrire le film, parce que financièrement c’était possible, j’ai démissionné. Et je me suis dit: «Bon, ben ça l’air que tu fais ça de ta vie, maintenant. C’est ça que tu vas mettre sur ta déclaration d’impôt.»
Alors tu t’assumais plus quand tu as commencé à travailler sur le film?
Oui. Je n’ai pas eu le choix! Une fois que j’ai arrêté le 9 à 5, ce n’était plus possible de recommencer. Puis écrire, c’est devenu mon métier. Avec la thérapie et le fait de dire: «C’est ça que je fais dans la vie.» C’est comme ça que je gagne mon argent et que je paye mon hypothèque. Fuck it! Le monde m’aimera ou ne m’aimera pas, c’est ça que je fais dans la vie!
C’est ça qui t’a aidé à débloquer…
Ça, et aussi une conversation avec ma meilleure amie qui m’a aidée à relativiser les choses. Et trois jours après cette conversation avec mon amie, j’étais au Salon du livre de Québec et j’ai vu un itinérant avec son chien. Moi, la veille, je pensais que je m’étais fait voler ma chienne. C’est une phobie. Finalement, ce n’était pas le cas, mais bon, sur le coup, j’ai vraiment paniqué. Alors le lendemain, je me retrouve à Québec et je vois cet itinérant… Je me dis: «Shit, lui, faudrait pas qu’il se fasse voler son chien pour de vrai!» De là est parti Chercher Sam.
Dix minutes plus tard, j’avais les grandes lignes de mon histoire.
Pas la suite, je l’ai repensée, je l’ai travaillée. Quand elle a été prête, je savais que mon personnage s’appelait Mathieu, qu’il venait de Joliette, qu’il était dans la mi-vingtaine. Puis là, une fois que tout a été fait, il me manquait juste de savoir c’est quoi vivre dans la rue…
Au début, je me disais que j’allais dormir sur un banc de parc avec ma chienne. Mais c’était totalement artificiel parce que je peux rentrer chez nous quand je veux. Ce n’était pas une bonne idée.
Fait que je me suis dit que j’allais discuter avec un jeune que je voyais souvent sur Masson avec son chien. Juste pour jaser, pour qu’il me feed sur ce que c’est, être dans la rue. La première fois que je lui ai parlé, je lui ai expliqué que je suis en train d’écrire un livre et que j’aurais besoin d’informations. Je lui demande c’est quoi son nom:
- Mathieu.
- T’as quel âge ?
- Ben, j’ai 24 ans.
- Tu ne viens pas de Joliette, toujours!
- Eh! Comment tu le sais?
Tu te dis: «Ce n’est pas possible!» Mais c’est ça qui est arrivé.
On s’est vus souvent. On est devenus amis. Et le Mathieu que j’avais dans la tête au début et le vrai Mathieu se sont comme mêlés pour donner le Mathieu qui se trouve dans les pages.
Je n’avais pas commencé à écrire quand j’ai rencontré Mathieu. Ç’a duré plusieurs mois. Ensuite, j’ai mis trois semaines pour écrire le roman. J’écris super vite.
À ce moment-là, étais-tu sûre de toi ou étais-tu encore angoissée?
Je n’étais pas angoissée, je m’en foutais, que ça marche ou ça ne marche pas. Parce que moi, je l’aimais. C’est comme avoir un bébé. Tu le fabriques pendant neuf mois, tu veux qu’il soit en santé, mais quelque part, si ce n’est pas le cas, tu vas l’aimer pareil!
Et de savoir que ton livre peut avoir une influence, va être important pour quelqu’un, ça c’est vraiment cool! Quand je veux écrire un roman aujourd’hui, je me dis que sur tout le monde qui va lire le roman, il y a bien une personne qui va être touchée. Moi, ça m’aide à continuer d’écrire.
M’inquiéter de savoir si les gens vont moins m’aimer ou si je vais les décevoir, c’est toujours là, mais ça ne m’empêche plus d’écrire.
As-tu un conseil à donner à quelqu’un qui gèle devant son deuxième roman?
Si tu écris pour les bonnes raisons; c’est-à-dire, pas pour être lu — selon moi — mais si tu écris parce que t’as besoin de dire quelque chose, parce que ça t’habite, parce qu’il y a une histoire qui doit être mise au monde, ben, c’est une bonne raison pour écrire!
On s’en fout si ça marche ou non, parce que le but, c’est que cette histoire existe.
Surveillez notre prochaine chronique «Écrivain – Histoire d’un métier» à paraître très prochainement. Pour découvrir nos précédentes entrevues, consultez le labibleurbaine.com/Histoire+dun+metier.
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Par Sarah Scott