ThéâtreCritiques de théâtre
Crédit photo : François Laplante Delagrave
Dans la chaleur de l’été 1832, la duchesse d’Antan (Sonia Vachon) décide de tromper son ennui en conviant les artistes les plus en vogue de Paris à son domaine de campagne. Les compositeurs Franz Liszt (Denis Savard) et Frédéric Chopin (Maxim Gaudette), ainsi que le peintre Eugène Delacroix (Mathieu Lorain Dignard) et le poète Alfred de Musset (Luc Bourgeois) débarquent avec tout leur charme et l’irrévérence de leur jeunesse pour profiter de vacances aux frais de la duchesse. Déterminée à ravir le coeur de Chopin, la scandaleuse écrivaine George Sand (Myriam LeBlanc) rejoint la joyeuse bande à l’improviste. Sa présence ravive les tensions avec ses anciennes conquêtes et déclenche une série de délicieux imbroglios où le vin coule à flots et les couteaux volent bas.
La prémisse de la pièce s’inspire de faits réels tirés de la vie de ces artistes mythiques. George Sand a en effet connu de grandes histoires d’amour avec Musset et Chopin. Née à Paris, Aurore Dupin compte parmi les écrivaines les plus prolifiques avec soixante-dix romans sous le pseudonyme de George Sand. Opposée au mariage, elle lutte contre les préjugés d’une société patriarcale, défend activement les droits des femmes et suscite le scandale de par sa vie amoureuse mouvementée.
La prestation bien mesurée de Myriam Leblanc, sûrement l’un des seuls personnages qui ne fait pas constamment des crises de nerfs, fait un joli clin d’oeil au féminisme d’aujourd’hui. Écrivaine accomplie, George Sand défie les conventions de son époque en s’habillant comme ses collègues masculins, en fumant le cigare et en séduisant les hommes qui lui plaisent comme bon lui semble. Elle est une femme qui se veut libre, malgré sa difficulté à semer ses anciens amants qu’elle a éconduits.
Luc Bourgeois vole complètement la vedette dans son interprétation hilarante d’Alfred de Musset. Charismatique et vif d’esprit, il livre ses répliques avec grande vivacité d’esprit et déguise l’âme en peine de son personnage avec des pincées de cynisme grinçant. En revanche, compte tenu du talent de Sonia Vachon, il est dommage que son personnage de la Duchesse d’Antan soit réduit aux limites du rôle de l’hôtesse idiote dans le scénario.
Suivant la trame conventionnelle de la comédie romantique hollywoodienne, l’intrigue est amplement prévisible. On apprécie plutôt Impromptu pour les effusions comiques des personnages et les situations embarrassantes dans lesquelles ils trébuchent. Soulignons aussi l’habile sélection de morceaux de Chopin pour traduire les atmosphères des tableaux et les humeurs des personnages.
Marie-Josée Bastien s’est très librement inspirée du scénario de l’Américaine Sarah Kernochan que cette dernière considère comme son texte le plus abouti. Le film paru en 1991 mettait en vedette Hugh Grant et Judy Davis. Depuis la création de la pièce, présentée en 2002 au Théâtre de la Bordée, Bastien a réécrit certains passages pour mieux la faire évoluer. Fort d’un solide parcours à la télé et au cinéma, Stéphan Allard signe sa première mise en scène au Théâtre du Rideau Vert, avec une distribution de haut calibre.
Légère et candide, Impromptu est une pièce au rythme rapide, peuplée de rebondissements qui évoque le genre du vaudeville. Ce trop-plein d’énergie propre aux comédies est toutefois porté à son maximum ici, à tel point que les cris incessants deviennent irritants. À plusieurs moments, les décors traduisent difficilement l’opulence d’un grand domaine d’aristocrates en campagne. L’énergie débordante des comédiens brise en quelque sorte la monotonie du décor bucolique.
Impromptu aborde des avenues de réflexion intéressantes telles que les réalités historiques du patronage de l’art par l’aristocratie et l’éternelle remise en question accompagnant la création artistique. Bien que la vie des artistes du XIXe siècle puisse sembler lointaine aux yeux du spectateur contemporain, elle offre des parallèles intéressants, par exemple sur la manière dont le mécénat flatte l’ego des plus nantis.
Autrement dit, est-ce l’appât du prestige social ou l’amour de l’art qui motive vraiment le parrainage des artistes? Quelques scènes posent un regard critique semblable sur le travail artistique. Les artistes créent-ils pour connaître la gloire personnelle ou toujours pousser les frontières de leur discipline?
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Par François Laplante Delagrave
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